Après avoir participé à la campagne de Bernie Sanders en 2016 – qui vient d’annoncer sa candidature pour les présidentielles de 2020 – la jeune femme est la figure montante d’une nouvelle génération de socialistes aux Etats-Unis.
Elle est la plus jeune élue de la Chambre des représentants aux Etats-Unis, fourmille d’idées loin d’être molles du genou, et, pour ne rien gâcher, semble sacrément badass. Depuis les élections de mi-mandat Outre-Atlantique – qui ont marqué un certain retour en force de l’aile gauche du parti démocrate – en novembre, Alexandria Ocasio-Cortez, 29 ans, représente la 14e circonscription de l’Etat de New York (qui couvre l’est du Bronx et le nord du Queens) au Congrès américain. Et ne cesse depuis de faire parler d’elle, tant pour son profil que pour ses positions progressistes et sa manière d’interagir avec les citoyen.ne.s américain.e.s.
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Petit retour en arrière. Nous sommes en juin 2018 et une parfaite inconnue remporte la primaire démocrate face à une figure bien identifiée et puissante du parti, Joseph Crowley. “Ça, ça a vraiment été une surprise. Elle a donné la voix à ceux qui étaient déçus de la défaite de Bernie Sanders contre Hillary Clinton en 2016, analyse pour Les Inrocks Nicole Bacharan, politologue spécialiste des Etats-Unis. Elle incarnait davantage la révolte contre Trump que l’autre candidat démocrate, qui fait partie de l’establishment. De plus, elle est très très douée pour les campagnes électorales, et a une personnalité qui crève l’écran. Qu’on l’aime ou non, c’est une star.” Un qualificatif également utilisé dans cet article de Vanity Fair, qui parle d’elle en tant que nouvelle “superstar socialiste”. La jeune femme sera finalement élue en novembre à la Chambre face au républicain Anthony Pappas, avec un score de 78% des voix. Devenant ainsi la représentante de la circonscription où elle a vu le jour, a grandi et habite toujours aujourd’hui.
“Les femmes comme moi ne sont pas censées être candidates”
Pourtant, vu le sick sad world dans lequel nous vivons, rien ne prédestinait Alexandria Ocasio-Cortez, « AOC » sur Twitter, à obtenir ce siège au Congrès. Elle le dira elle-même dans son clip de campagne : “Les femmes comme moi ne sont pas censées être candidates.” Née en 1989 dans un quartier difficile du Bronx, elle passe son enfance aux côtés de son père architecte, lui-même né dans le même coin, et de sa mère, qui occupera tour à tour des jobs de femme de ménage ou de conductrice de bus scolaire après le décès de son mari. Ce tragique événement influencera d’ailleurs le parcours de la jeune militante latino-américaine : comme le relate Vanity Fair – qui se demande au passage si elle ne serait pas la “nouvelle Obama” – elle fait à ce moment-là une pause dans sa carrière au cabinet du sénateur démocrate Edward Kennedy, où elle est notamment chargée de l’immigration.
Après des études brillantes de biochimie, d’économie et de relations internationales à l’Université de Boston, où elle est boursière, et après donc cette expérience politique au niveau national, elle devient serveuse le soir dans un bar à tacos, pour aider financièrement sa mère. Poste qu’elle occupera quasiment jusqu’aux résultats de la primaire démocrate, tout en continuant à oeuvrer politiquement au niveau local : comme le raconte le New York Times, elle ouvrira par exemple une maison d’édition pour les enfants, avec pour leitmotiv “d’encourager leur éducation et leur alphabétisation”.
Des positions sociales très radicales pour les Etats-Unis
Mais ses envies d’engagement ne s’arrêtent pas là : en parallèle, AOC participe activement à la campagne de soutien de Bernie Sanders en 2016, qui affronte à l’époque Hillary Clinton à la primaire démocrate. “Pour [lui], elle transforme un ancien de salon de beauté du Bronx en antenne de campagne, fait du porte-à-porte, rencontre des militants antiracistes, féministes etc.”, écrit David Remnick, rédacteur en chef du New Yorker, dans Vanity Fair.
En accord avec les positions de celui qui vient d’annoncer sa candidature à la présidentielle de 2020, elle intègre le mouvement Brand New Congress (BNC, “pour un Congrès nouveau” in french), qui ambitionne de mettre en avant de nouveaux candidats pour les élections. Son frère l’inscrira sur la plateforme en ligne, plus rien ne pourra alors arrêter la fusée Ocasio-Cortez. “Si elle n’est pas la première à le faire, elle met en avant ses origines avec plus de force, plus d’aisance. Elle incarne d’une manière plus naturelle une Amérique très métissée. Sa jeunesse, son charisme, son énergie, son absence de complexe, corrélés au fait que ses positions sont tout de même très radicales pour les Etats-Unis… Tout cela fait son succès”, développe Nicole Bacharan.
