Affaire Woerth-Bettencourt ou enquête sur l’attentat de Karachi, ce journaliste de Mediapart est à l’origine de nombreuses révélations. Au prix de conflits avec les puissants… ou des confrères.
« Journalisme d’investigation est un pléonasme, je préfère journaliste spécialisé dans les affaires sensibles.” En vingt ans de carrière, Fabrice Lhomme a enquêté sur un paquet de dossiers chauds et d’affaires d’Etat. Le dernier en date, l’affaire Woerth-Bettencourt, est particulièrement dévastateur.
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Les journalistes de Mediapart Fabrice Lhomme et Fabrice Arfi – ils cosignent leurs papiers – ont été les premiers à publier les enregistrements de Liliane Bettencourt et le témoignage de son ancienne comptable. “Le député UMP Eric Raoult a traité en toute finesse Fabrice Arfi de fouille-merde. J’assume, mais disons fouineur, c’est plus joli.” Quant à Sarkozy, il estime que cette affaire n’est que “mensonges” et “calomnies” distillés par des “officines”, où il voit la main de Dominique de Villepin.
« Le Parisien », « L’Express », puis débauché par « Le Monde »
Fabrice Lhomme n’est pas un bleu. Il a connu six rédactions et les aléas du journalisme d’enquête. Il entre à 21 ans au Parisien en 1989. En huit ans, il gravit les échelons et étoffe son réseau policier. En 1997, il intègre la nouvelle cellule d’investigation. “C’était la mode. La presse a épousé le mouvement de la justice qui ,au cours de ces années-là, a gagné en indépendance et sorti les affaires de financement occulte du PS, du PR et du RPR.” Il passe ensuite par France Soir et L’Express.
En 2000, le journaliste Hervé Gattegno du Monde le débauche. “A l’époque c’était un grand journal, j’y ai beaucoup appris.” Avec Gattegno, ils sortent la cassette Méry (dans une vidéo, Jean-Claude Méry affirmait notamment avoir remis cinq millions de francs en espèces à Jacques Chirac en 1986).
La Face cachée du Monde, « un scandale de contre-vérités et de clichés »
En 2003, quand sort La Face cachée du Monde de Pierre Péan et Philippe Cohen, Fabrice Lhomme est en charge de l’investigation. Le brûlot dénonce un journalisme de procureur basé uniquement sur des sources judiciaires et policières. La charge est terrible et dévastatrice. Le directeur de la rédaction Edwy Plenel ne s’en remettra pas et quitte le journal en 2004.
“Ce livre est un scandale de contre-vérités et de clichés. Journalisme de procès-verbaux, les fax qui tomberaient tout seuls à 17 heures ? C’est la galère pour les avoir, j’ai le souci de ne pas les recopier bêtement”, se défend Lhomme. Derrière « La Face cachée du Monde », il y avait l’idéologie du journalisme de la raison d’Etat, du respect du secret défense, des institutions.”
« Un très bon journaliste, mais un bébé Plenel »
Guy Birenbaum fut l’éditeur de Fabrice Lhomme (France Côte d’Ivoire, le double jeu et Renaud Van Ruymbeke, le juge, 2006, éditions Privé) avant qu’ils ne se fâchent. “C’est un très bon journaliste, témoigne Birenbaum, mais c’est un bébé Plenel, formé à entretenir de bonnes relations avec des gens qui fournissent de bonnes infos.” Ça agace Fabrice Lhomme : “Lui c’est lui, moi c’est moi, Plenel est un excellent journaliste, avec une personnalité envahissante, il faut savoir mettre ses distances.”
Lhomme rejoint L’Equipe Magagazine en 2006. Au Monde, l’investigation n’avait plus la cote. Le journaliste Laurent Telo se souvient : “Fabrice a un réseau fabuleux mais il ne copine pas. Son truc, c’est les preuves, il bosse un peu comme un magistrat et parfois ses papiers font rapport de police.”
En 2008, il rejoint Edwy Plenel et l’équipe de Mediapart. “Sortir des scoops sur des affaires sensibles me manquait, c’est une drogue, raconte Lhomme, Mediapart est un petit site, il faut crier fort pour se faire entendre.”
Deux écoles
Deux écoles d’investigation cohabitent. David Dufresne (ex-Mediapart) est lui un partisan d’une investigation hors actualité et enquête judiciaire et policière, hors course à l’info et au scoop. Les deux hommes clashent sur l’affaire Tarnac.
“Je jugeais qu’il y avait des choses intéressantes dans l’enquête de police, explique Fabrice Lhomme, Dufresne, lui, a une conception romantique du journalisme, défendre le petit contre le gros, il se méfie par définition de ce qui vient de la police ou de la justice, c’est du journalisme adolescent.”
En vingt ans, Fabrice Lhomme dit avoir évolué : “Au début, je n’avais aucun contact, après je m’en suis fait dans la justice. J’ai pu faire du journalisme judiciaire comme sur l’affaire Falcone dont le dossier était très riche, rien de honteux mais il faut savoir se méfier. Aujourd’hui j’essaie de faire du journalisme d’investigation au sens large, d’obtenir des infos par moi-même, de multiplier les sources d’information : juge, procès-verbaux, témoignages…”
Il prend ses deux dernières enquêtes en exemple. “Karachi, on a sorti des témoins et des documents que la justice ne connaissait pas et Bettencourt c’est l’inverse de la course au procès-verbaux, on est dans l’enquête autonome.”
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