Un an après son accession au pouvoir, Justin Trudeau bat des records de popularité. Un succès politique qui ne tient pas uniquement à une communication efficace, mais aussi à la capacité du jeune Premier ministre à incarner des valeurs libérales et une forme de sincérité en politique.
Il y a exactement un an, Justin Trudeau entrait en fonction comme l’un des plus jeunes premiers ministres de l’histoire du Canada et en présentant un gouvernement parfaitement paritaire. Quand une journaliste lui demande pourquoi la parité est importante à ses yeux, il répond simplement « Parce qu’on est en 2015″. Une punchline qui a fait le tour des réseaux sociaux et du monde, et fait l’objet de plusieurs détournements.
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Un an après, qu’en est-il du changement progressiste promis par le parti libéral ? Une grande enquête sur femmes aborigènes tuées ou portées disparues a été lancée. Les allocations familiales ont été augmentées. Le Canada a également accueilli plus de 30 000 réfugiés syriens.
En revanche, le gouvernement de Trudeau n’a pas rehaussé les objectifs de réduction des gaz à effet de serres fixés par le gouvernement précédent. Aucune mesure concrète n’a été prise pour contrer à la racine les discriminations auxquelles font face les populations aborigènes. La réforme électorale promise est peu susceptible de voir le jour.
« Il avait promis de revoir la loi sur la sécurité nationale C-51 (sur le renseignement, jugée liberticide, nldr), ce qu’il n’a pas fait », précise François Rocher, politologue à l’université d’Ottawa. « En fait, on peut faire une longue liste de promesses non tenues, sur lesquelles il n’a encore rien fait de manière concrète. » La liste est longue en effet, 95 promesses sur 219 y figurent, d’après le site trudeaumetre.ca, qui analyse l’action du premier ministre. Selon le site, 26 autres promesses ont été brisées.
Une popularité exceptionnelle
Et pourtant, la popularité de Trudeau reste au beau fixe. Un sondage Ipsos le crédite de 64% d’opinions favorables. La « lune de miel », la grande popularité dont bénéficie un chef d’Etat les mois suivant une élection, ne s’est jamais achevée entre Trudeau et les Canadiens.
Pour Pierre-Gerlier Forest, directeur de l’école d’études politiques de l’université de Calgary, cette popularité « exceptionnelle » s’explique en partie par les valeurs projetées par le gouvernement, qui ne sont pas selon lui exclusivement libérales :
« Ce sont des valeurs en phase avec une majorité de la population canadienne, des valeurs d’ouverture, de patience, de courtoisie, d’éducation, de respect de la diversité et de la différence. Après plusieurs années où ces questions n’étaient pas à l’avant centre de la politique canadienne, cela touche beaucoup de gens qui se reconnaissent dans ce gouvernement.«
Le contraste est en effet important entre le jeune libéral Trudeau et son prédécesseur, le conservateur Stephen Harper, perçu comme beaucoup plus austère et distant par les Canadiens.
Trudeau joue également d’une communication efficace, et profite du champ libre laissé par l’actuelle désorganisation de l’opposition. Il maitrise les codes des réseaux sociaux, met parfois en scène sa famille… Et ça fait mouche presque à chaque fois, au Canada comme à l’étranger. Comme cette semaine, lorsqu’il a accompagné son fils pour la quête des bonbons le soir d’Halloween, tous les deux habillés en personnages du Petit Prince de Saint-Exupéry.
Un pilote et son petit prince. pic.twitter.com/2R0NIXlgiM
— Justin Trudeau (@JustinTrudeau) November 1, 2016
Justin Trudeau and son dressed up as characters from 'The Little Prince' for Halloween
I continue to be jealous of Canada's head of state
— Ceej Tantengco-Malolos (@ceejtheday) November 2, 2016
Ummm can we talk about Justin Trudeau and his son dressing up at The Little Prince and the Pilot? There has never been anything so pure❤️
— kcfelt (@caseyfelt) November 1, 2016
« Le facteur Hollywood »
Mais il ne s’agit pas que de communication. L’engouement tient aussi et surtout à la personnalité de Justin Trudeau, selon François Rocher :
« On sent qu’il y a une certaine sincérité dans ce que fait M. Trudeau, alors que l’on avait l’impression que M. Harper utilisait les réseaux sociaux pour faire passer un message politique plutôt que pour se projeter assez sincèrement à travers le moyen. »
La personnalité magnétique de Trudeau, le politologue Pierre-Gerlier Forest appelle ça le « facteur hollywood » :
« J’ai déjeuné quelques fois avec lui. Quand vous entrez dans un restaurant avec Justin, la salle tourne autour de lui après quelques minutes. Il exerce cette fascination sur les gens presque immédiatement. C’est aussi un politicien naturel. Vous allez à un dîner avec lui, après seulement 15 minutes, il connait tout le monde par leur prénom.«
Pour les deux politologues, Trudeau bénéficie aussi de la comparaison avec d’autres leaders de la scène internationale, surtout avec le départ proche d’Obama. François Rocher :
« Contrastons M. Trudeau avec les deux candidats à l’élection américaine… Comparons M.Trudeau avec M. Hollande… Comparons la stabilité qu’il incarne avec ce qu’il s’est passé au Royaume-Uni… A l’échelle internationale, en comparaison avec d’autres leaders, il fait du bon boulot ! »
Si le temps est pour le moment au beau fixe pour le gouvernement Trudeau, François Rocher estime la descente dans les sondages inévitable. Des décisions clivantes, en particulier en matière d’environnement, devront être prises dans les années à venir. Trudeau devra notamment choisir entre appuyer l’industrie du pétrole ou atteindre les objectifs de réduction de gaz à effet de serre, en égarant peut-être au passage quelques points de popularité.
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