Arivaca, Arizona : ses marginaux, ses contrebandiers, ses racistes fanatiques. Trois paumés ont tiré sur la famille Flores. A leur tête, Shawna Forde, une militante anti-immigration qui dévalise les trafiquants de drogue à la frontière du Mexique. On est parti sur ses traces.
Shawna Forde, la suspecte
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Shawna Forde a débarqué à Arivaca en 2008. Originaire de l’Etat de Washington, délinquante dès l’adolescence, elle s’est livrée à la prostitution, au vol, à l’arnaque et à la manipulation des plus faibles.
Par opportunisme peut-être, elle s’est alignée sur le Minuteman Project. Fondé en 2005 par Jim Gilchrist, ancien journaliste et comptable, ce mouvement xénophobe s’est donné pour mission de protéger les Etats-Unis de l’invasion des immigrés venus d’Amérique latine.
Ainsi, des centaines de citoyens privés se sont mis à patrouiller la frontière, du Texas à la Californie, pour seconder la Border Patrol. Aussitôt organisés, le Minuteman Project fait une percée à Arivaca, pensant y trouver des sympathisants.
“Mais on leur a fait comprendre qu’ils étaient indésirables”, se rappelle Fern. “Ici, on aide les immigrés dans la mesure du possible. S’ils sont affamés, on les nourrit, s’ils ont soif, on leur donne à boire.”
Ils sont repartis la queue entre les jambes. Depuis, des luttes intestines ont affaibli l’organisation restée discrète jusqu’à récemment.
Sitôt adhérente du mouvement, Shawna tente d’en prendre le pouvoir par la ruse, puis par la force. Ses multiples tentatives de coups d’Etat lui valent finalement d’être éjectée.
Elle décide alors de former son propre groupuscule, le Minutemen American Defense (MAD). Accompagnée d’un ramassis de vétérans du Vietnam et d’Irak, elle part pour l’Arizona. Avec un plan en tête : recruter des complices pour dévaliser les trafiquants de drogue afin de financer le MAD.
Armée jusqu’aux dents, assoiffée de publicité, elle fait immédiatement parler d’elle. Elle poste des vidéos de ses exploits sur YouTube et se retrouve bientôt invitée à des conférences tout ce qu’il y a de plus sérieux. A une époque, elle se lie même à Tom Tancredo, l’un des candidats à l’investiture lors de la dernière élection présidentielle.
Des cadavres dans le désert
A Arivaca, on n’aimait pas Shawna Forde et personne ne lui posait de questions. “Ici, on ne se mêle jamais des activités des uns et des autres. On connaît ceux qui ont des liens avec la mafia mexicaine mais nous n’en parlons pas, m’explique Gail, une Canadienne de 65 ans. Ainsi, nous vivons en bonne entente. Le tout est de comprendre les différentes couches de notre société.”
Vieux hippies anarchistes, cow-boys conservateurs, artistes, trafiquants, ornithologues amateurs et même une riche avocate d’affaires de New York et un informaticien qui déambule pieds nus forment le tissu social d’Arivaca. Tous sont ici pour une raison : qu’on leur foute la paix.
“Nous n’avons ni maire, ni conseil municipal, ni flics, ni gouvernement d’aucune sorte et c’est comme ça que nous voulons notre village”, précise Fern.
Je demande : “Si vous êtes attaqués, que faites-vous ?” – “On se défend ! On est tous armés”, répond Sean, l’air de se demander d’où je sors avec mes questions idiotes.
Il arrive que le matin, des résidents trouvent chez eux des immigrés affamés, assoiffés. Abandonnés dans le désert par des passeurs qui leur ont assuré que Phoenix était à deux pas. En réalité, la capitale est à 275 kilomètres au nord.
“Les circonstances les rendent parfois dangereux, explique Gail. Avant, on ne fermait jamais les portes à clé. Aujourd’hui, si.”
“Tous les jours, on trouve des cadavres dans le désert”, précise Lea Leo, une secouriste bénévole. Du coup, le premier soir, à défaut d’un calibre, j’ai placé un couteau de cuisine sur ma table de nuit. J’ai oublié de le remettre à sa place en quittant les lieux quatre jours plus tard. Sally Rocker, ma logeuse, va le trouver.
A mon arrivée, elle m’avait déclaré : “Arivaca est très sûre. Je réponds de ses habitants.” Pour ajouter une minute après : “Remarquez, j’aurais aussi juré qu’Albert Gaxiola était un type bien. Tout le monde vous dira que c’était un nounours.”
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