La série à succès Apocalypse restitue la bataille de Verdun en version colorisée et sonorisée. Si elle exalte le mythe, elle omet de s’attacher à des enjeux historiographiques essentiels.
Comme l’a analysé au cours de ces dix dernières années une nouvelle génération d’historiens (Nicolas Offenstadt, André Loez, Paul Jankowski…), la guerre de 1914-18 suscite un ensemble de mythologies nationales, dont l’exaltation de la bataille de Verdun forme le point culminant. En partie parce que les Français y sont en défense, posture plus facile à accepter (alors même qu’on oublie souvent de rappeler que les troupes françaises ont assumé l’offensive en 1915 et en 1917 sur la Somme).
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Comme en témoigne un nouveau volet de la saga Apocalypse (plus gros succès de la télé française à l’exportation), réalisée par Isabelle Clarke et Daniel Costelle, la bataille de Verdun fut une immense boucherie, s’étirant de février à décembre 1916, mobilisant plus de 2 millions de soldats, utilisant 60 millions d’obus, coûtant la vie à au moins 300 000 hommes (même si aucun chiffre officiel n’existe).
Le documentaire consigne une masse d’archives édifiantes, prélevées dans le corpus des images de propagande de l’armée (notamment tous les plans de reconstitution des combats, de la vie dans les tranchées, où les soldats rient face à la caméra…).
Témoignages bouleversants
Fidèle à leur mode d’écriture chronologique, convoquant les confessions des acteurs de l’événement (Pétain, Nivelle, Joffre, von Falkenhayn, Mangin…), Clarke et Costelle perpétuent la vieille tradition de “l’histoire-bataille”, ajustée à une manipulation des archives colorisées et sonorisées. Si la consignation des images de poilus, embarqués dans cette absurde tragédie guerrière, reste bouleversante, le film souffre de l’occultation d’enjeux historiographiques essentiels (comment comprendre le refus du retrait des troupes, sinon par l’obsession du prestige des dirigeants ; l’enjeu du consentement et de la contrainte ; le fait que Verdun ne fut ni décisive ni pourvue de véritable enjeu stratégique…).
Il reste qu’en dépit de ses artifices et de ses manques, le film touchera probablement un large public, avide de récits historiques académiques et incarnés, vibrant au spectacle de ses éternels mythes nationaux.
Apocalypse – Verdun documentaire d’Isabelle Clarke et Daniel Costelle. Dimanche 21, 20 h 55, France 2
A lire Apocalypse – Verdun (Flammarion)
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