Nouveau volet d’une série à succès, l’atypique « American Truck Simulator » invite les joueurs à sillonner la côte ouest des Etats-Unis pour y livrer des marchandises en camion. L’expérience ludique est assez spéciale – et d’autant plus fascinante.
« Enfin vous avez la chance d’exercer le métier de vos rêves : conduire un camion ! » Les développeurs du studio tchèque SCS Software nous connaissent bien. C’est exactement ça : on avait toujours nourri le fol espoir, mais sans trop y croire, de se retrouver un jour au volant d’un poids lourd. Et de partir seul sur les routes pour aller livrer, à des centaines de kilomètres de là, la précieuse cargaison qu’on aura bien voulu nous confier – des fournitures de bureau, des pneus, des trucs fabuleux.
{"type":"Pave-Haut2-Desktop"}
Ce rêve, donc, est enfin devenu réalité. Mieux : ce ne sont pas les vulgaires routes françaises que l’on va sillonner jusqu’à l’épuisement mais, nettement plus classe, leurs homologues américaines, en commençant par la Californie et le Nevada – l’Arizona viendra s’y ajouter lors d’une prochaine mise à jour. Tremblez, automobilistes de Las Vegas, Oakdale et Sacramento : rien ni personne ne pourra plus nous arrêter. A part peut-être cette maudite remorque qui complique pas mal les choses quand on tente l’épreuve délicate du demi-tour dans une station-service après avoir bêtement raté la direction de Stockton parce que, dans une sorte de mollesse euphorique, on pensait à autre chose.
Penser à autre chose, c’est d’ailleurs l’un des grands plaisirs un rien paradoxaux que procure American Truck Simulator, toute fraîche déclinaison en territoire états-unien d’Euro Truck Simulator, le gros succès (surprise, un peu) de SCS Software – sans grosses différences sur le plan du système de jeu selon les experts enamourés de la vie virtuelle de chauffeur routier. Penser à autre chose mais pas trop quand même, car si la simulation est très accessible, en tout cas si on opte pour sa configuration la plus simple (boîte automatique, contrôle au clavier), la conduite exige beaucoup d’attention et de précision.
Car attention : American Truck Simulator n’est pas Need for Speed. Ici, on respecte les limitations de vitesse, on met soigneusement son clignotant, on regarde bien avant de tourner, on s’arrête aux feux et on n’oublie pas d’allumer ses phares quand la nuit tombe, sans quoi le PV ne tardera pas à tomber – et on ne parle pas des frais effrayants qui découlent du moindre petit accident. Pour peu qu’on se laisse un peu trop aller au volant, les coûts divers et variés auront vite fait d’amputer le salaire escompté, par exemple ces 5 037 $ que devait nous rapporter la livraison d’une cargaison de meubles de Bakersfield jusqu’à Reno.
Le plus gros défi : prendre son temps
Pour profiter pleinement de l’expérience American Truck Simulator, la première règle est de prendre son temps, ce qui, dans un contexte où les jeux de conduite sont très majoritairement des jeux de course, ne va pas forcément de soi. Oubliez Burnout et Midnight Club, pensez plutôt à un Flight Simulator (en moins complexe) transposé sur le plancher des vaches ou à un GTA dans lequel on ne tiendrait pas le rôle d’un truand pressé mais, plutôt, du conducteur de l’un de ces camions traînards devant lesquels, dans le jeu de Rockstar Games, on ne fait généralement que passer sans s’arrêter.
American Truck Simulator, c’est du slow gaming vaguement anguleux et néanmoins enveloppant, à rebours des tendances dominantes du jeu vidéo mainstream, de la surexcitation poseuse et de l’hyperactivité généralisée. Les trajets ne se font certes pas en temps réel et relier Sacramento à Los Angeles en tirant une remorque bourrée de surgelés ne nous prend pas vraiment 8 heures, mais il n’est pas rare de passer plus de 20 minutes d’affilée à rouler sans que se produise aucun événement particulier – et plus on avance dans le jeu, plus les distances proposées s’allongent. Au début, il faut s’efforcer de rompre avec ses habitudes de joueur, mais bientôt tout cela va de soi et on en vient à aimer la route pour elle-même, installé dans une autre temporalité.
Variété des de
Comme dans la vraie vie ? Précisément, les contraintes matérielles en moins et la variété des décors en plus. American Truck Simulator n’est pas seulement une école de la patience mais, aussi, une invitation au voyage. Si on en a envie, on met la (web)radio (Awesome 80’s, en ce qui nous concerne) mais on peut aussi choisir d’écouter simplement le moteur. En roulant à 55 miles par heure, on aperçoit un restaurant de hamburgers sur le bord de la route, une boutique de donuts, un train de marchandises au bord de la route d’Oakland, un champ d’éoliennes qui tournent dans la nuit. Un petit avion dans le ciel, des ballons dirigeables, une étoile filante. La dimension hypnotique (comme dans GTA, donc, mais un GTA qui se pratiquerait à la vitesse de Journey) est bien là.
Alors que les heures passent, on oublie un peu notre compte en banque virtuel pour l’heure assez mal en point – le but officiel du jeu est de monter sa propre société de chauffeurs routiers et de la faire prospérer –, bercé par la route, par le paysage qui défile, par la lumière qui, presque insensiblement, change. On est ailleurs, à la fois absent et sensible aux moindres détails de notre environnement. L’esprit vagabonde, léger, perçant. On est, dans à peu près tous les sens du terme, transporté. Si les jeux valent d’abord pour l’état dans lequel ils nous mettent et ce qu’ils produisent en nous, American Truck Simulator est grand.
American Truck Simulator (SCS Software), sur Mac et PC, 20 € environ
{"type":"Banniere-Basse"}