Plus d’un millier de personnes se sont formées aux actions de désobéissance non-violente pendant un Camp climat organisé en Alsace par trois ONG écologistes du 31 juillet au 11 août. Les participants étaient souvent des jeunes, sensibilisés à la question dans les marches pour climat, et qui veulent aujourd’hui s’engager plus radicalement pour l’écologie.
Elise, 18 ans, sort tout juste de garde à vue. Activiste écologique, elle a tenté de bloquer le One Planet Seum-It, où les dirigeants du monde entier comme Manuel Patron, Mickey Trump, Angela Market et Justin Troudenleau, sont venus réfléchir aux défis du changement climatique. « L’objectif de mon équipe était de remplacer les plats du buffet par des assiettes végétariennes. Mais la ‘polisse’ m’a trouvé alors que j’étais cachée dans les toilettes. J’ai été menottée puis emmenée au commissariat », explique-t-elle. Rassurez-vous sur son sort : la jeune fille aux courtes boucles blondes n’a subi aucune violence policière. Ni même de véritable interpellation. Elle participait seulement à un entraînement, à une « simulaction » organisée le samedi 10 août à Kingersheim, à côté de Mulhouse (Alsace) par trois ONG écolos : Alternatiba, les Amis de la Terre et ANV Cop21. Cet exercice de blocage grandeur nature constituait le point d’orgue du Camp climat. Une sorte d’université d’été de la désobéissance non-violente suivie par plus d’un millier de personnes, soit presque deux fois plus que lors de la précédente édition, en 2017. Un réel changement d’échelle dû, entre autres, à l’engouement envers les marches climat. « Quand tu prends conscience de l’urgence, c’est difficile de gérer ton angoisse seul. Nous voulons montrer qu’il existe des façons de s’organiser collectivement pour faire face « , explique Malika Peyraut, chargée de communication auprès des Amis de la Terre.
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Une studieuse colonie de vacances
Le camp s’est tenu dans un collège prêté par la municipalité, et chacun devait mettre la main à la pâte : de l’accueil à la cuisine – végétarienne bien sûr – en passant par le moins glamour nettoyage des toilettes. « Ici, c’est un peu la colo. Même si les organisateurs n’aiment pas trop ce mot car ils veulent qu’on ait l’air professionnels », indique Ludovic, 25 ans de militantisme au compteur. Ce grand brun barbu est l’un des référents du bar, où sont stockés 6000 litres de Licorne, une bière bio brassée spécialement pour l’occasion et servie seulement à partir de 18 heures. Le reste du temps, on carbure au café ou au thé pour suivre l’une des 300 formations dispensées par 155 bénévoles. Personne ne tire au flanc en passant sa journée à lézarder au soleil entre deux averses. « Nous ne sommes pas à la plage. Les gens veulent apprendre, ils veulent des réponses et repartir avec des choses concrètes pour agir à leur échelle « , poursuit Malika Peyraut.
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Ces militants en herbe ont parfois vingt ans à peine. Et leurs éclats de rire peinent à masquer la gravité de leurs discours. L’insouciance de leur jeunesse a été balayée par les rapports toujours plus alarmistes du GIEC, par l’effondrement toujours plus rapide de la biodiversité, voire même pour certains par la démission de Nicolas Hulot, l’ancien ministre de l’écologie. Une angoisse qu’ils ont tenté d’apaiser dans les marches pour le climat. En vain. Beaucoup désirent aujourd’hui aller plus loin et viennent chercher des réponses à leurs inquiétudes, acquérir des compétences. Dans le programme très dense, il y en a pour tous les goûts. De l’inoffensive confection d’une banderole, aux techniques de blocages pour franchir les lignes de police, en passant par les méthodes d’actions non-violentes ou l’organisation d’une cyber action. Un véritable mode d’emploi de futurs activistes souhaitant lutter contre des projets climaticides.
Trouver des parades au découragement
Au fil des douze jours, les amitiés se forment, un peu comme sur les bancs de l’école. Les cours de yoga, baignades dans les lacs alentour et les concerts nocturnes renforcent ces liens naissants. « C’est un vrai moment de sociabilité pour rencontrer des personnes envers lesquelles il faut avoir confiance avant de se lancer dans des actions qui nous font encourir des risques physiques et juridiques », explique Claire Lejeune, membre du récent collectif Extinction Rebellion.
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Militante pour les droits des personnes migrantes, sa prise de conscience « cognitive et corporelle » envers l’écologie s’est faite en début d’année. Et questionne sa carrière professionnelle. « Je suis actuellement à l’école normale supérieure et je pensais passer l’ENA. Mais je ne sais plus si j’ai envie de devenir un rouage de ce système qui ne fonctionne pas », décrit-elle. Grâce à Extinction Rebellion, la jeune fille de 24 ans a trouvé une oreille attentive pour partager ses craintes envers l’avenir : « Nous n’avons plus le choix. Nous sommes obligés de nous engager. C’est un réflexe de survie ».
Dans le gymnase du collège, un groupe termine sa formation à la désobéissance civile. Morgane, Margot, Marie et quelques autres se sont politisées ces derniers mois et sont soulagées de pouvoir échanger en toute bienveillance. « On se sent plus forts quand on sait qu’on n’est pas seuls « , sourit Marie. Elles s’échangent des conseils pour surmonter l’incompréhension de leur entourage. « Les gens autour de moi sont conscients du problème, car plus personne ne peut le nier. Mais ils pensent que trier les déchets, ça va suffire », soupire Morgane. « Quand on commence à parler de ça, on passe pour les ‘relous’ de service. Alors on ne veut pas trop leur forcer la main », renchérit tristement Marie. Margot avoue également son sentiment d’impuissance : « J’ai eu une dispute avec des amis à ce sujet et je suis lassée d’essayer de leur faire comprendre mes convictions. Désormais, je préfère montrer l’exemple ».
Pas besoin d’être un parfait écolo
Etre un écolo exemplaire n’est pourtant pas un prérequis pour rejoindre le camp climat. Qu’importe si vous ne mangez pas bio ou jetez parfois votre pot de yaourt dans la mauvaise poubelle. D’autant que ces petits gestes ne permettront jamais de « changer le système », l’un des slogans d’Alternatiba. Inutile également d’aller dévorer votre tablette Milka en cachette dans votre tente, comme nous l’a confié une participante. « Certains peuvent parfois se sentir honteux de ne pas être totalement en cohérence avec leurs idées. On a du mal à s’autoriser à ne pas être parfait. Mais il faut arrêter de se sentir coupable. L’objectif du camp est justement d’accueillir tout le monde quel que soit son niveau d’engagement », affirme Cécile, membre d’Alternatiba et formatrice au militantisme soutenable. Car ici comme ailleurs, les burn-out ne sont pas exceptionnels. Et pour tenir sur la durée, mieux vaut apprendre à se préserver, à connaître ses forces et ses limites. « Aujourd’hui, nous avons joué à un jeu. Mais je ne sais pas si dans la vraie vie j’aurais osé faire la même chose », confie une participante à la simulaction. Dans les futures batailles à mener, tout le monde ne montera pas au front. Certains prépareront les sandwichs tandis que d’autres s’infiltreront dans les locaux d’une multinationale. Car dans la bataille culturelle que mènent ces ONG, chacun doit trouver un rôle à jouer.
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