Une interview de deux minutes, comme une tribune offerte sur un plateau d’argent au président de la République.
On a beaucoup glosé sur l’interview surprenante d’Emmanuel Macron par Laurent Delahousse sur France 2 (lire notamment ce billet de Télérama). Elle l’était tant sur la forme – une interview debout, en déambulation dans l’Elysée – que sur le fond : beaucoup de commentateurs l’ont cataloguée comme un bon exemple de « journalisme de révérence ». Mais l’année 2017 n’est pas encore achevée, et elle continue de nous surprendre. Konbini vient en effet de publier une courte interview vidéo du président de la République, et elle surpasse la précédente par son niveau de complaisance. En effet en deux minutes – format classique sur Konbini, qu’a rejoint Hugo Clément -, Emmanuel Macron, qui était alors en déplacement à Niamey avec les soldats français engagés au Niger (le 23 décembre), répond à des questions aussi dérangeantes que : “Pourquoi êtes-vous ici?”, « L’année a été plus difficile pour vous ou pour les troupes ? », « Le moment le plus fort de votre année ? », « Votre bonne résolution pour 2018 ? », etc.
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EXCLUSIF : "Toujours regarder devant"
Quand le President, @EmmanuelMacron répond aux questions de @KonbiniFr lors de la soirée de Noël avec les soldats français engagés au Niger.(cc @Elysee) pic.twitter.com/6E9Xm77Qtu
— Konbini (@KonbiniFr) December 24, 2017
Dépolitisation et anaphore
Beaucoup de questions pièges, donc. Mais le président s’en est sorti haut la main, tout sourire, sérieux quand il le fallait, et surtout assénant des choses très profondes. Comme cette adresse à la jeunesse – qui constitue sans doute son public cible grâce à Konbini, qui ne sert pas du tout de passe plat – sous forme d’anaphore : “Moi je dirais à notre jeunesse qu’elle se demande tout ce qu’elle peut faire pour elle-même s’épanouir, et puis pour aider le pays. On a un pays formidable, moi j’ai besoin de la jeunesse. […] Il y a une jeunesse qui veut entreprendre, il y a une jeunesse qui veut créer […]. Le dénominateur commun de tout ça c’est l’engagement ».
La start-up nation s’est-elle un peu emballée avec cette interview tweettée avec une gentille mention « (cc @Elysee) » et ce titre-slogan : « Toujours regarder devant » ? Marianne l’a en tout cas épinglée pour sa complaisance patente. Alors que Konbini avait jugé que l’interview de Laurent Delahousse n’avait « pas volé très haut », cette vidéo fait donc mauvais effet.
L’interview porno soft de Konbini, passé sans effort du hollandisme de contrebande au macronisme décomplexé. https://t.co/oO5vVChZ3a via @MarianneleMag
— Aude Lancelin (@alancelin) December 26, 2017
« Et Macron acheva de dépolitiser la France », analysait récemment le politologue Gaël Brustier sur Slate. C’est à croire qu’il a aussi dépolitisé le journalisme…
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