L’entreprise de développement de jeux vidéo française Ubisoft a expliqué qu’elle ne pouvait pas ajouter des personnages féminins à son prochain jeu vidéo à cause de problèmes techniques. Une excuse que de nombreux professionnels trouvent ridicule.
« Les femmes sont difficiles à animer. » Voilà le hashtag qui sévit sur Twitter, utilisé plus de 12 000 fois depuis la présentation lundi 9 juin du jeu vidéo Assassin’s Creed : Unity lors de la conférence Microsoft pendant le salon international de jeu vidéo annuel E3. En cause : l’absence de personnages féminins proposés par l’entreprise de développement Ubisoft dans son nouveau jeu. Un comble, alors que pour la première fois, un mode de coopération en ligne a été ajouté à ce nouvel épisode, permettant à quatre joueurs de jouer en même temps et de faire des missions ensemble.
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Quatre personnages masculins, et aucune femme. Voilà une nouvelle qui a profondément agacé un grand nombre de joueurs, et surtout de joueuses. En août 2013, l’association ESA (Entertainment software association) publiait en effet une étude qui montrait que 45% des utilisateurs de jeux vidéo dans le monde sont des femmes.
« Trop compliqué techniquement »
Contestée de toutes parts, Ubisoft a été obligée de réagir dans un communiqué, expliquant qu’elle reconnaissait « les inquiétudes à propos de la diversité dans la narration des jeux vidéo« . Toutefois, des cadres de l’entreprise ont ensuite précisé que l’ajout d’un personnage féminin supplémentaire aurait été trop compliqué techniquement :
« L’équipe en voulait vraiment. C’était sur notre liste il y a encore pas très longtemps. Mais c’est une question de choix et de production. On voulait que les joueurs puissent profiter de la meilleure expérience possible avec un personnage. Un personnage féminin, ça aurait voulu dire refaire beaucoup d’animation, beaucoup de costumes. Ça aurait doublé le travail. C’est malheureux, mais c’est la réalité du développement de jeux vidéo », a déclaré le directeur technique d’Ubisoft, James Therien, au site Video Gamer.
« Un ou deux jours de travail »
L’excuse laisse pourtant certains professionnels de l’industrie perplexes. Jonathan Cooper, le directeur d’animation sur Assassin’s Creed III, a été un des premiers à s’étonner des argument avancés par Ubisoft, dont celui du designer Bruno St Andre, qui expliquait qu’il aurait fallu refaire « plus de 8000 animations » pour créer un squelette féminin .
« Selon mon opinion éclairée », a-t-il tweeté, « j’estimerais la durée de ce travail à un ou deux jours. Et non pas un remplacement de 8000 animations. » Avant de continuer : « Si on m’avait donné un dollar à chaque fois que quelqu’un à Ubisoft avait essayé de m’arnaquer sur une technique d’animation… »
In my educated opinion, I would estimate this to be a day or two’s work. Not a replacement of 8000 animations. http://t.co/z4OZl3Sngl
— Jonathan Cooper (@GameAnim) 11 Juin 2014
Des milliers de développeurs et neuf studios à travers le monde
D’autant plus qu’Ubisoft avait déjà montré par le passé qu’elle était capable de créer un solide personnage féminin. De nombreux mouvements de l’héroïne de Assassin’s Creed 3 : Liberation, Aveline de Grandpré, ont été inspirés et copiés du protagoniste masculin de Assassin’s Creed III, Conor. Seules quelques animations, comme lorsque le personnage marche ou court, ont été remplacées, d’après le site Polygon.
Fun fact #2: Aveline de Grandpré shares more of Connor Kenway’s animations than Edward Kenway does. pic.twitter.com/lFHHnBfLht
— Jonathan Cooper (@GameAnim) 11 Juin 2014
Une analyse confirmée par un animateur 3D, Maxime Lebled, interrogé par le Tumblr m-e-u-f-s :
« L’excuse ‘technique’, c’est du foutage de gueule : il n’y a pas besoin de tout réadapter pour un personnage féminin, tous les moteurs de jeux 3D modernes savent prendre une animation et l’adapter a différents squelettes (retargeting), que ce soit un nain, un joueur de basket-ball… n’importe quel bipède. Watch_Dogs recycle directement plein d’animations de Assassin’s Creed donc Ubisoft sait forcément ce que c’est, que le retargeting. »
Sans oublier que Ubisoft a engagé des milliers de développeurs pour travailler sur le jeu vidéo, répartis dans neuf studios à travers le monde. Difficile d’imaginer comment l’entreprise n’aurait pu demander à une poignée d’entre eux de s’occuper de transformer un des quatre personnages masculins en femme.
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