Galerie permanente, espace de création, encyclopédie participative… la chaîne franco-allemande lance Arte Creative, ambitieuse plate-forme pour les arts numériques.
De quoi Arte est-il le nom ? D’une marque à vocation culturelle ? D’un projet transmédia tentaculaire ? Avec Arte Creative, sa nouvelle déclinaison sur le Web, le diffuseur franco-allemand s’ingénie une fois de plus à subvertir la définition classique d’une chaîne de télévision pour l’ouvrir à des dimensions inédites.
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Si, avec Arte VOD et Arte+7, la protégée du néo-retraité Jérôme Clément a mis en ligne des extensions logiques de sa programmation hertzienne, Arteradio et Arteliveweb se sont emparés des champs médiatiques laissés en friche (la création radio, la captation de spectacles vivants), les rénovant jusqu’à en faire des domaines réservés – ou presque. Même volonté de marquer son époque avec des webdocs performants, dont Prison Valley (luxueuse machine à documenter) ou le récent Addicts (expérience narrative ambitieuse, mais un échec sur la longueur).
Doit-on s’attendre à un tel phénomène d’appropriation avec Arte Creative ? L’ambition de ce nouveau site est double : marquer de son sceau la création numérique contemporaine, mais surtout fédérer un univers hétérogène, traversé de courants parallèles et d’initiatives résolument individuelles. Rien de moins qu’une plate-forme où doit prospérer l’utopie d’un art total. Vidéastes, net artistes, plasticiens, concepteurs de jeux, graffeurs et graphistes, émergents ou confirmés sont donc invités à sortir de leur isolement et à penser « communauté », le tout sous la bannière de la seule chaîne capable de parler de contre-culture sans trop faire sourire.
Ils devront pour cela accepter les conditions d’accueil inhérentes au Net : proximité avec des dizaines d’autres occurrences, durée d’exposition limitée en page d’accueil, référencement toujours délicat dans les sites profus. Avec l’import de deux à quatre projets par jour, la galerie virtuelle promet de réunir « la plus grande expo du monde sur le net » selon son chef de projet, le critique d’art Alain Bieber.
L’avenir dira si le voeu était un tant soit peu fanfaron, mais pour l’heure le souci de Bieber et de son équipe est de ne pas faire d’Arte Creative une foire internationale, une auberge espagnole de l’imagerie moderne. D’où une forte volonté sélective, qui se conjugue avec les valeurs traditionnelles d’Arte – maîtrise des contenus, élitaires pour tous. Il n’y aura donc pas de place pour tout le monde.
« Nous ne sommes pas un provider comme Youtube, précise Florian Hager, directeur des nouveaux médias. Pas un fournisseur de contenus, plutôt une plate-forme de travail. Le choix et la contextualisation des oeuvres sont faits par nous, en amont. »
Cet activisme éditorial s’articule autour de quelques idées-force : un maximum d’oeuvres en Creative Commons – donc téléchargeables et diffusables par tous -, un système de coproduction pour les pièces originales et le souhait d’échanges entre artistes, de remixes incestueux. L’horizon proche de ce cousin pop d’UbuWeb est aussi de servir d’incubateur à de nouvelles écritures visuelles, qui viendront – ou pas – nourrir les futurs formats d’Arte, la maison mère. Un retour à l’envoyeur qui serait particulièrement bienvenu, tant la vidéo contemporaine peine à trouver sa place sur les écrans – Die Nacht exceptée.
Pour l’heure, on retiendra qu’avec Arte Creative, l’art numérique s’offre comme une denrée quotidienne, et des artistes comme Miltos Manetas, Thomas Lannette ou Jean-Gabriel Périot accèdent à une visibilité inédite.
Pascal Mouneyres
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