Un journal d’opposition russe révèle comment les autorités tchétchènes ont arrêté et parfois battus à mort des homosexuels, dans un grand projet de répression. Des témoignages édifiants.
Traque, arrestation, violences, voire même électrocution… Les autorités tchétchènes ont lancé une grande opération de répression des homosexuels depuis le début de l’année, comme le révèle le journal russe d’opposition Novaïa Gazeta. Au moins trois d’entre eux seraient morts dans ces prisons secrètes dont l’une d’entre-elles se situe dans la ville d’Argoun, au sud-ouest de la Russie. Au moins une centaine de personnes – âgées de 16 à 50 ans – ont été emprisonnés.
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Extorsion de fonds et électrocutions
Novaïa publie trois témoignages anonymes qui racontent avoir vu des hommes battus à mort, d’autres torturés, voire électrocutés, pour qu’ils donnent les noms de personnes homosexuelles. Ils témoignent aussi d’un système d’extorsion de fonds bien huilé, où leur liberté se monnaie. Et de leur obsession pour les téléphones portables :
« Leur but principal était de récupérer nos contacts, car pour eux, si tu es suspecté d’être homosexuel, alors tout ton réseau de contact l’est aussi, raconte l’un des témoins. Ils gardaient nos téléphones allumés, n’importe quel homme qui appelait ou écrivait un message était une nouvelle cible. »
Des personnalités religieuses, et des proches du dirigeant de la région, Ramzan Kadyrov, ont également été arrêtés.
Avant l’article de Novaïa Gazeta, des rumeurs d’arrestations homophobes dans le pays courraient, comme le rapportait le New York Times au début du mois d’avril. Tout se serait en fait déclenché au début du mois de mars, lorsque des militants de la communauté LGBT – sous l’impulsion de Gayrussia.ru – ont tenté d’organiser des Marches des fiertés dans différentes villes du Caucase du Nord. Le but de la manœuvre était avant tout d’accumuler les refus pour se tourner vers la Cour européenne des droits de l’Homme. « C’est à partir de ce moment que fut donné l’ordre d’entreprendre un ‘nettoyage préventif’ et que l’opération a abouti à de véritables meurtres », assure le journal.
« De nombreux signaux (…) pour ne pas être vrais »
Dans son enquête, Novaïa Gazeta accusent le président du Parlement tchétchène, Magomed Doudov, et le chef de la police d’Argoun, Aioub Kataev, d’avoir orchestré cette répression. De leur côté, ils qualifient l’article du journal de « désinformation ».
« Vous ne pouvez pas arrêter des gens qui n’existent simplement pas dans la république, affirme le porte-parole du gouvernement à l’agence de presse russe Interfax. Si de telles personnes existaient, les forces de l’ordre n’auraient pas à s’en soucier puisque les proches de ces gens-là auraient été envoyés là où ils ne pourraient jamais revenir », puisque « les hommes en Tchétchénie ont un mode de vie sain, ils font du sport, et n’ont qu’une seule orientation [sexuelle]. » Il ajoute :
« Si ces personnes existaient en Tchétchénie, les forces de l’ordre n’auraient aucun problème avec elles puisque leurs proches les auraient déjà envoyées dans des endroits où personne ne revient. »
Dans les colonnes du New York Times, Ekaterina L. Sokiryanska, experte du Caucase au sein de l’International Crisis Group, confirme qu’il y a « de nombreux signaux » qui « proviennent de trop nombreuses sources pour ne pas être vrais ». Amnesty International, ILGA Europe, le département d’Etat américain et le Parlement européen réclament l’ouverture d’une enquête.
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