Les femmes de chambre de l’hôtel Ibis Batignolles étaient présentes pour la réouverture de l’établissement, ce mardi 1er septembre, à Paris. 14 mois après le début de leur grève, leurs revendications sont toujours les mêmes.
Sur le parvis de l’hôtel Ibis Batignolles, dans le XVIIe arrondissement de Paris, des rires résonnent ce mardi 1er septembre, à midi. Ce sont ceux de femmes heureuses de se retrouver après avoir été séparées par une pandémie, un confinement et un été sous le signe du chômage partiel.
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Comme les écoliers, les femmes de chambre font « leur rentrée » dans la bonne humeur le jour de la réouverture de leur géant aux 706 chambres. Au rythme de chansons de Bob Marley, une douzaine de femmes parties prenantes de la lutte (elles sont une vingtaine à faire grève depuis juillet 2019) réclament à nouveau, à l’heure où elles sont employées par le sous-traitant STN, l’internalisation de leurs postes à l’Ibis Batignolles, de même qu’une revalorisation salariale. Mais après 14 mois de lutte sans relâche – leur grève a commencé le 17 juillet 2019 -, les avancées se font toujours attendre.
L'hôtel Ibis Batignolles rouvre aujourd'hui. Les femmes de chambre sont au rendez-vous. Elles ont planté leur piquet de grève, avec mot d'ordre : "la lutte continue". pic.twitter.com/hJ83wG22iC
— Chantal Baoutelman (@CBaoutelman) September 1, 2020
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Des discussions avec le groupe Accor, prévues le 19 mars, ont été annulées du fait de la crise sanitaire. Aujourd’hui, il faut donc tout recommencer. Et pour Rachel Keke, la fatigue se fait sentir : “La lutte ce n’est pas facile, 14 mois ça fait trop.” Celle qui est devenue un peu malgré elle la figure de proue du mouvement était très attendue ce mardi, devant l’hôtel Ibis, situé assez ironiquement en face d’une agence Pôle emploi. Sollicitée de toute part par la presse, la gouvernante (le grade au-dessus de celui de femme de chambre) se prête au jeu de l’interview avec générosité. Entourée de son châle bordeaux, elle répond aux questions, sourit aux caméras, pose pour les photos.
“On ne va pas baisser les bras”
Autour d’elle, les drapeaux rouges de la CGT se mêlent aux roses de l’Union Syndicale Solidaires et aux verts de SUD Rail, syndicats venus en soutien. Les applaudissements retentissent pour celle qui appelle “le groupe Accor à se réveiller et à trouver des solutions”. Rachel Keke le martèle : “Nous sommes des mères de famille, nous laissons nos enfants pour venir lutter. Des mamans n’ont pas pu venir aujourd’hui car elles ont accompagné les enfants à l’école.”
Mais si ces femmes commencent à trouver le temps long après plus d’un an de grève, elles n’abandonneront pas. “Nous refusons l’humiliation du groupe Accor : ce n’est pas parce que nous sommes des femmes qu’ils ont le droit de nous humilier. Ça ne nous fait pas plaisir de rester en grève 14 mois mais on ne va pas baisser les bras”, ajoute la gouvernante, elle-même mère de cinq enfants.
Rachel Keke, gouvernante, prend la parole pour rappeler que les grévistes ne lâchent rien. pic.twitter.com/bdlVe6VvEC
— Chantal Baoutelman (@CBaoutelman) September 1, 2020
Autocollants de la CGT-HPE – le syndicat des salariés des hôtels de prestige et économiques – collés sur le buste, une dizaine de travailleuses sont rassemblées derrière elle. Elles dénoncent toujours les cadences infernales (3,5 chambres par heure) qui leur sont imposées, leur salaire trop bas et leurs heures supplémentaires non payées. Mais, leur bataille la plus importante, c’est celle qu’elles mènent contre leur employeur STN, comme le traduit leur slogan “la sous traitance, c’est la maltraitance “. La CGT-HPE l’a annoncé sur Facebook : aujourd’hui, “plus qu’une seule revendication : l’internalisation à l’Ibis Batignolles”.
“Elles seront là le temps qu’il faudra”
Le groupe Accor doit “arrêter de faire la sourde oreille”. Rachel Keke est ferme : “Tout ce que nous demandons aujourd’hui, c’est d’avoir nos droits pour travailler dans la dignité. Qu’ils arrêtent de nous humilier et qu’ils trouvent une solution à notre conflit !” Pour Claude Lévy, responsable de la CGT-HPE, la solution est simple : il faut “une embauche directe par le groupe Accor qui en a largement les moyens”. Pas de doute de son côté : “Le conflit peut durer 18 mois, deux ans, elles seront là le temps qu’il faudra.”
Et même si elle a évoqué sa fatigue, Rachel Keke compte bien aller au bout de son combat. “S’ils nous disent de reprendre le boulot sans nous accorder nos revendications, on sera obligées de se remettre en grève.” Pour le moment, les femmes de chambre de l’Ibis Batignolles n’ont pas été rappelées par leur employeur et sont donc toujours au chômage partiel (jusqu’au 31 décembre annonce l’AFP). “Ils sont encore dans la maltraitante des femmes racisées dans leur hôtel, c’est pour ça qu’ils jouent à la sourde oreille mais nous allons continuer à aller dans chaque hôtel de luxe pour crier notre ras-le-bol, pour dire que nous sommes là !”, promet la leadeuse des femmes de chambre.
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