A l’initiative du Bloc identitaire rejoint par des associations hétéroclites, l’apéro pinard et saucisson s’est finalement déroulé place de l’Etoile, après son interdiction à Barbès.
Interdit une fois mais pas deux. L’apéro Saucisson et pinard, qui devait se dérouler à la Goutte d’or ce vendredi, avait été retoqué par la préfecture de police à cause des risques de trouble à l’ordre public.
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Visant explicitement les musulmans, accusés de faire régner dans le XVIIIe arrondissement un ordre moral islamique en interdisant alcool et cochonailles, il était organisé un vendredi (jour de prière), à l’heure du match Angleterre-Algérie. L’interdiction confirmée par le tribunal administratif après le référé-libertés déposé par le Bloc identitaire, l’apéro a donc eu lieu place de l’Etoile, sous haute surveillance policière.
Du saucisson, il n’y en avait pas tant que ça. Par contre, on pouvait croiser en vrac des identitaires, des skinheads, des supporters du PSG (tribune Boulogne), les hussards de Riposte laïque, des drapeaux français et Serge Ayoub.
A l’angle des Champs-Elysées et de la place de l’Etoile, les militants sortent deux ou trois nappes à carreaux mais restent surtout debout à discuter, comme dans une manif classique. Ils se regroupent en masse quand les orateurs prennent la parole, debout sur un muret.
Le saucisson levé
Le pique-nique laisse envisager la possible constitution d’un front anti-islam, réunissant membres traditionnels de l’extrême-droite groupusculaire, militants républicains de droite ou de gauche et mini-cercles féministes, agacés de ne pas trouver dans leur famille politique de réponse claire sur les questions de laïcité et/ou d’immigration. En tout, 24 organisations avaient appelé à faire ripaille.
On a ainsi pu voir Pierre Cassen, ancien ouvrier du livre trotskiste, faire chanter poing levé La Marseillaise à la foule. Foule qui brandissait en retour, selon l’obédience, son poing ou un sauciflard.
Sur les présents (600 selon Fabrice Robert du Bloc identitaire, 800 selon la police, une fois n’est pas coutume), l’extrême-droite paraissait toutefois largement majoritaire, si l’on se base sur les crânes rasés, les sweats Londsdale et les réflexions saisies à la volée.
« Avant j’étais super antisémite et puis j’ai compris que c’était l’islam le problème. » « Moi j’en ai rien à faire qu’ils voilent leur femme en Afghanistan, mais pas chez nous. »
Le Front national de la jeunesse, dans un communiqué, avait laissé le champ libre à ses adhérents en appelant « les militants patriotes désireux de s’y rendre à participer au rassemblement ». Confrontés à la participation de Debout la République Paris et des Jeunes pour la France, Nicolas Dupont Aignan et Philippe De Villiers avaient condamné l’initiative et menacé d’exclusion les militants qui se joindraient au mouvement. Pas grave, a rétorqué Marine Le Pen, ils n’auront qu’à venir au Front.
Où est Sylvie François?
Ô divine surprise, la « simple citoyenne » Sylvie François (un nom d’emprunt), présentée comme l’initiatrice de l’événement, n’a pas parlé à la tribune. Rappelons que son idée d’apéro lancée sur Facebook fin mai, immédiatement relayée par Novopress, l’agence de presse des identitaires, avait fait l’objet d’un suspense palpitant dans le milieu.
D’abord annoncé sans date, le pique-nique avait tenu en haleine toute cette population avant que la date du 18 juin ne soit révélée sur Radio Courtoisie le 4 juin. La page Facebook de Sylvie François a disparu.
C’est donc Fabrice Robert, le boss du Bloc identitaire (ancien nationaliste révolutionnaire d’Unité radicale, groupuscule interdit après la tentative d’assassinat de Jacques Chirac par l’un de ses sympathisants, à deux pas de là sur les Champs Elyées), qui se fait porte-voix.
« Nous continuerons à combattre l’islam qui est une menace pour la laïcité et la République ». « Vive la Suisse! » crie un mec. Une partie du public scande « Islam, hors d’Europe! ».
Christine Tasin, de Résistance républicaine, prend la parole. Elle demande:
« Que l’islam se soumette aux lois de la République, comme les protestants, les catholiques et les Juifs l’ont fait avant […] et que la charia fasse disparaître tous ses textes incompatibles avec la République. »
« La République on l’emmerde! », crie un type tout seul. Le front unique a encore quelques divergences à régler.
L’équipe de France, « un problème ethnico-culturel »
Discussion avec Alain, qui pense que la désunion en équipe de France est dûe à « un problème ethnico-culturel » (de type grec?). « Un jour ils seront majoritaires », prédit-il. « Regardez la démographie. » Il dénonce la « tendance à la théocratie » de l’islam, un « rouleau-compresseur […] dans une dynamique guerrière ».
« Dans certains quartiers, on ne peut plus manger de porc. Ce sont les Français qui sont discriminés. »
Avec lui, il y a Bernard, un ancien de la LCR qui a voté Royal à la dernière présidentielle, et qui se dit « partisan de l’assimilation jacobine ». Est-il de gauche? « Je commence à me le demander. »
Romain n’est encarté nulle part parce qu’il veut entrer dans l’armée. Il estime qu’il y a « des endroits où il vaut mieux ne pas dire qu’on est Français ». Au fond, il pense que:
« Ça va se finir en guerre civile. Au bout d’un moment il va falloir choisir son camp, pour ou contre l’islamisation de la France. »
Pour lui « politiquement ça n’avance pas ». Il espère donc une évolution du mouvement type English Defence League. « Le problème, c’est l’assimilation ».
Autour du pinard, l’assimilation se fait bien. Pierre Cassen parle avec un curé (qui l’eût cru?), un monsieur vend Minute, les touristes saoudiennes voilées ne comprennent rien et se font prendre en photo. En face, sous l’Arc de triomphe, les militaires cérémonient.
D’un coup, des policiers courent après des gens dans le métro. Une bagarre confuse impliquant un supporteur algérien et des gars au crâne rasé mais ça avait l’air plus compliqué que ça.
« Si c’était seulement le Bloc identitaire, on ne serait pas là »
Marie et Emmanuel se sont rencontrés sur place. Ils se sont membres de rien, venus « par patriotisme » en ayant connaissance de la sauterie par le site François Desouche et le blog d’Ivan Rioufol. Ils sont ravis de voir que Fabrice Robert et Pierre Cassen se serrent la main, « si c’était seulement le Bloc identitaire, on ne serait pas là ». Alors que beaucoup de manifestants sont partis, Fabrice Robert fait le bilan.
« On a voulu nous intimider mais on a réussi à rebondir. On nous dit souvent qu’on est des militants 2.0, mais là on a transformé une communauté virtuelle en événement politique dans la rue. Maintenant il faut analyser, faire le bilan. Riposte laïque souhaite qu’on continue à travailler ensemble et nous aussi. »
Un beau coup de pub pour son organisation, qui tente de se respectabiliser pour gratter des militants, quitte à s’allier avec la droite classique dans certaines villes.
La dernière fois que le grand public avait entendu parler du Bloc identitaire, c’était lors des péripéties de la soupe au cochon. D’anciens membres du MNR qui ont rejoint le Bloc Identitaire distribuaient de la soupe contenant du porc aux SDF pour exclure de fait les juifs et musulmans pratiquants. Interdite en 2006 à Paris, puis de nouveau en janvier 2007, la soupe identitaire est de nouveau distribuée, tous les lundis soirs, à Montparnasse.
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