Au jeu des bilans d’audiences, M6 confirme son ascension et s’impose sur le podium aux côtés de TF1 et France 2.
Le rituel des communiqués sur les audiences de l’année, auquel se livrent en janvier les chaînes de télé, a l’allure d’une farce dont la règle du jeu repose sur un principe privilégié : l’intox. Car derrière tous les chiffres fièrement affichés par les chaînes, même les plus faibles, se cachent souvent des réalités plus tordues.
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Si, comme chaque année, TF1 exhibe sa domination avec 99 des 100 meilleures audiences de 2011 (du rugby, des Enfoirés, du DSK à 20 heures, et du Mentalist, comme soirées vedettes), elle oublie dans le même temps de rappeler que sa part d’audience a chuté (de 24,6% à 23,1%). France Télévisions a beau claironner qu’elle reste le premier groupe audiovisuel français avec 29,9 % de part d’audience, elle ne peut occulter le fait que France 2 (14,9%) et France 3 (9,7%) perdent des téléspectateurs.
Une ligne éditoriale obsessionnelle : le « factual entertainment »
Par contraste, M6 est la seule grande chaîne à pouvoir revendiquer et se satisfaire d’une réelle progression : en passant de 9,7% à 10,8%, elle prend la troisième place du podium derrière TF1 et France 2 sur l’ensemble de la journée, et devient la deuxième chaîne nationale en soirée. De quoi cette réussite insolente est-elle le symptôme ? D’un immense souffle créatif ? D’un goût de l’avant-garde télévisuelle ? Ou d’un positionnement malin et intelligent sur le marché de la télé hexagonale en s’inspirant de formats éprouvés à l’étranger ? La clé du succès de M6 tient avant tout dans une stratégie cohérente fondée sur une ligne éditoriale obsessionnelle : le « factual entertainment ».
Une forme d’écriture télévisuelle qui mêle téléréalité et documentaire, pour le dire très vite. Sans plateau télé, tout en images, centrées sur la vie quotidienne de personnes réelles, ces émissions hybrides se déploient en de multiples sous-genres : l’immersion (L’amour est dans le pré…), le coaching (On ne choisit pas ses voisins…), l’expérience (On a échangé nos mamans…), le jeu (Pékin Express, Top chef…). Ajoutant à cette gamme « factual », l’ancestral motif du concours toujours prisé à la télé (La France a un incroyable talent), M6 a su créer des rendez-vous familiaux et fédérateurs, tout en musclant ses avant-soirées : carton de la série Scènes de ménages, mais aussi du journal de 19h45, regardé par 3,5 millions de téléspectateurs).
Feel good TV
Il y a dans ce modèle la trace d’une vision éditoriale pétrie d’efficacité, amorcée depuis l’arrivée en 2007 de la directrice des programmes Bibiane Godfroid, très habile dans l’art d’agencer ces émissions ultraformatées. Ignorant sans complexe l’actualité culturelle sous toutes ses formes, jamais traitée dans des magazines appropriés, aussi bien que les écritures créatives en documentaire et en fiction, M6, plus éloignée du réel qu’elle ne le prétend, n’a que le divertissement, saupoudré d’un zeste d’information scénarisée (Capital, Zone interdite, 66 minutes…) comme horizon éditorial.
Miser sur « l’authenticité » et la proximité apparente, mettre en scène les affres et les fantasmes supposés des familles ordinaires, ne jamais se prendre la tête, assumer le principe d’une télé fun, M6 a mis en pratique ce modèle accompli d’une « feel good TV », comme on parle de « feel good movies ».
Jean-Marie Durand
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