L’iconique créatrice parisienne vient de dévoiler deux livres, et s’apprête à ouvrir un nouveau lieu pluridisciplinaire. Retour sur une vie mouvementée et riche en collaborations.
Si l’habit fait le moine, qui est vraiment Agnès b. ? En octobre 2019, elle levait le voile dans deux petits livres distincts : l’un, sous forme d’entretien, relatant ses cheminements personnels, l’autre abordant sa foi. Ses bureaux se situent d’ailleurs rue Dieu, à Paris, dans un entrepôt. Un lieu où règnent le blanc et la convivialité. Au rez-de-chaussée trône son fameux cardigan à pressions, version oversized, tandis qu’une exposition, au profit du Secours Populaire, réunit des skates décorés par des artistes. La créativité et la solidarité sont au cœur de sa personnalité généreuse. Elle s’apprête d’ailleurs à ouvrir un nouveau lieu culturel, sis place Basquiat : La Fab, un espace de 1 800 m2 qui abritera sa collection de 5 000 pièces.
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“Je suis très rock”, assure d’emblée Agnès b.. On ignore qu’elle est aussi un roc, qui a traversé des tempêtes avant d’atteindre un statut iconique. Elle nous reçoit dans une pièce lumineuse, avec vue sur Paris. C’est là qu’elle débute sa journée, “en passant deux heures dans [sa] tête”. Puis, place au travail d’équipe. Ici, la créatrice dessine toutes ses collections, comme l’attestent ses crayons de couleurs. Sa muse ? L’art, dont cet Einstein grandeur nature (signé Elisabeth Daynès) qui l’observe, songeur. Pour l’heure, on déguste un thé menthe/pignons dans le salon. Ses yeux malicieux se souviennent d’une fillette rêveuse, grandissant à Versailles. “Un lieu inspirant” pour cette enfant timide qui se réfugie dans les livres et la foi. “Ma mère me percevait comme un agneau, mais au fond de moi, j’étais déjà rebelle.”
Elle fuit son foyer à 17 ans, pour épouser l’éditeur Christian Bourgois. Cet homme plus âgé ne lui correspond pas. Il lui offre toutefois le « b. » de son nom et auront ensemble deux petits garçons. Lorsqu’elle le quitte, Agnès découvre la pauvreté. “Impossible de boucler mes fins de mois ou de nourrir les miens. Je me suis raccrochée à mes jumeaux de cinq ans. Ils m’ont dit : ‘Maman, heureusement que tu nous as.’ On a affronté l’adversité à trois.” Une expérience que la créatrice n’a jamais oubliée. C’est ce qui explique sa nature engagée. Elle s’active pour des associations caritatives (comme par exemple la Fondation Abbé Pierre) ou d’autres causes, comme le sida et le climat.
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Fable indémodable
Formée aux Beaux-Arts, Agnès est repérée par Caroline Biss pour son coup de crayon unique. Elle y fait ses armes. “Je suis une autodidacte qui apprend tout sur le tas. N’ayant pas fait d’école de mode, je me sens très libre. Je me décris comme une styliste, parce qu’on peut tout styliser.” A ses yeux, “la mode s’avère éphémère. Je préfère les coupes indémodables et caméléon. Chacun peut porter mes vêtements à sa façon”. Alors qu’elle refuse de se prêter à la publicité, elle est célébrée – et copiée – dans le monde entier : la robe noire au col blanc, la jupe plissée ou encore le cardigan à pressions, un de ses best-sellers depuis 40 ans.
Dynamique et authentique, Agnès b. assume un “côté garçon manqué” qui nourrit l’ambiguïté de sa nouvelle collection. Sa maison, selon elle, “incarne la Parisienne. Au Japon, on veut m’embrasser (rires). Ce style, à la française, cultive la discrétion. Il ne faut pas en dire trop, sinon on brise le mystère. J’aime mêler la sobriété à la fantaisie”. Elle avoue volontiers que, “quand [elle] crée, [elle est] comblée”. A travers ses vêtements, Agnès aime raconter une histoire. “Ma vie n’est pas une œuvre, c’est une vie”, peuplée de rencontres incroyables. Dont Picasso, à 16 ans, qui la trouve “très jolie”. La passion artistique ou musicale lui a été transmise par son père, bâtonnier et ténor à la chorale. “L’art nourrit mon esprit.” Voilà pourquoi elle crée en 1984 la « Galerie du Jour », qui expose de l’art contemporain : pour “donner à voir et faire découvrir de jeunes talents”.
“J’ai mis du temps à m’affirmer, mais aujourd’hui, je cultive la liberté d’être moi-même.” Y compris dans la famille qu’elle a recomposée. Cinq enfants sont nés de trois pères différents. Une tribu qui l’a rendue arrière-grand-mère. Avec sa pêche légendaire, l’éternelle curieuse trouve qu’il “faut aimer les gens quand on dessine des vêtements. Il est important de leur faire plaisir, tout en vivant dignement. Profitons de chaque moment présent”.
Je chemine avec…, Agnès b., éd Seuil, 106 p, 12 €
Je crois en l’âme…, Agnès b., éd Bayard, 101 p., 16,90 €
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