De retour au jeu vidéo grand public dix ans après “Noby Noby Boy” et quinze après le coup de maître “Katamari Damacy”, Keita Takahashi nous offre avec “Wattam”, un nouvel ovni vidéoludique d’une inventivité et d’une générosité folles. Et aussi : cinq jeux qu’on aura tout intérêt à garder à portée de main pendant les fêtes.
“Bienvenue, coffre au trésor.” Bienvenue, oui, mais on avait pourtant le sentiment depuis deux ou trois heures d’être déjà en train de farfouiller dedans. Et que de choses étranges, drôles et intéressantes on a pu y trouver… Des fleurs et des fruits, une bouteille et un brocoli, un carré vert coiffé d’un chapeau – c’est le maire ! – et puis un rond bleu qu’il a été tout surpris de rencontrer.
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Un nez, une bouche, une cuillère, des WC et tout un tas de crottes qui, une fois la chasse d’eau tirée, en sont ressorties toutes dorées. Mais d’abord, il y eut une simple pierre, notre « premier ami », qui s’appelait Stéphane. Car chacune de ces choses possède un nom : Manon, Maryse, Sébastien, Jocelyne… A noter qu’elles semblent aussi toutes aimer les explosions. Kaboom ! Que de rires à chaque fois que l’on déclenche la bombe dissimulée sous notre chapeau et que tout le monde se trouve propulsé vers le ciel… Et se rapproche pour un instant du soleil qui, cela mérite d’être souligné, fait partie des cent « objets » prêts à rejoindre notre belle collection.
Essayer des choses
Tout cela vous échappe un peu ? C’est normal car Wattam, qui a de bonnes chances d’être le dernier jeu vraiment marquant de cette très riche année 2019, est signé Keita Takahashi. S’il n’a jamais manqué de projets, le game designer japonais avait pris ses distances avec le jeu vidéo mainstream depuis la sortie, il y a dix ans, de son déjà très particulier Noby Noby Boy (où le but était de faire grandir une chenille colorée jusqu’à ce qu’elle atteigne la Lune, puis Mars, puis Jupiter…) Mais c’est surtout l’indispensable Katamari Damacy, paru à l’origine en 2004 et ressorti l’an dernier dans une belle version remastérisée, qui a fait connaître Takahashi.
Wattam s’inscrit nettement dans le prolongement de ces deux jeux. Comme eux, il arbore un style graphique immédiatement reconnaissable, faussement naïf avec ses formes simples et très colorées. Comme eux aussi, et malgré ses allures de fantaisie enfantine plus ou moins délirante, il entretient un rapport direct avec notre monde via, donc, les créatures et objets qu’il y prélève pour les faire apparaître dans ses quatre îles correspondant à une saison.
Comme eux, enfin, il repose largement sur le plaisir simple de faire, d’interagir, d’expérimenter. Jouer à Wattam, c’est d’abord essayer des choses et regarder ce que ça donne. Par exemple, que se passera-t-il si l’on fait manger l’un ou l’autre de ces trucs à ce grand arbre qui vient de pousser sur la planète du printemps ? Et si c’était précisément ça, la “solution” ?
Puzzle game
Si l’on parle de solution, c’est parce qu’en plus d’un terrain jeu et d’un coffre à jouets virtuel, Wattam est aussi un puzzle game : une suite d’énigmes à résoudre qui, basiques au départ, gagnent en complexité au fil de l’aventure. Certaines missions sont tout de suite claires (au hasard : aller récupérer le combiné téléphonique que le soleil a dérobé) et d’autres plus mystérieuses, mais elles ne nous laissent jamais vraiment désemparés, car la recherche à tâtons de la réponse est toujours en elle-même réjouissante, et le voyage vaut largement la destination.
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Après Noby Noby Boy, Keita Takahashi s’était intéressé à la conception de terrains de jeu (réels) pour enfants. Il y a encore quelque chose de cet ordre dans Wattam, qu’il n’est par ailleurs pas interdit de voir comme le chaînon surréaliste manquant entre Untitled Goose Game (pour le sens du burlesque et l’incitation à la fantaisie encadrée par des missions) et Everything (qui nous invitait lui aussi à collectionner et manipuler des « choses »), avec peut-être aussi un peu Flower, pour l’émerveillement et l’émotion, car ce que raconte Wattam n’est pas aussi léger et insignifiant que l’on pourrait l’imaginer – vraiment pas.
Mine d’idées
Il y a une odeur intéressante ? On envoie le nez. Un besoin d’eau en grande quantité ? L’oignon ira faire pleurer ces yeux surdimensionnés. Et puis la graine de palmier ira se planter elle-même avant que les objets, tous équipés de bras, ne se donnent la main pour faire la ronde. Ils peuvent jouer à construire des tours de plus en plus élevées en se grimpant les uns sur les autres, aussi. Que de motifs de réjouissance dans ce superbe Wattam…
“Bienvenue, canard de bain.” Cette fois, il s’agit d’un moyen de transport, qui nous permettra d’emmener une partie de notre troupeau de l’une à l’autre des quatre îles flottantes saisonnières que l’on reçoit également, quand elles s’offrent à nous en se débloquant, comme autant de présents. Car il y en a, des choses à voir et à faire dans ce jeu merveilleux. Et si, sans doute parce que son créateur ne s’interdit pas grand-chose, le jeu se révèle une mine d’idées originales qui lui permettent de se renouveler constamment, l’envie se révèle aussi souvent forte de refaire des choses dont on a déjà bien profité. Comme de reprendre nos curieux copains par la main et de se relancer dans une ronde endiablée aux allures de célébration de la beauté de l’instant et de la chance que, tout bien pesé, on a d’exister. Avec Wattam et ses surprises toujours plus belles, c’est déjà Noël.
