Dans un livre attendu, l’ex sélectionneur des Bleus livre sa vérité sur les évènements qui ont précipité l’équipe de France vers la crise.
Tout seul. C’est ainsi que Raymond Domenech intitule le livre dans lequel il raconte sa longue expérience à la tête de l’équipe de France de football, un récit franc et très attendu sur son passage en dents de scie à la tête de la sélection nationale. Après de long mois d’un silence relatif (Domenech officie chaque semaine sur la petite chaine du câble MCS), l’ex ennemi médiatique numéro a fait le choix de revenir par l’écrit sur le devant des projecteurs. Un choix que l’on appréhendera aisément ; souvent incompris de l’opinion, cible de nombreux scandales footballistiques et extra-footballistiques aux proportions dantesques, Domenech avait besoin de temps et d’espace pour s’expliquer. Si l’ancien défenseur rugueux de l’Olympique Lyonnais ne porte plus la moustache, il se dote toujours de ce subtil équilibre entre franchise qui agace et normalité qui rassure. Pour le reste, malgré la volonté d’ « expliquer les mécanismes conduisant à une situation plutôt que l’envie de régler ses comptes », Domenech ne mâche pas ses mots, il en est incapable. Fustigeant tour-à-tour l’amateurisme d’Escalettes, l’influence néfaste de Nasri, l’extrême individualisme d’Anelka et de Ribéry ou bien encore le manque de charisme de Yoann Gourcuff, l’ancien sélectionneur dépeint un monde hors des réalités où la maturité et l’abnégation des joueurs sont de trop rares exceptions, presque des surprises.
{"type":"Pave-Haut2-Desktop"}
Accusés d’avoir nuit, de extérieur, à la construction d’un groupe solide, quelques glorieux anciens en prennent aussi pour leur grade. Domenech pointe ainsi clairement du doigt la subjectivité des anciens champions du monde 98 Dugarry et Lizarazu, mais aussi la détestation sans voile avec Jean-Michel Larqué décrit au détour de quelques lignes comme un vieillard profitant du système fédéral.
Quelques passages du livre méritent une attention particulière. Outre l’entrée en matière traitant directement de « l’affaire du bus », à Knysna, le chapitre sur les débuts professionnels de l’ancien sélectionneur mais aussi son analyse de l’évolution du monde du football constituent des temps forts du livre.
« Aujourd’hui, un joueur de niveau européen qui arrête sa carrière à trente ans n’a pas besoin de chercher un travail ; il peut vivre jusqu’à sa mort grâce aux revenus du capital qu’il a engrangé, et auquel il n’aura sans doute même pas besoin de toucher. (…) Le système du football moderne, ses transferts, ses salaires vertigineux, recèle une perversité d’autant plus grande que ces gagnants du Loto se retrouvent seuls face à leurs succès. À l’absence de toute aide psychologique s’ajoute le phénomène nouveau du fossé entre joueurs. Je l’ai perçu à partir de 2006, avec la nouvelle génération : les repères que constituaient les anciens, leur importance comme modèles, les valeurs qu’ils pouvaient incarner aux yeux des jeunes, tout cela a brutalement volé en éclats. »
Le récit de la fin de la débâcle sud-africaine, maintes fois racontée et décryptée dans les médias, est assez laborieuse et sûrement inutile ; c’est bien lorsqu’il fait la description de tout ce qui conduit au fiasco que le récit de Domenech est précieux. Malgré le « désastre africain », l’argent pourrissant les mentalités et l’incroyable désinvolture (confinant parfois à la débilité) de plusieurs joueurs de l’équipe de France, tout n’est pas exclusivement sombre dans les souvenirs de Domenech. Ainsi, le bon parcours de son équipe au cours de la Coupe du Monde 2006 en Allemagne avec, notamment cette formidable victoire contre le Brésil, rappellera de bons souvenirs à tous les amoureux de football. De même, le récit du premier match de l’histoire de l’équipe de France en terre martiniquaise ou encore les passages où l’on voit l’entraîneur et son staff œuvrer en tant qu’éducateurs constituent des étapes plutôt agréables du récit.
Le sourcil toujours aussi frondeur, Domenech revient donc sur le devant de la scène. Si avec le temps, les mauvais souvenirs tendent à s’effacer, chacune des sorties médiatiques de l’ex-entraineur des Bleus vient rappeler l’intérêt démesuré que ce dernier suscite chez les médias. Une attente avec laquelle Domenech aime jouer, quitte à se bruler les ailes, comme lors de la demande en mariage à Estelle Denis en direct à la télévision, un soir de défaite d’un match de l’Euro. Ce petit zeste de malice qui fait de Raymond Domenech une personnalité à part dans le monde du foot français…
{"type":"Banniere-Basse"}