Le pure player Slate.fr lance Transfert, une série de podcasts narratifs soigneusement élaborés, qui racontent l’intimité de vies anonymes. Une nouvelle écriture journalistique audio inspirée de formats américains.
Une musique douce, le calme, puis une voix qui vient briser le silence. “C’est vrai que mon histoire, c’est un peu une histoire de perversion”, entame Hugo. Le jeune homme n’est pas connu, et pourtant son récit va nous passionner pendant plus de vingt minutes.
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“L’histoire de perversion” d’Hugo est la première d’une série de podcasts qu’a lancée le pure player Slate.fr le 16 juin. L’objectif est ambitieux : prendre le temps de raconter des histoires différemment, uniquement avec du son. Et le défi est relevé haut la main.
Des séquences judicieusement montées
Après quelques minutes, impossible de ne pas être happé par le débit de parole de cet anonyme, par ses intonations qui finissent par faire office de berceuse hypnotique. Hugo va raconter comment il est devenu, à l’image d’un Harry qui vous veut du bien, obsédé par son couple de voisins.
Puis retracer minutieusement les étapes de son récit, découpé en séquences judicieusement montées pour tenir en haleine l’auditeur sans jamais faire appel à un narrateur extérieur. Au bout de quelques minutes, Hugo n’est plus seulement une voix : son sourire en coin devient palpable, son histoire prend vie dans ses intonations mi-gênées, mi-suffisantes.
Un format audio inspiré de podcasts américains à succès
Depuis plus d’un an, Slate.fr travaille sur le développement d’un format audio inspiré de podcasts américains à succès. Jusqu’ici, le pure player était avant tout connu pour son traitement en profondeur des sujets liés au numérique ainsi que sa place accordée aux longs formats d’analyse.
L’idée a germé en janvier 2015, au moment des attentats de Charlie Hebdo. “Beaucoup de gens avaient besoin de parler, de témoigner, d’exprimer des choses intimes. En tant qu’individus, on avait envie d’entendre des histoires autrement”, explique Charlotte Pudlowski, rédactrice en chef adjointe de Slate.fr, qui a porté le projet. Après dix-huit mois de développement, il a fini par voir le jour sous le nom de Transfert.
« Transférer ses émotions sur la personne qui est en train de parler »
“Je voulais que le nom tienne en un mot, continue la journaliste. Au-delà de l’aspect psychanalytique du terme, il y a l’idée de pouvoir transférer ses émotions sur la personne qui est en train de parler, de mieux comprendre le monde par ce processus d’identification.”
En plus de ces formats narratifs, le site français lancera un talk audio intitulé “Titiou, Nadia et les sales gosses”, pendant lequel les journalistes Titiou Lecoq et Nadia Daam discuteront de questions d’éducation dans une atmosphère intimiste.
Aux Etats-Unis, l’écoute de podcasts est déjà bien ancrée dans les pratiques de consommation de l’info. Le succès d’un feuilleton radiophonique appelé Serial n’y est pas étranger. A l’automne 2014, la journaliste américaine Sarah Koenig lance un projet fou : raconter l’histoire d’une affaire criminelle réelle en douze épisodes d’une quarantaine de minutes, uniquement sous forme radiophonique.
“Ma série télé préférée se trouve à la radio”
Sarah Koenig narre ainsi l’assassinat d’une jeune étudiante à la fin des années 1990 ainsi que le déroulé de l’enquête, et poste chaque jeudi matin un nouvel épisode en ligne. Le succès est immédiat ; il devient le premier podcast à passer la barre des 5 millions de téléchargements et écoutes en streaming.
“Ma série télé préférée se trouve à la radio”, se réjouit sur Twitter Danny Zuker, un des producteurs et scénaristes de la série américaine populaire Modern Family. Le compliment ne doit rien au hasard : Serial est pensé et construit comme une série, avec des épisodes, des rebondissements et une fin ouverte qui donne envie d’écouter le prochain épisode.
Slate.fr s’est inspiré de la série de podcasts lancée par son grand frère Slate.com en 2015
C’est de ce format que se sont inspirées les équipes de Slate.fr pour Transfert, ainsi que de la série de podcasts lancée par son “grand frère” américain Slate.com en février 2015.
A l’image d’une série qui rend accro, chaque épisode est donc méticuleusement structuré, avec “un début, un milieu et une fin”, précise Boris Razon, qui vient de rejoindre Slate.fr en tant que directeur de la rédaction.
On ne parle pas de témoins mais de personnages
Les épisodes de Transfert sont découpés en segments, avec des rebondissements environ toutes les cinq minutes, appuyés par des pistes musicales créées sur mesure par Pauline de Theodore, Paul et Gabriel, ou encore David Sztanke de Tahiti Boy And The Palmtree Family. “Il nous était très important d’avoir de la musique originale pour avoir un résultat très soigné, très produit. On n’envisageait pas de travailler avec des morceaux libres de droits”, précise Charlotte Pudlowski.
Pour arriver à un rendu léché et un montage aussi recherché, Slate.fr avait besoin de financement. Ils se sont associés à Audible.com, société spécialisée dans la production de livres audio en téléchargement. Pour sa directrice générale Constanze Stypula, il est évident que ce type de format audio offre des opportunités de narrations journalistiques uniques : “On est beaucoup plus proches de ceux qui racontent l’histoire. Il n’y a pas seulement leur parole, mais également l’émotion qui naît de leur sincérité.”
D’ailleurs, au sein du pure player, on ne parle pas de “témoins” ou de “sources” mais de “personnages”. Et cela fait toute la différence.
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