Le 20 août, le Premier ministre grec, Alexis Tsipras, a annoncé la démission de son gouvernement laissant place à des élections législatives anticipées prévues fin septembre. Cette déclaration semble avoir pris au dépourvu les partisans de Syriza, qui ne savent plus vers qui se tourner.
En cette période estivale, les rues d’Athènes sont désertes. De nombreux magasins sont fermés. Les Grecs sont encore en vacances pour la plupart sur le continent ou les îles voisines. C’est dans ce climat que le Premier ministre, Alexis Tsipras, a annoncé jeudi 20 août la démission de son gouvernement et la tenue d’élections législatives fin septembre. Une décision attendue.
{"type":"Pave-Haut2-Desktop"}
Syriza a en effet perdu sa majorité parlementaire après la défection de 43 de ses députés qui ont refusé, le 14 août, de voter en faveur de nouvelles réformes nécessaires au déblocage d’une aide de 86 milliards d’euros. Affaibli, Alexis Tsipras a décidé de remettre son avenir entre les mains du peuple grec. Lors d’une allocution télévisée sur la chaîne nationale ERT, il a demandé à ses concitoyens de décider s’ils estimaient “l’accord valable pour surmonter l’impasse et relancer l’économie”, les invitant à voter pour le gouvernement le mieux à même “de mener les réformes nécessaires”.
La vie tourne au ralenti à Aigaléo. Dans ce quartier ouest de la banlieue athénienne, Syriza a récolté 43,10% des suffrages lors des élections législatives de janvier. L’un de ses meilleurs scores. Assis à la terrasse d’un café, Kostas votera de nouveau “sans hésiter” pour le parti d’extrême gauche. Depuis le début, cet ancien ouvrier du bâtiment, aujourd’hui au chômage à 56 ans, est un soutien solide d’Alexis Tsipras. “Contrairement à nos gouvernements précédents, en grande partie responsables de la crise que nous traversons, Tsipras a vraiment essayé de se battre pour nous. Il a voulu rompre avec une politique d’austérité que nous subissons depuis cinq ans. Notre pays se trouve dans une situation très critique et malheureusement il n’a pas eu d’autres choix que d’accepter un troisième plan d’aide.”
Kostas critique pourtant sévèrement ce mémorandum qui comprend notamment la privatisation de ports et d’aéroports, une hausse de la TVA de 13 % à 23 % sur certaines denrées alimentaires, les transports ou la restauration ainsi qu’une profonde réforme des retraites. Kostas juge ces nouvelles mesures “très dures pour les Grecs déjà usés et appauvris”.
Pourtant, cet homme “du peuple” comme il aime se décrire, reste persuadé qu’Alexis Tsipras a pris la meilleure décision pour le pays.
“S’il pense que ces réformes sont inévitables, je veux le croire. Si Tsipras n’a pas réussi à changer la donne face à nos créanciers, alors je pense que personne d’autre, en Grèce, n’est en mesure de le faire”.
“Les Grecs vont détester Tsipras”
S’il est encore trop tôt pour estimer l’issue du prochain scrutin, un sondage publié fin juillet par l’institut Metron Analysis, donne à Syriza 33,6 % d’intentions de vote. Une popularité sur laquelle le leader d’extrême gauche – élu en janvier avec 36,3 % de voix – compte s’appuyer, avant qu’il ne soit trop tard.
Séraphim Séfériadés, professeur de sciences politiques à l’université Panteion d’Athènes livre son analyse : “Alexis Tsipras ne veut pas que les Grecs aient le temps de réaliser l’impact des nouvelles et futures mesures d’austérité sur leurs vies. Il sait que dans quelques mois, quand l’application du nouveau mémorandum va s’accélérer, sa popularité va s’effondrer. Les Grecs vont le détester. Le temps lui est compté. Pour ces élections anticipées qu’Alexis Tsipras veut organiser le plus vite possible, il va capitaliser sur son ancienne image en espérant que ceux qui ont voté pour lui en janvier et l’ont soutenu avec le ‘non’ au référendum, lui donneront à nouveau leurs voix. En agissant dans la précipitation, le leader de Syriza cherche également à empêcher certains partis comme Unité populaire de faire ses preuves. Sur le long terme, ce mouvement peut devenir une vraie menace pour le Premier ministre.”
Unité populaire, nouvelle force politique du pays conduite par Panagiotis Lafazanis, ex-ministre de l’Energie sous le gouvernement d’Alexis Tsipras, a vu le jour le 21 août. Composé de 25 députés dissidents de Syriza, ce parti en faveur d’une annulation d’une partie de la dette, de la nationalisation des banques et d’une sortie de l’euro, entend bien rassembler les déçus de la politique menée par le gouvernement.
Dimitris se réjouit de ce nouveau venu. Depuis de nombreuses années, ce professeur dans l’enseignement public vote avec “conviction” pour Syriza. En septembre, il rejoindra Unité populaire.
“En acceptant ce troisième plan d’aide, Syriza ne se différencie plus du Pasok (formation socialiste) ou de Nouvelle démocratie (droite conservatrice) qui ont toujours accepté de se plier au diktat des institutions européennes. Comme eux à l’époque, Alexis Tsipras veut aujourd’hui nous faire croire qu’il n’y a pas d’autres alternatives possibles. Je pense que 50 % des membres de son parti vont se détacher pour rejoindre Unité populaire. Nous sommes nombreux à ne plus vouloir de politique d’austérité.”
“Nous sommes des pions aux mains de l’Europe”
Xristos, 30 ans, serveur dans un café de la chaîne Mikel profite de ses dix minutes de pause. Ce partisan de Syriza avoue sans détour être usé par cinq ans d’instabilité politique et économique. Ce vote, le troisième en huit mois, ne l’emballe pas. “Depuis cinq ans, nous sommes angoissés et psychologiquement fatigués. Ces élections en rajoutent à cet état de stress permanent. De toute façon, nous savons que la politique n’a plus de sens en Grèce. Quoi que nous votions, nous sommes des pions aux mains de l’Europe”, tranche Xristos.
Eléni, chauffeuse de taxi dans la capitale, a décidé de ne rallier aucun parti après avoir cru en Syriza lors des élections législatives de janvier. La conductrice espérait “un changement et la fin de l’austérité”. Aujourd’hui, elle se sent trahie :
“Tsipras a voté pour un plan de rigueur pire que les précédents. Je ne fais plus confiance à nos hommes politiques. Ils méritent des coups de pied au derrière mais certainement pas que l’on se déplace pour leur donner nos voix.”
Xanthoula, 47 ans, n’imagine pas rester chez elle le jour du vote. Pourtant, cette mère de famille au chômage ne cache pas être “perdue”. S’il y a huit mois elle a soutenu Syriza dans les urnes, cette fois, elle ne sait “vraiment pas pour qui ira (s)on bulletin. Je veux attendre que la campagne commence pour que je puisse me faire un avis. Le problème, c’est qu’on aura très peu de temps et pas de place pour un vrai débat”.
Dans ce contexte, Séraphim Séfériadés estime que le résultat de ces élections reste très ouvert et promet de nombreuses surprises. “Même si le parti d’Alexis Tsipras a de grandes chances d’arriver premier, on ne sait pas s’il en sortira consolidé. C’est tout l’enjeu de ce scrutin. Il se pose également la question de la percée du parti néo-nazi Aube dorée qui peut attirer de nombreux déçus par le revirement de Syriza”, prévient le politologue.
Cette formation politique qui a recueilli 6,3% des suffrages lors des élections de janvier, va de nouveau chercher à se présenter comme une alternative à l’austérité.
{"type":"Banniere-Basse"}