L’association afroféministe Mwasi organisait ce dimanche 28 juillet l’atelier en non-mixité “femmes noires face au système de santé”, à l’occasion de la seconde édition du festival Nyansapo.
C’est dans l’ancien squat qu’est le bâtiment La Générale, dans le 11e arrondissement de Paris, que dimanche 28 juillet, une centaine de femmes noires sont réunies autour d’un brunch. Il s’agit du lancement de la troisième et dernière journée du festival Nyansapo, organisé par le collectif afroféministe français Mwasi. Il revient pour sa deuxième édition, deux ans après la polémique. Comprenant des ateliers en non-mixité pour les femmes noires, la maire de Paris, Anne Hidalgo, avait voulu interdire la location de salles parisiennes pour la première édition du festival, en juillet 2017. Sans aucun accroc cette fois-ci, l’association et les participantes se retrouvent ce dimanche, avant d’attaquer plusieurs ateliers.
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“Femmes noires face au système de santé”
La plupart d’entre elles se retrouvent à l’Espace Hermès, quelques centaines de mètres plus loin de la Générale. Cet après-midi, plusieurs ateliers sont mis en place : “Nos cours et classes sont-elles antiracistes ?”, “Grandes théories et figures de la pensée féministe noire”, ou encore “Femmes noires face au système de santé” – très attendu. Et c’est dans une salle remplie d’une vingtaine de femmes de tous les âges que ce dernier se tient. Il est animé par Selem, étudiante infirmière de 22 ans, bénévole depuis la première édition du festival. Une fois les participantes installées, la session peut commencer. Après une présentation, Selem explique l’objectif de ces deux prochaines heures : “Savoir de quoi l’on parle devant un médecin en tant que femme noire.” Autrement dit, s’armer face à un corps médical potentiellement raciste.
Selem commence par aborder cette notion informelle : le “syndrome méditerranéen”, qui lui est enseigné en cours de médecine. Rien de scientifique ici mais plutôt un jugement fondé sur des préjugés. Ce terme désigne un comportement d’exagération des symptômes de la part d’un patient et ce, du fait de ses origines et de sa culture. Un syndrome en grande majorité imputé aux individus d’origine africaine. Cette notion a été propulsée après l’affaire Naomi Musenga. Cette jeune femme noire de 22 ans, décédée après avoir été moquée par deux opératrices du SAMU qui n’ont pas pris au sérieux son symptôme. Une affaire tristement “banale”, selon Selem qui côtoie tous les jours le système de santé. “Ce syndrome est annoncé comme étant quelque chose de vrai. Alors qu’il n’existe pas. Il ne fait que représenter les inégalités de soins que l’on peut avoir.”
Très rapidement, l’atelier devient interactif entre l’animatrice et les participantes. Elles sont plusieurs, tour à tour, à se succéder pour prendre la parole. L’objectif ? Partager son expérience avec d’autres femmes concernées par ce stéréotype raciste, partager cette expérience avec d’autres femmes qui peuvent comprendre d’où vient cette mauvaise prise en charge de leurs soins.
“Les patients sont au centre de la santé, les patient.e.s racisé.e.s en sont spectateurs”
L’une, Marine, explique comment un gynécologue, homme, blanc, “vieux de la vieille” comme elle le décrit, n’a pas hésité à faire abstraction de sa douleur, lors de ses examens pour diagnostiquer un papillomavirus. “Vous êtes douillette vous”, lui dit-il. Une autre, Elena, explique avoir été intoxiquée au dioxyde de carbone six années auparavant. Arrivée à l’hôpital, un médecin refuse de lui octroyer un caisson hyperbare (installation médicale au sein de laquelle les patients reçoivent une pression oxygénique supérieure à la pression atmosphérique via un masque), pour lui ré-injecter de l’oxygène, “à cause de son type de cheveux”, qu’elle se lisse pourtant à l’époque. À la place, il lui infligera une machine “préhistorique”, nécessitant de lui implanter des aiguilles dans le crâne. Tandis que deux autres témoignent des violences obstétricales qu’elles ont subies durant leur accouchement. “Quelques heures après mon accouchement, je hurlais de douleur. Après plusieurs demandes, l’infirmière a fini par me dire avec un dédain : ‘je vais vous donner un Doliprane ça vous soulagera peut-être’”, raconte par exemple l’une d’entre elles.
Après une bonne heure de partage d’expériences, les participantes décident d’échanger des conseils. “Si possible, ne pas se rendre seule en consultation pour avoir un appui”, “ne pas hésiter à dire encore plus fort si l’on a mal”, “avoir une prise de conscience au préalable de ce qu’il peut arriver”, ou encore “systématiquement demander un second avis médical”. S’armer psychologiquement pour mieux affronter les clichés. Comme le résume Maëlle, infirmière, “les patients sont au centre de la santé, les patient.e.s racisé.e.s en sont spectateurs.” Une phrase approuvée par plusieurs hochements de tête dans l’assemblée.
N’ayant pas vu le temps passer Selem, se voit obligée de couper court l’atelier, et de le conclure en cinq minutes. Elle insiste sur un ouvrage, “à lire absolument”, Maman noire et invisible, de Diariatou Kebe, la blogueuse Clumsy Mummy. Remarques, derniers conseils, et selfie de groupe, les participantes se lèvent et remercient chacune leur tour Selem, discutent entre elles. En route pour la clôture du festival, de nouveau à La Générale.
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