Tir groupé de sept films documentaires sur la chaîne franco-allemande. Un éventail éclectique allant du manuel du parfait policier allemand à l’enquête drôle et néanmoins tragique d’un réalisateur de séries Z sur ses origines.
Tous les deux ans depuis 2013, Arte propose un festival documentaire à rebours des codes télévisuels dominants. Cette année, du 6 au 8 juin, on verra un florilège de sept documentaires inédits – des coproductions Arte, déjà vues en salle ou primées dans des festivals internationaux. Inventivité, esthétisme et singularité sont les mots-clés pour le choix de ces films.
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les traces du traumatisme khmer
Prenons Exil de Rithy Panh, cinéaste cambodgien célèbre pour avoir consacré l’essentiel de son œuvre dénonciatrice au régime khmer rouge. Ayant déjà beaucoup exploré la question, il la décline désormais sur un mode plus distancié et poétique. Après L’Image manquante, où il employait en partie l’animation et des figurines en pâte à modeler, Panh se livre à une rêverie autour de la notion d’exil, illustrée par des images d’archives, des photos et la mise en scène, dans un lieu théâtral, d’un personnage muet et anonyme entouré par divers signes du passé et de la jeunesse du cinéaste.
Un patchwork onirico-romantique ponctué d’objets, de souvenirs obsédants du régime de Pol Pot, traumatisme indélébile. Moins un documentaire qu’un essai thématique où le passé revit à travers les archives, la voix off et la litanie des diktats politiques avec lesquels la “machine de mort khmer” justifiait le génocide.
la saga d’une famille juive
Le réalisateur Philippe Mora, lui, a tenté d’exorciser l’horreur nazie – à laquelle échappa de justesse sa famille juive – dans un documentaire de jeunesse intitulé Swastika, puis sur un mode plus sarcastique dans ses nanars horrifiques tournés à Hollywood. A présent, Mora est le héros et le sujet d’un film sur la recherche de ses origines : Monsieur Mayonnaise de Trevor Graham.
Ce film, aux antipodes de la sacro-sainte objectivité documentaire, peut lui aussi dérouter par son mélange hétérogène de dessins, de photos, de voix in et off, et par le ton badin avec lequel il évoque des sujets graves. Et pourtant, on est pris et séduit en quelques minutes par cette plongée dans les racines d’une famille hors norme. Mora refait pas à pas le parcours de ses proches, se rendant lui-même de Los Angeles à Berlin, Paris et Melbourne.
Il retrace par exemple les aventures romanesques de son père, résistant juif allemand qui faisait passer en Suisse des enfants juifs avec l’aide du futur mime Marceau. Une enquête passionnante à travers les continents, où Mora exorcise les horreurs nazies avec des peintures colorées et expressionnistes qu’il réalise sur les lieux mêmes des principaux événements décrits. D’où l’aspect pictural et paysager du film, tourné par monts et par vaux.
l’âme du paysage français
Le regard sur le paysage est le point commun de ce film de Trevor Graham avec un documentaire au ton et au propos distincts, La Ligne de partage des eaux, exploration raisonnée du bassin de la Loire et célébration de la nature remodelée par l’homme. Ce film de Dominique Marchais a trait à l’aménagement du territoire et à l’influence de l’agriculture sur l’environnement. Un soigneux topo in situ qui fait la part belle à la nature, en détaillant le pour et le contre des décisions locales débattues et délibérées sous le regard de la caméra.
Des opinions contrastées s’affrontent : certains privilégient le développement de l’emploi au détriment du monde végétal et fluvial ; d’autres effectuent des études de la configuration des lieux avant de remodeler l’habitat rural ; d’autres encore se fixent pour but de rendre les rivières propres et poissonneuses. Une synthèse pédagogique émaillée de charmants suppléments d’âme. Penser l’aménagement du territoire, c’est aussi réfléchir à son cadre de vie. Un luxe que tout le monde ne peut pas se permettre.
l’émerveillement retrouvé
Ce luxe est hors de portée pour les personnes ayant perdu leur autonomie. Comme les pensionnaires du service de gériatrie de l’hôpital Charles-Foix d’Ivry où Valeria Bruni Tedeschi et Yann Coridian ont filmé Une jeune fille de 90 ans. Celle-ci, nommée Blanche, est à 92 ans la vedette d’un atelier de danse du chorégraphe Thierry Thieû Niang dans ce service dédié aux patients souffrant de la maladie d’Alzheimer.
L’histoire du film, inscrite dans le titre, c’est la renaissance de cette vieille dame éteinte qui devient la partenaire privilégiée du danseur. Un film à la fois intrusif et empathique, qui regarde en face ces anciens ayant atteint le seuil de l’impotence et de l’hébétude. Soudain, le cliché du “retomber en enfance” ne semble plus aussi idiot ; ces vieillards confus retrouvent une vraie candeur. Il y a un émerveillement de petite fille chez la nonagénaire ébahie d’avoir pu réaliser un pas de deux alors qu’elle se croyait incapable de bouger.
Festival du documentaire d’Arte du 6 au 8 juin
arte.tv/fr
LE PROGRAMME
mardi 6 juin
Les Derniers Hommes d’Alep de Firas Fayyad, 20 h 55
Les derniers civils d’Alep se préparent au siège de la ville.
Exil de Rithy Panh, 22 h 20
Un poème lyrique sur la condition humaine.
Des voix au-delà de la censure de Mor Loushy, 23 h 40
Témoignages censurés de soldats israéliens sur la guerre des Six-Jours, en 1967.
mercredi 7 juin
Une jeune fille de 90 ans de Valeria Bruni Tedeschi et Yann Coridian, 20 h 55
La relation privilégiée de Blanche, 92 ans, et du chorégraphe Thierry Thieû Niang, animateur d’un atelier de danse.
Monsieur Mayonnaise de Trevor Graham, 22 h 20
Le réalisateur de films d’horreur Philippe Mora explore les racines de sa famille juive en Europe.
La Ligne de partage des eaux de Dominique Marchais, 23 h 50
La question de l’aménagement des territoires et celle de la préservation des richesses naturelles.
jeudi 8 juin
Serviteurs de l’Etat de Marie Wilke, 23 h 45
La formation de jeunes élèves policiers dans le land de Saxe.
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