Depuis 2001, le Patriot Act permet à Washington de mettre les Etats-Unis et la planète sur écoute. Entretien avec Jameel Jaffer, directeur juridique de l’American Civil Liberties Union, puissante ONG locale, qui poursuit depuis 2005 le gouvernement américain pour ses activités de surveillance.
On donne déjà beaucoup de nous via les réseaux sociaux. Les Américains doivent-ils se soucier de ce que le gouvernement sait d’eux ?
Jameel Jaffer – Google en sait beaucoup sur vous, mais Google est une entreprise privée. Elle ne vous enverra pas en prison ni ne tirera de missile sur votre tête ; elle ne vous interdira pas de prendre un avion. Le gouvernement américain, lui, a le pouvoir de changer vos vies.
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Le 1er juin, le Congrès va voter une loi importante dans l’histoire des libertés publiques aux Etats-Unis.
Des éléments du Patriot Act – loi-cadre de surveillance aux Etats-Unis votée juste après le 11 Septembre – arriveront à expiration. Parmi ces éléments, on trouve la section 215. C’est Edward Snowden qui a révélé son existence. Elle permet à Washington de compiler les conversations téléphoniques des Américains. Tu décroches, le gouvernement sait qui tu appelles, quand et combien de temps ça dure. Ce que le Congrès va décider le 1er juin, c’est la poursuite de ce programme.
Les problèmes de surveillance auxquels la France fait face ont-ils des points communs avec ceux des Américains ?
Je ne connais pas tous les détails, mais les termes généraux sont les mêmes qu’aux Etats-Unis. Une des décisions prises juste après le 11 Septembre a été de mettre le pays sur écoute. On sait que l’impact sur les libertés est énorme mais que ces écoutes sont inefficaces. Des enquêtes internes le montrent : aucun complot terroriste n’a été évité. La seule chose accomplie en treize ans, c’est d’avoir coffré un type qui avait envoyé un mandat-cash de 5000 dollars en Somalie.
Pourquoi continuer si ça ne marche pas ?
La réaction naturelle des renseignements après une bourde est de demander plus de moyens au lieu d’avouer une erreur. Il y a aussi ce tabou d’accepter qu’on ne sera jamais en sûreté à 100%, que c’est le prix à payer pour une société libre. On n’a pas eu de vraie discussion à ce sujet aux Etats-Unis depuis les attentats du World Trade Center. Les politiciens sont effrayés de dire que le risque terroriste existe malgré l’envergure de la surveillance. Enfin, la surveillance est un business. De nombreuses entreprises en vivent aux Etats-Unis. Edward Snowden lui-même travaillait pour ce genre d’intermédiaires privés. Sa boîte gagnait des centaines de millions de dollars pour aider le gouvernement à surveiller la planète. C’est un lobby puissant, auquel les membres du Congrès ne sont pas insensibles.
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