L’envie d’incarner une nouvelle génération
La nouvelle représentante ne cache en effet pas son ADN politique, et se qualifie elle-même de “socialiste”, alors même que ce mot reste très mal vu aux Etats-Unis, y compris parmi les démocrates, comme nous l’explique Nicole Bacharan : “Même si la question s’est reposée avec l’arrivée sur la scène politique de Bernie Sanders, en Amérique, il n’y a jamais vraiment eu de différence de sens entre le “socialisme” et le “communisme”, qui renvoie évidemment à la guerre froide, à l’URSS, etc. Cela a toujours été un terme très impopulaire et dévalorisé. Or, avec Alexandria Ocasio-Cortez et d’autres, c’est un terme qui est repris avec une certaine fierté. Elle s’inscrit tout à fait dans cette lignée du parti démocrate qui tente de redorer le blason de ce terme, pour le ramener vraiment à des préoccupations sociales.” Ses détracteurs n’hésitent donc pas à la qualifier péjorativement de « radicale », mot qu’elle revendique elle-même, mais dans une acception positive.
Incarnant de fait l’aile gauche d’un parti démocrate encore mal remis de la défaite d’Hillary Clinton – tout en “montrant l’envie de faire émerger une nouvelle génération au-delà de Bernie Sanders” (Nicole Bacharan) – elle est une fervente défenseure de l’accès aux soins et à l’assurance maladie pour tous et toutes, de même qu’elle plaide pour le droit à un logement décent pour tout le monde. En faveur d’un salaire minimum horaire de 15 dollars aux Etats-Unis, elle est également favorable au développement des services publics dans le pays mais aussi l’une des instigatrice du « Green New Deal« , ce projet de transformation écologique de l’économie.
Les réseaux sociaux comme oeuvre de proximité et de transparence
Sur tous les fronts, AOC est également ouvertement féministe et antiraciste, et soutient également les personnes LGBT+, comme elle l’a récemment fait sur Twitch. Elle s’est en effet invitée sur un livrestream de la célèbre plateforme de jeux vidéos pour passer un message à l’occasion d’une levée de fonds pour les jeunes LGBT (voir cet article de L’Obs). “Quand nous réclamons des ‘droits égaux pour tous’ nous réclamons des ‘droits égaux pour tous”, pas d’astérisque, pas d’exception, pas de notes de bas de page, rien”, affirme-t-elle avec force dans la vidéo. Alexandria Ocasio-Cortez n’hésite pas non plus à utiliser ses réseaux sociaux pour présenter ses idées : très active sur Instagram – tout de même 2,5 millions de followers – elle publie régulièrement stories et posts lui permettant de mettre en avant ses positions politiques, mais aussi d’expliquer avec didactisme son quotidien en tant que membre de la Chambre des représentants. La politicienne dansera même en toute décontraction devant son bureau, dans une vidéo depuis devenue virale, pour répondre à ses adversaires politiques qui moquaient une vieille vidéo d’elle en train de danser.
https://twitter.com/AOC/status/1081234130841600000
“Elle fait de façon très intelligente oeuvre de proximité et de transparence avec les citoyens américains, explique Nicole Bacharan. Les candidats démocrates précédents ont aussi utilisé les réseaux sociaux d’une manière nouvelle, mais cela restait tout de même très institutionnel. Alexandria Ocasio-Cortez est de la génération suivante, elle utilise Instagram, c’est très personnel, se met beaucoup en scène avec beaucoup d’humour et de proximité. Mais je dois malheureusement ajouter que, si elle est nouvelle et très douée dans ce domaine, Trump avait lui aussi utilisé les réseaux sociaux d’une manière innovante, avec une proximité avec son électorat mais aussi beaucoup de violences, d’insultes.” Reste que la jeune femme suscite beaucoup d’espoirs. De là à la voir candidate à la présidentielle, quand elle aura atteint l’âge légal de 35 ans ? Nicole Bacharan : “Pour l’instant, elle n’a été représentante que six mois, la question ne se pose pas maintenant. Mais, si sa carrière se poursuit ainsi, elle se posera pour sûr à l’avenir.”
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