Qu’elle prenne la forme d’une légende urbaine, de blagues de collégiens ou d’une véritable pratique sexuelle, l’autofellation fascine autant qu’elle déroute. Entre autoérotisme masturbatoire et performance acrobatique, rencontre avec ces adeptes des parties de jambes en l’air.
“Apparemment il se serait fait enlever des côtes pour se sucer !” Voilà plus de dix ans que les très actifs forums du site Jeuxvideo.com tremblent des mêmes rumeurs. Car il est vrai que quiconque a un jour fréquenté les cours de récréation d’un collège au début des années 2000 a déjà entendu parler de cette incroyable histoire selon laquelle le chanteur Marilyn Manson se serait fait retirer deux côtes pour pouvoir pratiquer l’autofellation.
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Et quiconque a entendu cette légende évidemment fausse a un jour essayé de reproduire cet exploit gymnique dans le secret de sa chambre d’ado, malgré les deux côtes de trop. Mais le plus surprenant reste que certains y sont parvenus, perpétuant sans le savoir une pratique sexuelle aussi fantasmée qu’ultra marginale.
“C’est une sensation absolument phénoménale ! Je ne peux pas vraiment la décrire, c’est la somme de plusieurs choses. C’est non seulement le plaisir de se faire sucer mais aussi celui de sucer. Par contre, la contorsion peut parfois couper la respiration et le flux sanguin. C’est donc plus difficile de continuer à bander. C’est la seule chose un peu frustrante,” explique par exemple Thomas*, un Américain de 29 ans originaire de l’Oregon.
De l’Égypte antique jusqu’au selfsuck porn
Mais l’Humanité n’a pas attendu Marilyn Manson pour s’essayer à cette contorsion surprenante. Dès l’Égypte Antique, le papyrus d’un poème illustré datant du IVème siècle avant notre ère montrait le Dieu Atoum en pleine séance d’autofellation mystique. Dans son livre paru en 2014 La Fabuleuse histoire de la fellation, Thierry Leguay précise aussi qu’on raconte que cette pratique était même devenue courante chez les bagnards de Guyane.
Aujourd’hui, de Clerks à Scary Movie 2 en passant par l’incroyable scène d’ouverture du film Shortbus, le cinéma américain se délecte des références à l’autofellation tandis que les mangas japonais l’évoquent régulièrement dans leurs déclinaisons hentai. De son côté, le porno s’est lui aussi emparé de cette sexualité marginale via des acteurs comme Ron Jeremy, Scott O’Hara ou Ricky Martinez, même si beaucoup d’entre eux ne prennent pas vraiment cette acrobatie au sérieux, comme le précise la pornstar Steve Holmes : “J’ai fait quelques courtes scènes d’autofellation mais pour moi, c’était plus un gag qu’une vraie pratique sexuelle.”
“La plupart des hommes le feraient s’ils en étaient capables”
Pour beaucoup, l’autofellation est pourtant loin d’être une blague. Et comme les études d’Alfred Kinsley datant de 1948 prouvent que seulement 2 ou 3 hommes sur 1 000 seraient capables de la réaliser, certains psychiatres ne se sont pas privés pour décrire cette pratique comme une déviance grave. Dans un texte de 1946, les médecins Morris M. Kessler et George E. Poucher racontent par exemple le cas d’un patient multipliant les tentatives de suicide après avoir découvert l’autofellation. Selon eux, cette attitude se justifie avant tout par le refoulement de ses tendances homosexuelles.
“Ces études me font bien rire. Il ne faut pas oublier qu’avant, la masturbation sous toutes ses formes était considérée comme immorale. Vous savez comment les psychiatres déduisent ce genre de bêtises ? Ils se contentent d’observer des gens se masturber dans des asiles de fous… Heureusement, la psychologie a évolué et l’autofellation n’est plus considérée comme un désordre psychiatrique mais comme une variation sexuelle normale. Franchement, je suis sûr que la plupart des hommes le feraient s’ils en étaient capables,” souligne avec passion Michael*, quarantenaire hétéro vivant en Arizona et adepte loquace de cette pratique.
Quatorze années d’entraînement
Pourtant, à l’écouter parler, Michael ne semble pas vraiment considérer uniquement l’autofellation comme une simple “variation sexuelle normale” : “Quand j’avais 14 ans, en passant ma jambe gauche derrière mon cou, j’ai réussi à me courber suffisamment pour pouvoir me lécher le bout du gland. C’était pour moi un accomplissement majeur, j’étais très fier de savoir faire ça”. Mais en grandissant, Michael perd en flexibilité et se retrouve finalement à 30 cm de son sexe. Devenu jeune adulte, alors qu’il quitte la maison de ses parents pour l’intimité de son premier appartement, il décide donc de s’entraîner au moins deux fois par semaine pour parvenir un jour à réitérer son exploit. “Finalement, c’est deux jours après l’anniversaire de mes 28 ans que mon gland et ma langue sont de nouveau rentrés en contact. Cela faisait 14 ans.”
Une belle avancée vers le but ultime de Michael : pouvoir se donner une fellation complète jusqu’à s’éjaculer dans la bouche. Pour y arriver, avec la persévérance d’un sportif de haut niveau, il s’entraîne donc régulièrement, veille à ne pas prendre trop de poids et avoue même s’être inscrit à un cours de yoga pour parfaire sa souplesse.
“Pour moi, c’est un challenge. Ça m’a demandé beaucoup de travail pour arriver là où j’en suis aujourd’hui et je ne veux pas perdre ce que j’ai acquis. J’ai maintenant 42 ans et je continuerai aussi longtemps que mon corps me le permettra.”
En attendant, Michael parvient désormais à passer ses dents sur la base de son gland. “J’espère toujours pouvoir un jour atteindre mon but,” explique-t-il avec la détermination de ceux qui semblent avoir trouvé leur direction et foncent tête baissée, quitte à enjamber les normes.
*Les prénoms ont été changés
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