En Italie, une loi devrait bientôt limiter l’utilisation des écoutes téléphoniques par les magistrats et interdire leur exploitation par les médias. Le site Agora Vox prépare la résistance.
Elle a été adoptée par le Sénat italien jeudi dernier. Et passera devant la chambre des députés, qui lui est largement favorable, en juillet. Sauf surprise, la « loi bâillon » entrera donc en vigueur pendant l’été.
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Promue par Silvio Berlusconi, officiellement pour protéger la vie privée des citoyens, la « loi bâillon » limite l’usage par les magistrats des écoutes téléphoniques. Ceux-ci ne pourront ainsi ordonner une mise sur écoutes que s’ils disposent d’éléments solides permettant de soupçonner un délit.
Le cas échéant, la mise sur écoutes devra être approuvée par trois juges et ne pourra excéder 75 jours. Pour placer sur écoutes des parlementaires et des prêtres, une autorisation expresse serait en plus requise.
Ce n’est pas tout. Dans le cadre de la « loi bâillon », les médias ne pourront plus publier de transcriptions d’écoutes, ni en faire des synthèses. Il leur sera même interdit de commenter une enquête avant que les suspects soient inculpés, ce qui, dans le système judiciaire italien, prend parfois des années. Les directeurs de publication enfreignant la loi risqueraient une amende maximale de 465 000 euros, les journalistes étant dans le même temps passibles d’un mois de réclusion.
Une page blanche à la Une de la Repubblica
Contre cette loi, la résistance s’organise depuis plusieurs semaines en Italie. Rappelant que de nombreux scandales politiques, certains impliquant Silvio Berlusconi lui même, n’auraient pas pu être révélé avec la « loi bâillon », de nombreux journaux multiplient les papiers contestataires. Vendredi dernier, la Repubblica, le quotidien de la gauche italienne, s’ouvrait même sur une page blanche, ornée d’une simple post-it:
« La loi bâillon va priver les citoyens du droit d’être informés. »
Le syndicat national des journalistes italien a lancé un appel à la grève pour le 9 juillet, alors que les partis de l’opposition se disent prêts à faire appel devant la Cour constitutionnelle et que les magistrats envisagent de lancer leur propre mouvement de protestation.
Fondation belge, hébergée en France
Le site Agora Vox, créé en 2005 et alimenté par des rédacteurs volontaires et non professionnels, va plus loin. Au delà de la protestation, il organise déjà le contournement de la « loi bâillon ».
« Nous ne tombons pas sous le coup de la loi italienne, explique Francesco Piccinini, responsable éditorial d’AgoraVox Italie. Agora Vox est à l’origine une fondation belge. Et le serveur du site est installé en France. Nous aurons encore la possibilité d’exploiter les écoutes téléphoniques. Depuis plusieurs semaines, nous sensibilisons donc nos contacts dans le milieu judiciaire. Nous leur faisons savoir que nous pouvons accueillir les infos que ne pourront plus publier les journaux. »
Des magistrats, contactés par Agora Vox, se seraient d’hors et déjà montré enclin à collaborer.
« Certains diront que cette loi fait nos affaires, qu’elle va nous permettre de sortir des affaires que nous ne sortions pas avant, reprend Francesco Piccinini. C’est un peu vrai. Mais notre combat est vraiment un combat pour la liberté d’expression. C’est notre engagement. Il faut que certaines infos soient publiées. Nous proposons donc d’être une sorte de Radio Londres. »
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