Soumis depuis le 9 mars à la “reclusione”, des jeunes adultes de Rome et de Milan nous racontent leur nouveau quotidien et leurs stratégies pour tromper l’ennui.
“Si nous avons autant d’infectés, c’est parce que nous n’avons d’abord pas cru à la dangerosité du virus et que les gens ont continué à se rassembler.” Les mots de Stella, 27 ans, n’anticipent pas la situation du covid-19 en France. Ils nous racontent celle en Italie, où le confinement est total depuis le 9 mars. Dans le pays d’Europe qui compte le plus de seniors et le deuxième le plus touché par le coronavirus dans le monde, seuls les déplacements pour faire ses courses et aller à la pharmacie sont autorisés. La police patrouille dans les rues et sanctionne toute sortie abusive. De quoi transformer radicalement le quotidien de Stella, Andrea, Ambra, Fabrizio et Antonello, jeunes Romain·es et Milanais·es âgé·es de 27 à 30 ans. De quoi nous donner aussi une idée de ce qui nous attend, en cas d’un renforcement du confinement en France.
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E-peritivo et porno premium gratuit
Aucun de ces jeunes ne remet en cause l’utilité du confinement strict. Et, plus étonnant, peu d’entre elleux disent s’ennuyer. Pour Fabrizio, les journées se partagent entre sommeil et culture. “Je dors beaucoup le matin, puis j’écoute de la musique, je chatte avec des ami·es et je regarde trois films dans la journée, énumère le Romain de 29 ans. J’essaie de ne sortir que pour acheter à manger.” Le programme est similaire pour Antonello, qui passe ses journées à son piano. “J’ai également plus de temps pour m’occuper de ma maison, j’achète tout ce dont j’ai besoin en ligne”, nous explique-t-il. Tous reconnaissent passer plus de temps que d’habitude sur Instagram, leur console de jeux et Netflix. Certains nous glissent d’un air entendu que la version Premium de PornHub est gratuite dans le pays depuis le début du confinement strict.
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De nouveaux rendez-vous rythment leur journée. Pour Andrea, un Romain de 29 qui passe habituellement ses nuits à sortir, c’est appels à la famille dans la journée et apéros entre amis par Skype tous les soirs. L’aperitivo est renommé e-peritivo. “Chaque jour à 18h, il y a une flashmob : les gens sortent à la fenêtre et chantent ensemble. Ça m’a permis de rencontrer des voisins, indique Stella, qui vit en colocation. Mais c’est vrai que chaque opportunité d’aller au supermarché ou de descendre la poubelle est la bienvenue.” Les informations et les discours politiques occupent peu les journées. “Je ne suis pas les débats et je ne lis que les journaux sérieux”, assure Stella. Antonello ne regarde pas la télévision et évite les prises de paroles des politiques. “Trop de politiciens s’expriment en ce moment, abonde Andrea. Je n’écoute que les discours du Premier ministre.”
Inquiétudes pour le futur
Le sentiment le plus partagé par ces Italien·nes est finalement l’inquiétude. Non pas pour elleux-mêmes, mais pour leurs proches. Notamment les plus âgé·es. Si la plupart vit encore chez ses parents ou en couple, beaucoup ont l’habitude de voir leurs grands-parents régulièrement, certain·es toutes les semaines. “Iels sont seul·es et nous, les jeunes, ne devons pas être en contact direct avec eux, s’attriste Stella. Heureusement qu’il y a les technologies pour continuer à se parler.” “On a l’impression que les trentenaires sont moins touché·es par le virus”, ajoute Ambra. Cette Milanaise (qui vit donc dans l’un des premiers foyers italiens du covid-19) est enfermée depuis le 24 février. Très occupée par le télétravail, elle commence tout de même à trouver le temps long. “Savoir qu’on ne peut aller nulle part, c’est difficile psychologiquement. La nuit, j’ai du mal à dormir, confie-t-elle. Les conséquences de l’enfermement sur le moral nécessitent d’être mieux prises en compte.”
Ambra fait cependant partie des mieux loti·es : celleux dont les revenus sont pour l’instant assurés. C’est également le cas d’Andrea, 30 ans, chercheur en archéologie à l’université Sapienza de Rome. Il s’est octroyé une semaine de congés, mais craint que le télétravail ne le bloque dans la poursuite de ses recherches. “Normalement, je vais à la bibliothèque universitaire, explique-t-il. Je ne peux plus. Je dois m’y rendre pour travailler efficacement, même si de plus en plus d’ouvrages sont disponibles en ligne ces dernières années.”
Pour l’instant, il est payé. Mais comme beaucoup de chercheurs en Italie, il n’a pas de contrat de longue durée. “Je suis engagé jusqu’en juillet, indique-t-il. J’espère que d’ici là la situation se sera améliorée.” Même question pour Antonello, chercheur en intelligence artificielle dans la même université. Stella, elle, travaille dans une association de défense des consommateurs. Elle ne peut pas télétravailler et est donc sans activité. Mais elle sait qu’elle sera payée. La situation est plus compliquée pour Fabrizio. Son stage a été arrêté net et il ignore pour l’instant s’il continuera ou non à toucher une gratification.
En tout cas, tou·tes espèrent un retour à la normale rapide. Et s’exaspèrent de celleux qui bravent les interdictions de sortie, prenant ainsi des risques inutiles qui pourraient prolonger le confinement. Iels devraient rester chez eux jusqu’à début avril. Mais beaucoup des jeunes interrogé·es anticipent déjà un prolongement jusqu’à Pâques. Beaucoup d’Italien·nes profitent habituellement de ces fêtes pour déserter les grandes villes et rendre visite à leur famille, à la campagne. Un grand chassé-croisé que le gouvernement a tout intérêt à éviter.
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