Engageons-nous, rengageons-nous, qu’ils disent… Depuis les attentats de Paris et Saint-Denis, les chiffres de recrutement ont explosé. Nous avons rencontré ces jeunes qui rêvent d’uniforme afin de comprendre leurs motivations.
Vendredi 13, alors que les images des attentats passent en boucle à la télévision, Ronan Massiaux ressent “de la colère, de l’effroi et de l’impuissance”. Si cet employé de banque dans le XIe arrondissement ne connaît aucune victime personnellement, il se sent concerné de front par une France attaquée sur son sol. Le jeune homme de 32 ans veut agir. Il se dit prêt à faire le grand écart entre le confort de son bureau et l’engagement militaire.
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“J’ai toujours été attiré par ce monde. J’avais déjà pensé m’engager après les attentats du 11 Septembre à New York. A ce moment-là, je me trouvais aux Etats-Unis et j’ai compris l’importance de protéger son pays.”
Les événements de vendredi ont ravivé des désirs jusque-là contenus. “Ça a été la goutte de trop. Je pense à mon neveu de deux ans et demi, j’ai envie qu’il grandisse dans un pays plus sûr. J’ai aussi envie de me rendre utile et de servir la France”.
“Comment je peux contribuer ?”
Lundi matin, Ronan, lunettes d’aviateur accrochées à son jean et Time magazine à la main s’est décidé à pousser les portes du Centre d’information et de recrutement des forces armées (Cirfa) de Vincennes. “Je ne sais pas encore à quel métier je peux prétendre, je viens aussi pour savoir ce qu’ils ont à me proposer, comment je peux contribuer”, explique ce garçon à l’allure fluette. En attendant, il se renseigne. Lit des ouvrages consacrés à l’Etat islamique. Ce Français en est convaincu, pour être efficace, “il faut connaître son ennemi”.
Dans l’Hexagone, les attaques commises par Daesh ont précipité certaines vocations. Devant le Cirfa à deux pas du parc floral de Vincennes, des véhicules de l’armée de terre ne cessent d’entrer et sortir. Les futurs volontaires, eux, ne se pressent pas. Pourtant, comme le souligne Le Monde, les demandes ont augmenté au niveau national, passant de 1 500 par jour contre 500 avant les derniers attentats.
“Il y a indéniablement un élan patriotique matérialisé dans le besoin de s’engager. Cependant, cela reste à relativiser. C’est une réponse à chaud, le processus d’engagement et de sélection au sein de l’armée est long. Nombreux n’iront pas jusqu’au bout”, tempère Jean-Claude Allard, directeur de recherches à l’Institut de relations internationales et stratégiques (Iris), spécialisé dans la politique de défense.
Réactions précipitées
Un sentiment partagé par Benjamin caporal-chef de l’armée de terre : “Cette recrudescence témoigne d’une volonté de la part des jeunes de ‘se sentir utiles’. Si les attentats cessent je pense que cette réaction précipitée, à terme, s’essoufflera.”
Alexandra ne cache pas avoir eu un déclic vendredi 13 novembre. Les événements tragiques qu’elle a vécus de plein fouet “comme tous les Parisiens”, ont réveillé d’anciens projets. “Il y a deux ans j’avais commencé les démarches pour devenir réserviste. A cause d’une opération chirurgicale, j’ai dû arrêter. Le soir des attentats, je me suis demandée pourquoi j’avais autant attendu avant de relancer le processus, insiste cette rousse de 30 ans aux yeux d’un bleu limpide, employée en conseil. Maintenant, j’ai décidé de passer la deuxième vitesse. J’ai envie de rentrer dans la réserve car ça me permettra de concrétiser un engagement fort. Si je dois prendre les armes je le ferai, mais je ne sais pas si je servirai à grand chose avec mon mètre soixante-trois”, plaisante-t-elle.
Ce sont également les derniers événements qui ont poussé Armelin à se rendre dans les locaux de la Cirfa. Depuis vendredi, il est “énervé”, “touché”, “blessé”. Les mots reviennent en boucle dans la bouche de ce lycéen de 18 ans. Quelques jours avant les attaques, il se trouvait boulevard Voltaire à proximité des lieux frappés par les terroristes. Lui ne veut pas prendre les armes. Il se rêve infirmier. “Depuis le mois de septembre je pense à faire mes études d’infirmer au sein de l’armée. Avec ce qu’il s’est passé, je me suis décidé à venir me renseigner”.
Le jeune Parisien emmitouflé dans son manteau à capuche en fourrure le sait, “ce n’est pas moi qui vais empêcher d’autres attentats mais je pourrais aider les civils blessés qui n’ont rien demandé”, ajoute t-il d’une voix posée.
Une tradition familiale
Dylan, 20 ans, sort de son premier rendez-vous au centre de recrutement. Le monde de l’armée, il connaît. Son beau-frère est sous-officier, son oncle, parachutiste. Malgré l’engagement familial, Dylan a d’abord fait un CAP dans la restauration avant de trouver un travail dans ce secteur. Sans difficulté et sans conviction. Ce lundi matin, le jeune homme aux cheveux coiffés en arrière s’est décidé à franchir le pas. Dans les locaux de la Cirfa aux murs placardés de posters de l’armée, il a rempli une fiche de renseignements avant de s’entretenir avec quelqu’un qu’il pense être un colonel : “Pendant vingt minutes il m’a posé plein de questions. Sur moi. Mes envies. Ce que je pourrai faire au sein de cette institution. Les raisons de mon engagement.”
Dylan, au chômage depuis deux semaines, pense que l’armée peut lui offrir un cadre dont il a besoin. Mais ce sont sans aucun doute les attentats de vendredi qui l’ont boosté. “Ça m’a paniqué. C’est le moment de rejoindre l’armée, on a besoin d’hommes, de mains fortes. Je suis prêt à me battre contre Daech même si ce ne sont pas les armes qui m’attirent en premier lieu.”
Dylan doit se présenter à nouveau avec un dossier complet. S’il est retenu, le jeune homme passera des tests psychotechniques, physiques et médicaux. Il lui a été conseillé de prendre quelques kilos et de bien réfléchir à son envie de s’engager.
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