A mi-chemin entre l’objet d’art et le magazine spécialisé, la revue Garagisme n’a pas grand chose à avoir avec la presse automobile classique. Fréquentant moins les comptoirs des kiosques à journaux que les concepts stores stylés, ce semestriel bilingue anglais-français vendu à l’international (10 euros) consacre ses pages aux “pensées automobiles”. Il y a ces […]
A mi-chemin entre l’objet d’art et le magazine spécialisé, la revue Garagisme n’a pas grand chose à avoir avec la presse automobile classique. Fréquentant moins les comptoirs des kiosques à journaux que les concepts stores stylés, ce semestriel bilingue anglais-français vendu à l’international (10 euros) consacre ses pages aux « pensées automobiles ».
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Il y a ces voitures branchées ou sales qui évoquent tantôt la nostalgie du vintage, tantôt le « cool » des grandes métropoles ; la bien-pensance écolo-bobo et la décadence de l’empire automobile aussi… Et puis il y a celles et ceux qui les conduisent, les vendent, les apprivoisent, les photographient ou les dessinent. L’homme et la voiture se retrouvent dans une revue qui entend questionner « nos rapports aux transports individuels motorisés en réunissant des points de vues et des pratiques diverses : artistes contemporains, photographes, architectes, urbanistes… » . C’est comme cela que son fondateur, le photographe Gilles Uzan, décide de décrire la future revue lorsqu’il veut financer le premier numéro de Garagisme grâce à KissKissBankBank, début 2012. Désormais directeur créatif de ce semestriel, il se souvient des prémices de son projet et de sa passion pour les « bagnoles » :
« Dès l’âge de cinq ans, je feuilletais Autoplus chez le coiffeur. Au départ, je ne savais pas ce qu’on pouvait dire de l’automobile et je subissais plus les voitures qu’autre chose à Paris. Je me suis alors aperçu que je les détestais autant que je les aimais… C’est de cette dynamique qu’est né Garagisme« , raconte-t-il.
Cette relation « amour-haine » avec l’automobile dans Paris intra-muros, Mathieu Flonneau la connaît bien. L’historien et auteur des Cultures du Volant XXe-XXIe siècles (2008, Autrement) explique comment la voiture « s’est démonisée » dans les grandes villes, où l’on utilise davantage les transports en commun (plus éco-reponsables) tout en ayant les moyens d’avoir son propre véhicule. « Comme si on était blasé de l’automobile », ajoute-t-il en référence à un second ouvrage, L’auto-refoulement et ses limites (2009, Descartes).
Garagisme replace la voiture au centre de ses questionnements. Tiré à seulement 2 000 exemplaires – ce qui fait son côté « collector » pour les journalistes d’Autoplus – , il attire autant « les férus d’automobile que les passionnés d’art » poursuit Gilles Uzan. Dans son troisième et dernier numéro, le semestriel nous emmène chez Frank Ocean qui nous dévoile son dada pour les BMW avant de décrire son projet de custom en cours. On voyage jusqu’aux carlingues ébranlées de Carhengue (Nebraska) en pointant la fin du rêve américain, encore bien présent quelques pages plus loin dans les hot rod punk et indus’ made in Luxembourg. Avec ses réflexions élargies et ses détours qui font la patte du magazine. Ce ton et la volonté « d’apporter un regard critique sur l’objet automobile et les liens que l’on créé avec lui » se traduisent dans la conception même de Garagisme :
« On choisit nos sujets au hasard de rencontres et d’inspirations diverses. L’idée est de faire appel à des contributeurs qui ne sont pas forcément spécialisés dans le domaine automobile. Pour des sujets qui traitent du design, on ne va justement pas contacter des designers », précise Gilles Uzan.
La revue se nourrit ainsi d’une approche décalée et critique sur un objet aux dimensions sociologiques et culturelles plurielles. En France, la voiture possède un côté élitiste tout en étant emprunte de culture populaire. D’un objet de luxe en 1910 à celui de la France urbanisée puis de celle des banlieues après la Seconde Guerre mondiale, la voiture a changé de statut dans le temps et l’espace. « Ce qui a fait d’elle un marqueur social et temporel inédit », assure-t-il. Intimement subjective, elle fait enfin appel à toutes les valeurs humaines. « Les pires comme les meilleures », d’après Matthieu Flonneau.
« Des œuvres d’art sur quatre roues »
Matthieu Flonneau considère également que l’automobile est également « un objet total, poétique et artistique (…). La voiture jouit de références culturelles débordantes », confirme Gilles Uzan. Au cinéma, elle a fait naître le genre du road movie. Du bitume foulé par les bécanes d’Easy Rider au couple Bonny/Clide d’Arthur Penn. On retrouvera plus tard la Mini Cooper de Braquage à l’italienne, la Ford Grand Torino de The Big Lebowsky, la Dodge Monaco des Blues Brothers et plus récemment la Volkswagen Transporter de Little Miss Sunshine. Le mythe du volant est également incarné par certaines figures, « que ce soient les héros de courses tels que Fangio, les stars de cinéma comme James Dean, ou encore les Miss lors de concours d’élégance », décrit Nathalie Halgand dans son article La passion de l’objet : le cas de l’automobile.
Un regard neuf via la photographie
Détournée par provoc’ dans le pop art US ou recyclée poétiquement par les Nouveaux réalistes français, désormais, les « bagnoles », c’est « cool » :
« L’automobile et son iconographie sont présentes partout, on voit plein de photos de voitures dans les Tumblr, idem sur Instagram ou tout le monde ou presque photographie des voitures car elles sont notamment faciles à photographier et disponibles tout le temps », estime le directeur créatif.
La photo est d’ailleurs très présente dans Garagisme. Parmi ses premiers contributeurs, on peut citer l’américain Matthew Porter et Eric Tabuchi dont les travaux se concentrent principalement sur les voitures et les paysages qui les entourent. Mais l’équipe de Garagisme fait aussi appel à des pro de la photo qui sont plus éloignés du sujet. C’est ainsi que la revue a accueilli les clichés de CG Watkins, Nicolas Pouillot ou encore Sophie Brasey… Et d’autres à venir dans le prochain numéro dédié dans ses grandes lignes au design et prévu pour l’automne.
Marie Monier
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