Si les éditeurs de Balzac payaient le génie à la ligne, Amazon a décidé de payer les siens à la page lue. Fini le temps où les auteurs pouvaient se perdre dans des conjectures et des considérations métaphysiques. Les Proust et autres Dostoïevski ne devraient plus rapporter grand-chose à l’industrie de l’édition, si le nouveau […]
Si les éditeurs de Balzac payaient le génie à la ligne, Amazon a décidé de payer les siens à la page lue. Fini le temps où les auteurs pouvaient se perdre dans des conjectures et des considérations métaphysiques. Les Proust et autres Dostoïevski ne devraient plus rapporter grand-chose à l’industrie de l’édition, si le nouveau modèle d’Amazon se généralise.
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Dès le 1er juillet prochain, le géant de l’e-commerce va rémunérer ses auteurs à la page lue. Sur leur liseuse, les lecteurs peuvent s’abonner pour moins de 10 dollars par mois à l’offre Kindle Unlimited et accéder à toute une série d’ouvrages en illimité. Certains auteurs, auto-édités, publient leur ouvrage dans cette liste. Auparavant, Amazon les rémunérait via un panier commun mensuel (3 millions de dollars ce mois-ci) qu’il répartissait entre l’ensemble des auteurs.
Désormais, à chaque livre téléchargé, “Amazon saura combien de temps chaque page reste ouverte et pourra établir si elle a été ou non vraisemblablement lue”, écrit Libération. L’auteur sera rémunéré en fonction de ce nouveau calcul. Il pourra donc recevoir une flopée de mini-royalties. Le décompte se fait uniquement à la première lecture. Une même personne peut relire des passages à plusieurs reprises, l’auteur ne sera rémunéré qu’une seule fois.
The Atlantic s’inquiète de ce système qui « pourrait pervertir les priorités de l’écriture », en privilégiant les romans à suspense. Ces derniers gardent le lecteur en haleine et le poussent à enchaîner les pages. Un tel système pourrait « accorder moins d’importance à la nuance et à la complexité », note le journal américain.
« De nouvelles opportunités »
Maître de conférence en sciences de l’information, Olivier Ertzscheid explique sur son blog, que ce modèle est à la fois porteur « de nouvelles opportunités » et de « risques considérables ».
« Les « auteurs » se trouvent à leur tour en situation de travailler « pour » les algorithmes, à la manière de journaliers guettant la notification sur smartphone du nombre de pages « lues » de leurs ouvrages chaque jour. »
« La question est aussi de savoir de quel nouveau sentiment de toute puissance – ou de culpabilité – se sentira investi le lecteur dans le cadre d’un système de rémunération à la page des auteurs, se trouvant pris dans les rets d’un nouveau « petit actionnariat » de la lecture (1), poursuit-il, [Il faut] se souvenir aussi de Pennac, Comme un roman, et son droit de ne pas lire, son droit de sauter des pages… De ce que ces droits deviendront lorsque les auteurs seront payés à la page lue…»
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