Au Japon, les personnes transexuelles qui souhaitent changer officiellement d’état civil, doivent recourir à la stérilisation. Une loi, en application depuis 2003, que la communauté tente de faire réviser.
Si le Japon a fait des efforts indéniables, ces dernières années, en matière d’amélioration des conditions de vie de sa communauté gay, lesbienne et transexuelle, une ombre au tableau continue de porter préjudice aux bonnes initiatives mises en place dans l’archipel. En effet, la loi 111 de la Constitution japonaise, en application depuis 2003, exige que toute personne transexuelle qui souhaite modifier officiellement son état-civil, subisse au préalable une opération chirurgicale qui interrompera définitivement le fonctionnement des testicules ou des ovaires.
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Une pratique dénoncée par les Nations-Unies dans un rapport rédigé en 2013 qui rappelle qu’ « imposer une opération chirurgicale de stérilisation non-désirée aux personnes transexuelles, en gage de pré-requis pour accéder à une reconnaissance officielle de son genre sexuel est une violation des droits humains ». Dans un article publié en 2017, Human rights watch, qui qualifie cette obligation de « tâche dans le parcours du pays », souligne le caractère profondément discriminatoire de la procédure qui exige également que la personne soit célibataire, sans enfants, et suive une évaluation psychiatrique pointue.
Toujours selon Human rights watch, un groupe de parlementaires devaient se réunir en 2016 afin de réviser cette loi mais la discussion n’a finalement jamais eu lieu. La même année, le ministère de la santé japonais exprimait une certaine fierté concernant les progrès réalisés à l’égard de la communauté LGBT et défendait son modèle médical, insistant sur « le caractère objectif de la démarche » qui chercherait simplement à déterminer si la personne est bien transexuelle, justifiant ainsi le changement légal d’état civil ou pas.
Le refus de la loi japonaise
A l’annonce du verdict de la Cour suprême japonaise, le 25 janvier dernier, Tacaquito Usui a fondu en larmes. Né homme dans un corps de femme, ce transexuel de 45 ans s’est vu refuser sa demande de changement d’état civil. La raison à cela ? Il refuse d’être stérilisé. « Je dispose déjà d’un faux corps, sans fonction de reproduction puisqu’il ne me permettra jamais d’avoir d’enfants avec ma compagne, s’indigne-t-il. Alors je ne comprends pas pourquoi je devrai, en plus de cela, être mutilé ». Pour lui, le refus de cette reconnaissance officielle était bien plus qu’un bout de papier, « c’était la reconnaissance de ma famille au sein de la société. J’aurai également pu accéder au mariage avec ma femme ». La décision lui semble particulièrement injuste et il se désole de voir le retard que prend le Japon sur la question des minorités sexuelles, en comparaison avec le reste du monde. « J’aimerais rencontrer un juge qui croit aux droits de l’Homme et qui estimerait que chacun serait libre de changer de sexe, s’il en ressent le besoin ».
Tacaquito Usui vit avec sa femme et leur enfant, âgé de 8 ans, dans un village de la préfecture rurale d’Okayama, dans le Sud-Ouest du Japon. « Aux yeux de la loi, je ne suis qu’un colocataire dans mon propre foyer », se désole-t-il. Il a fait son coming out le jour même de ses 40 ans. « Avant cela, je vivais comme un chrétien caché, confie-t-il. Dissimulant douloureusement mes sentiments sur mon identité. » Depuis, il a pu changer les caractères de son prénom afin de le masculiniser mais pour le changement d’état civil, il a désormais épuisé tous les recours possibles.
Contraint de vivre cachés
Écœuré, Tacaquito Usui se pose des questions sur la poursuite de sa vie au Japon. Il envisage sérieusement de quitter l’archipel pour s’installer en Argentine, avec sa famille. « Je sais que je pourrai y être reconnu en tant qu’homme, sans passer par cette opération chirurgicale ». Au Japon, « la douleur qui transparaît de ces questions liées à la sexualité montre à quel point l’ignorance est grande et la diversité n’est pas culturellement acceptée ». A cause de cela, « de nombreuses personnes n’osent pas faire leur coming out et continuent de se cacher. Le débat sur l’identité des personnes transexuelles connait ses prémisses et j’espère que la conscience sociale va prendre forme et aura des conséquences sur la législation ».
Dans le cas de Tacaquito Usui, la Cour suprême japonaise a justifié son verdict en expliquant que la stérilisation était nécessaire afin d’éviter « les problèmes » dans les relations parents-enfants, les « confusions » sociales et pour protéger la société de « changements trop abruptes ». En une quinzaine d’années, plus de 7000 personnes ont ainsi été stérilisées au Japon, dans l’unique but de pouvoir modifier leur état-civil.
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