A cause des réseaux téléphoniques saturés pendant les attentats du 22 mars 2016, les autorités belges ont encouragé la population à communiquer par SMS ou via des applications de messagerie. Comme après les attentats du 13 novembre à Paris, le développement de solutions alternatives aux centres d’appel semble aussi crucial qu’urgent. Les réflexions ont pourtant déjà été menées et n’attendent que le soutien de l’Etat pour être mises en place.
Le message a été massivement relayé : « N’encombrez pas le réseau TEL, privilégiez les SMS et réseaux sociaux pour rassurer vos proches », a partagé le compte twitter officiel du « centre de crise » belge. Mardi 22 mars, des terroristes ont fait exploser plusieurs bombes dans l’aéroport de Bruxelles, tandis qu’une autre a été déclenchée dans le métro de la capitale belge, faisant au moins 31 morts et 300 blessés. Quelques heures plus tard, le groupe terroriste Etat Islamique (Daech) a revendiqué le double attentat.
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N’encombrez pas le réseau TEL à #Bruxelles – privilégiez les SMS et réseaux sociaux pour rassurer vos proches – réseau saturé
— CrisisCenter Belgium (@CrisiscenterBE) 22 mars 2016
« Les réseaux de Bruxelles sont saturés : il faut créer des apps d’urgence », titrait Rue89, soulignant notamment l’utilité de la fonctionnalité « Safety Check » mise en place par Facebook. Les internautes résidant en Belgique pouvaient ainsi signaler à tous leurs contacts, en un clic, qu’ils étaient « en sécurité ».
« On marche sur la tête »
« Quand j’ai vu qu’il se reproduisait à Bruxelles ce qui c’était produit à Paris, je me suis dit qu’on marche sur la tête! », constate Jean-François Pillou, fondateur du site Comment ça marche et directeur général associé du groupe média CCM Benchmark. Le 15 novembre 2015, deux jours après les attentats qui ont fait 130 morts et plusieurs centaines de blessés à Paris, il avait posté un billet très partagé sur sa page Facebook. « Des start-up révolutionnent des industries, pourquoi pas celle de la lutte contre le terrorisme? », interrogeait-il.
Et si nous disruptions la lutte contre le terrorisme ? S’il existe une infime chance, ça vaut le coup d’être tenté ! pic.twitter.com/bt3Up13PGf
— Jean-François Pillou (@jeffpillou) 15 novembre 2015
« Tous les centres d’appels aux secours reposent sur les réseaux téléphoniques. En plus ce n’est pas très efficace : il faut dire où on est, décrire le lieu, on perd un temps fou alors qu’on est dans une situation d’urgence », continue-t-il.
A la suite de son post Facebook, Jean-François Pillou avait pourtant été entendu. La préfecture de police et la mairie de Paris avaient organisé, en janvier 2016, un « hackathon » sur un week-end. Des développeurs, graphistes et membres de la société civile s’étaient réunis au sein de l’école 42 pour développer des idées pour « renforcer la sécurité à Paris« .
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Le 112 par SMS
L’un des principaux défis était de moderniser les numéros d’urgence comme le 112 ou le 17, « un truc archaïque, alors qu’on est à l’ère des SMS et des applications« , affirmait même Jean-Louis Missika, adjoint de la maire de Paris Anne Hidalgo.
Un des dix projets retenus par le jury à la fin du week-end allait précisément dans ce sens. « Navarro Hotline » veut être le premier « 112 par SMS ». « Au hackathon, tout le monde était parti sur la création d’applications mobile, mais personne n’installe d’applications de nos jours! », assène Rodolph Vogt, développeur de la plateforme et PDG de l’entreprise M-CADOR.
« En revanche, même ma mère est capable d’envoyer des SMS pour me harceler. C’est devenu un réflexe, accescible quasiment à toute la population. »
Pour utiliser Navarro Hotline, il suffit ainsi d’envoyer un texto à un numéro d’urgence, et la plateforme renvoie automatiquement des questions pour connaître la position de la personne, savoir si elle est témoin ou victime d’un incident, et peut ainsi hiérarchiser les signalements en fonction de leur niveau d’urgence. Son fondateur Rodolph Vogt précise qu’il existe déjà une « démo fonctionnelle » du projet, et qu’une expérimentation devrait être mise en place le mois prochain dans la capitale française, en partenariat avec la préfecture de police de Paris.
« On est à une époque où bien au-delà de la voix et du téléphone, il y a beaucoup d’idée à développer ! Bien sûr il ne faut pas supprimer le système classique, mais la plupart des gens ont un smartphone, il y a les SMS mais aussi la géolocalisation qui peut être très utile« , abonde Jean-François Pillou.
Des projets qui demandent des ressources humaines et financières
S’il est nécessaire de développer des outils pour que les citoyens puissent contacter les autorités, faciliter la communication de l’administration vers la population est également crucial. C’est le postulat d’Eric Pommereau, ingénieur et ancien policier, qui a participé au développement de la plateforme « Géo Alerte ». L’idée repose sur la création d’une API (une interface qui permet de faire communiquer entre elles deux applications) qui permettrait aux autorités d’envoyer des informations ciblées aux propriétaires de smartphones en fonction de leur localisation :
« Pendant les attentats de Belgique par exemple, cela aurait permis aux gens qui ont activé la géolocalisation sur Facebook ou Twitter d’avoir une pastille qui s’affiche sur ces applis et leur conseiller d’éviter certaines zones », raconte l’ingénieur.
Mais contrairement à Navarro Hotline, Géo Alerte n’a pas beaucoup avancé depuis le hackathon de janvier. « Derrière l’idée, il y a énormément de boulot pour mettre en place une telle API, ça demande des ressources, il faut mettre en place une plateforme, la sécuriser… », regrette Eric Pommereau. « Pour l’instant il n’y a pas de gens qui seraient disponibles pour se mettre dessus à plein temps. » Reste au gouvernement le choix d’allouer les ressources nécessaires au développement de telles initiatives.
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