Le débat sur la promotion des minorités au sein des médias n’a pas trouvé un fort écho au sein des participants, malgré le retard criant de la France par rapport à ses voisins européens.
« Les journalistes français préfèrent se regarder le nombril plutôt que regarder le nombril du voisin ». A l’issue de l’atelier, ce membre du Conseil de l’Europe ne cache pas sa déception vis-à-vis du manque d’intérêt de la profession à cette question. Personne ou presque pour débattre de la diversité dans les recrutements et les contenus alors que l’atelier « Journalistes et patrons de presse : pourquoi tant de haine ? » fait salle comble au même moment. Le Conseil de l’Europe a pourtant lancé une nouvelle campagne, « Dites non aux discriminations », pour promouvoir l’accès des minorités aux médias. Plusieurs journalistes étaient également venus des quatre coins de l’Europe pour présenter leurs solutions. La promotion des minorités ethniques dans les médias français n’est (toujours) pas pour demain.
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« Notre plus grande réussite serait qu’il y ait des présentateurs roms », explique Judit Klein, journaliste à la télévision publique hongroise. Depuis 2006, la Hongrie tente avec succès de promouvoir la minorité rom en mettant en place un programme de stage pour les jeunes journalistes issus de la communauté, souffrant du syndrome « d’invisibilité sur écrans » alors qu’elle représente un dixième de la population. La plupart ensuite décroche un contrat. Ce type de recrutement se retrouve en Grande-Bretagne, dans la presse écrite.
« L’alternance est la meilleure méthode pour contourner toutes les sélections mises en place pour accéder à la profession, » constate Eric Macé, sociologue des médias travaillant sur les questions de diversité. En France, ce système est testé depuis 2004 à RadioFrance, mais l’essai est moins concluant. Jean-Luc Aplogan en est le chargé de mission pour la diversité : « Dès qu’il s’agit d’embauche, de réels blocages existent, même s’ils sont subtils et qu’ils ne se voient pas comme autrefois, où l’on prétextait l’absence de permis de conduire par exemple ».
Faut-il qu’une loi contraigne les médias à plus de diversité? L’idée est jugée contre-productive. On lui préfère l’argument économique ou financier, selon lequel grâce au contexte de crise économique, les patrons de presse auraient intérêt à promouvoir les minorités pour reconquérir le public. « Si les chaînes veulent regagner de l’audience, elles doivent rajeunir leurs programmes et innover. La presse aussi doit renouveler son lectorat en attirant les jeunes. Tout cela passe par plus de diversité », explique Eric Macé. Une plus grande diversité dans le recrutement entraînerait par ricochet une diversité dans le contenu, en enrichissant la force de proposition des rédactions.
Au-delà de la question récurrente des méthodes pour y parvenir, se pose aussi le problème des stéréotypes très largement répandus dans le milieu journalistique comme ailleurs. Combien de journalistes issus de minorités, finalement isolés dans leur rédaction et cantonnés à une catégorie de sujets, qu’on associe à tort à leur communauté d’origine ? Là encore, la France peut s’inspirer d’exemples européens qui ont fait leur preuves. Au Royaume-Uni, un Conseil des journalistes noirs est chargé de défendre l’égalité entre les races au sein des rédactions et des syndicats.
Malgré le désintérêt des professionnels français aux Assises pour ce thème de la diversité, le débat n’a pas manqué de rejaillir dans la discussion organisée avec des personnalités politiques. Trop forte homogénéité des milieux politique et journalistique, connivence et reproduction de « l’idéologie dominante », la profession serait « une ruse de l’Histoire » pour le leader du Parti de Gauche, Jean-Luc Mélenchon.
Le Conseil de l’Europe devrait dans les prochains mois présenter un projet de recommandations en faveur de la diversité aux réseaux de journalistes français et européens. Une commission « Médias et diversité » formée en avril dernier par le commissaire à la diversité et à l’égalité des Chances Yazid Sabeg, doit également présenter ses recommandations.
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