Aux Etats-Unis, la polémiste Ann Coulter sévit sur Fox News et les sites de l’Alt-Right comme Breitbart ou The Daily Caller. Ses punchlines lui ont valu la célébrité et ses livres caracolent en tête des ventes.
Les invités du talk-show Real Time with Bill Maher débattent de l’avenir du pays, confortablement calés dans leur fauteuil. L’animateur vedette de HBO alterne monologues comiques et commentaires politiques. Il est 22 heures passées et le débat somnole. Quelques mots vont le faire chavirer. “C’est Donald Trump qui a le plus de chances de devenir président”, prophétise Ann Coulter. Nous sommes le 19 juin 2015 et cette femme vient de prédire d’un ton glacial l’arrivée du milliardaire à la Maison Blanche.
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A l’époque, ses propos provoquent l’hilarité générale. Mais celle qui va devenir la polémiste la plus connue des Etats-Unis est sûre de son coup. A quelques mois de l’élection, elle publiera même un livre : In Trump We Trust. Depuis, Ann Coulter est devenue la coqueluche d’une droite décomplexée.
“Blonde létale”
Elle impose son conservatisme souriant dans le champ médiatique. Tous semblent la craindre. The Independent la surnomme “The Blond Assassin” tandis que The Guardian la qualifie de “blonde létale”. Coulter a ses entrées à Fox News et sur les sites de l’Alt-Right, la fachosphère US, comme Breitbart ou The Daily Caller.
Ce courant ultraconservateur, amalgame de mouvances suprémacistes blanches, antisémites ou encore sexistes, s’est développé durant la campagne grâce à son activisme. “C’est un mouvement très puissant sur les réseaux sociaux, analyse Soufian Alsabbagh, auteur de La Nouvelle Droite américaine (Demopolis). Personne n’est capable de dire dans quelle proportion son action a contribué à l’élection de Trump, mais elle y a participé de manière significative.”
Sur Breitbart, Ann Coulter tient une chronique hebdomadaire depuis début 2016. Créé en 2007, le site phare de l’Alt-Right a été un temps dirigé par Steve Bannon, considéré comme le mentor de Trump. Ses cibles ? Les immigrés, les homosexuels ou les féministes. Autant dire qu’Ann Coulter se fond dans le décor. Ses chroniques sont aussi reprises sur The Daily Caller, un site conservateur cofondé par Tucker Carlson, animateur sur… Fox News.
“Prises de position ultraconservatrices”
Pour Soufian Alsabbagh, Coulter “est une polémiste qui s’est démarquée très tôt par des prises de position ultraconservatrices. L’Alt-Right, quant à elle, est beaucoup plus jeune et sans compromis avec la doxa républicaine”. La blonde réac serait donc old school pour les trolls d’extrême droite. Il faut dire que ses premières saillies remontent à un temps que les moins de 20 ans ne peuvent pas connaître.
Retour en 1996. Coulter est engagée par la chaîne télévisée MSNBC après des études de droit dans les prestigieuses universités Cornell et du Michigan. Moins d’un an après son arrivée, elle est renvoyée. En cause, une punchline mal dégoupillée face au président de la fondation des vétérans du Vietnam : “Pas étonnant que vous ayez perdu, les gars.” Dans un pays aussi patriote que les Etats-Unis, ce genre de phrase ne passe pas.
“Véritables sauvages fous furieux”
Loin d’être démontée par cette sortie du ring, la polémiste continue de flirter avec la ligne rouge. Deux jours après les attentats du 11-Septembre, elle part en croisade : “Quand nous luttions contre le communisme, nous avions affaire à des criminels et leurs goulags, mais ils étaient blancs et sains. Alors que nous sommes maintenant face à de véritables sauvages fous furieux.”
Comme Eric Zemmour sur le Vieux Continent, Coulter surfe sur sa réputation sulfureuse et écrit des ouvrages à succès. Douze de ses livres sont des best-sellers. En 2015, ¡Adios, America!, sur la menace que représenterait l’immigration pour les Etats-Unis, caracole en tête de la liste des meilleures ventes du New York Times.
A l’instar de Donald Trump, auquel elle s’est opposée à propos du récent bombardement en Syrie, une partie de son audience repose sur son sens de la punchline. Les femmes célibataires qui militent pour la prise en charge de la pilule par l’Etat ? “Elles regardent le gouvernement comme si c’était leur mari : ‘S’il te plaît aide-moi, prends soin de moi !” Les personnes handicapées qui viennent aux Etats-Unis ? “On ne leur souhaite que des bonnes choses mais ce pays n’est pas une œuvre caritative internationale.”
Sur ce dernier point, Paul Reen, militant républicain installé en France, tient à préciser : “C’était un très mauvais exemple. Elle voulait dire que les Etats-Unis devaient avoir une politique migratoire plus sélective.” Un simple lapsus donc, qui ne ressemble pourtant pas à la républicaine, “très intelligente” et “détestée par les démocrates car très difficile à battre en débat”.
Ann Coulter divise au sein de son propre camp
Trop proche du système pour l’Alt-Right et trop conservatrice pour les républicains mainstream, Ann Coulter divise aussi au sein de son propre camp. Surtout depuis qu’en 2016, le présentateur américain Fareed Zakaria a porté plainte contre elle quand elle a dit qu’il était un “musulman énervé avec un gros accent”. Malgré le tollé, Coulter est invitée à faire un discours à Berkeley, l’une des meilleures universités américaines. Preuve extrême s’il en était besoin de la banalisation de ses idées…
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