Créée en 1978 au Royaume-Uni, Misty est une revue de récits fantastiques destinée aux jeunes filles qui ne s’encombra pas de stéréotypes girly. Une anthologie rend hommage à ces BD cultes.
Rosemary a des dons de télékinésie et est brutalisée par ses camarades de classe. Eve, amnésique, est tourmentée par d’horribles cauchemars et soupçonne son père et sa mère de ne pas être ses parents. Jan découvre dans un bâtiment abandonné un passage vers un monde parallèle dans lequel les nazis ont envahi l’Angleterre. Ces trois récits composent, avec deux plus courts, ce recueil tiré de Misty, un hebdomadaire britannique créé en 1978, mythique outre-Manche mais inconnu en France.
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Misty, dont l’aventure dura deux ans, se voulait le pendant féminin du magazine de BD SF pour garçons 2000 AD, qui publia notamment les aventures de Judge Dredd. A l’opposé des publications girly pour jeunes filles offrant des BD sentimentales que l’on trouvait couramment à l’époque, Misty fait régner le fantastique en maître. L’angoisse y est psychologique, le suspense induit par des éléments inexplicables, incontrôlables – pas de monstres ni de sang qui gicle ici.
Pour créer un sentiment de malaise et de frayeur, les auteurs (Pat Mills, un des créateurs de Misty et de 2000 AD, mais également Malcolm Shaw, qui travailla pour de nombreuses publications pour ados) jouent sur le décalage entre ces adolescentes en apparence très ordinaires et les aventures surnaturelles dans lesquelles elles sont plongées.
Bien au-delà des stéréotypes de genre
Bien que les ressorts fantastiques des récits soient toujours différents (pouvoirs psychiques, expérimentation pseudo-scientifique, paradoxe temporel, lieux maléfiques…), les héroïnes ont un point commun : toutes sont victimes de la méchanceté humaine, et en filigrane se dessinent des thèmes qui donnent de la profondeur aux histoires : harcèlement, mauvais traitements par les parents, horreurs de la guerre.
Ces aventures, qui néanmoins finissent bien – le premier récit, très inspiré par Carrie de Stephen King, ne se termine pas aussi violemment que son modèle –, sont servies par des dessins d’artistes espagnols ou anglais méconnus, dans un goût seventies très classique. Les mises en page sont imaginatives, pleines de nerf, donnant du rythme à des récits qui nous apparaissent aujourd’hui autant destinés aux filles qu’aux garçons. Des BD bien au-delà des stéréotypes de genre et des clichés de la bande dessinée pour filles, audace que l’on aimerait retrouver plus souvent aujourd’hui.
Misty créé par Pat Mills et Wilf Prigmore (Delirium), traduit de l’anglais par Jean-Paul Jennequin et François Peneaud, 176 p., 24 €
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