Wattam (Funomena / Annapurna Interactive), sur PS4 et Windows, environ 20€.
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Et aussi :
Let’s Sing 2020
Libéré, délivré de la concurrence de Singstar, We Sing ou Lips, Let’s Sing occupe désormais presque en solitaire le créneau du jeu vidéo de karaoké. Que l’âge d’or du genre (2005-2010, à peu près) soit derrière nous et que l’on ne voit plus trop comment il pourrait innover au-delà de ce qu’il propose déjà (solo, duo, compétitions par équipe, en ligne, mixtapes…) n’a aucune importance. Let’s Sing 2020 est parfaitement calibré, riche en modes de jeu et en chansons (surtout si l’on complète le lot de base par quelques packs vendus à part). Le reste – la grandeur, le grotesque, éventuellement les deux à fois – nous appartient pour toujours.
Sur Switch et PS4, Voxler / Ravenscourt, environ 40€ (sans micro).
Williams Pinball : Volume 5
Et le jeu vidéo rendit un vibrant et scintillant hommage à l’un de ses ancêtres. A l’un des jeux, en tout cas, qui trouvèrent leur place dans les cafés bien avant lui : le flipper. Proposant à l’origine des tables conçues spécialement par ses développeurs du studio hongrois Zen Studios, Pinball FX 3 est passé aux choses sérieuses il y a un peu plus d’un an en accueillant des reproductions de vrais flippers de Bally ou Williams, dont trois créations des années 1990, Tales of the Arabian Nights, No Good Gofers et – notre préféré – Cirqus Voltaire, sont au menu du tout nouveau pack d’extension de ce fascinant musée interactif du flipper. On conseillera tout particulièrement la version Switch, qui a pour double avantage de pouvoir se pratiquer avec l’écran en position verticale et, à deux, de se prêter à merveille au mode « passe et joue ».
Sur Switch, PS4, Xbox One, Mac, Windows, iOS et Android, Zen Studios, environ 10€
Monster Jam Steel Titans
Qui n’aime pas les monster trucks ? En jeu vidéo, bien sûr – on ne parle évidemment pas du monde réel. Basé sur une véritable compétition et émission de télé américaine, Monster Jam Steel Titans est un jeu tout entier à la gloire de ces spectaculaires bolides à grosses roues, que l’on apprécie tout particulièrement de faire tourner sur eux-mêmes et détruire des obstacles. S’il n’est pas tout à fait exempt de reproches sur le plan technique, le jeu séduit par sa manière de concilier les plaisirs des sports dits extrêmes et ceux des simulations austères (les fameux « Simulators » : Farming, Bus, Construction…). A noter, parce qu’il serait criminel de garder tout ça pour soi, la présence bienvenue d’un mode deux joueurs en écran splitté, lisible même sur le petit écran de la Switch qui, quelques mois après les autres, vient de recevoir sa version du jeu.
Sur Switch, PS4, Xbox One et Windows, Rainbow Studios / THQ Nordic, environ 30€
Shovel Knight Showdown
Dernier étage de la fusée Shovel Knight mis sur orbite en même temps que son ultime extension « classique » éminemment recommandable King of Cards, Shovel Knight Showdown fait des différents héros et méchants de la saga indé phénomène les protagonistes d’un jeu de combat mouvementé à la Super Smash Bros (ou à la Towerfall, pour rester dans la bagarre en 2D). Au-delà du style Shovel Knight très reconnaissable et de ses sémillantes chiptunes, ce qui distingue ce Showdown est sans doute sa fidélité à ses origines de jeu de plateforme même dans la baston la plus débridée. Cela se ressent dans sa manière de nous faire jouer avec la configuration des arènes tout en nous permettant, dans une certaine mesure, de développer des stratégies d’évitement. Il va de soi que plus on sera de chevaliers à pelle ou à faux, plus on rira.
Sur Switch, PS4, Xbox One, Mac, Linux et Windows, Yacht Club Games, environ 9€. A paraître sur PS3, Wii U, 3DS et Amazon FireTV.
Just Dance 2020
Dix ans après sa naissance sur la Wii, Just Dance est toujours là (y compris, ce qui surprend un peu, sur ladite Wii). D’année en année, la formule s’est perfectionnée et les modes de jeu se sont enrichis, comme les possibilités offertes pour la détection de nos mouvements qui, à part sur les consoles Nintendo, peut se faire grâce à un smartphone et pas seulement aux périphériques dédiés à cet usage. Pas de grosse surprise dans cette version 2020 livrée avec un abonnement d’un mois au catalogue de 500 chansons Just Dance Unlimited, mais une parfaite maîtrise du concept et un sens très sûr de sa mise en image (et en scène). Et comme toujours, l’évaluation de nos performances est un élément presque secondaire de l’affaire : l’essentiel ici, c’est ce qui se passe devant l’écran.
Sur Switch, PS4, Xbox One, Wii et Stadia, Ubisoft, environ 60€
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