[Mise à jour le 03 juin 2014] Le Norvégien d’extrême-droite Varg Vikernes doit comparaître aujourd’hui devant le tribunal correctionnel de Paris pour « incitation à la haine » et « apologie de crimes de guerre ». Il avait été arrêté le 16 juillet 2013 sur des soupçons de visées terroristes avant d »être remis en liberté deux jours plus tard. Il encourt une peine maximale de 5 ans de prison et 45 000 euros d’amende. Qualifié de “néo-nazi”, “provocateur”, “fan de black métal », Vikernes serait également un adepte du « néo-paganisme »… Retour sur cette subculture.
Sur le blog de « Varg » (« loup » en norvégien) intitulé Thulean Perspective, l’Europe est menacée d’extinction face aux vagues successives d’immigrés et à l’abolition des frontières consécutive au libéralisme économique. Tout cela sous le contrôle des juifs, dont Hollande serait l’un des représentants à la tête de l’Etat français. Kristian Varg Quisling Vikernes est un musicien norvégien, leader du groupe Burzum. Installé avec sa femme en Corrèze, c’était la première fois qu’il avait à faire aux autorités françaises, qui le soupçonnant de terrorisme l’ont arrêté avant de le remettre en liberté le 18 juillet. Mais dans son pays d’origine, Vikernes a déjà connu la prison: seize ans sous les barreaux pour assassinat, possession d’armes lourdes et incendies d’églises.
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D’après Le Monde, plusieurs le présentent également comme le leader du « Allgermanische heidnische front (AHF) », ce qu’il dément dans une publication datant de 2004 sur son site officiel Burzum.org. L’AHF est un mouvement « folkiste » regroupant des ethno-régionalistes, antisémites et néo-racistes et qui s’inscrit dans la continuité « des mouvements völkisch des années 20 et 30 dont certains membres ont été présents dans les rangs de la SS allemande entre 1926 et 1945″, selon Stéphane François, historien des idées et spécialiste des droites extrêmes. Les folkistes, inspirés des völkisch font les rangs extrémiste et identitaire du mouvement néo-païen, une mouvance idéologique hétérogène qui renaît de ses cendres en Europe à partir des années 70-80.
Druides, sorcières, hippies et Nouvelle Droite
Le néo-paganisme (du latin paganus, “paysan”, désignant les religions polithéistes par opposition au christianisme) est l’héritier éloigné des pratiques païennes européennes dont font partie les religions gréco-romaines, celtes ainsi que les cultes nordique et scandinave. D’un adepte à l’autre, il revêt de multiples visages. Dans son ouvrage B-ABA du néo-paganisme, Christian Bouchet, tête de liste du Rassemblement Bleu Marine (RBM) aux élections municipales nantaises et ancien dirigeant nationaliste révolutionnaire, précise les influences du mouvement. Il piocherait à la fois dans le druidisme, l’odinisme, pythagorisme et l’hellénisme ou encore le judéo-paganisme.
Stéphane François, lui, en distingue globalement trois: un néo-paganisme plutôt identitaire. “Il se réfère à la notion d’enracinement, aux religions druidiques, germaniques et scandinaves et refuse toute allusion au monde occidental”. Un néo-paganisme de “bricolage au sens de Claude Lévi-Strauss« , avec une sorte de “religion à la carte”. “Ils se nourrissent des univers des sorcières, des wicca”. Enfin, la frange du néo-paganisme philosophique qui refuse entre autre fermement le christianisme. Un positionnement idéologique proche par ailleurs de celui de l’essayiste français Dominique Venner, qui a mis fin à ses jours à Notre-Dame-de-Paris, le 21 mai dernier.
Sympathisant de l’extrême droite, Dominique Venner est issu de la même famille politique que la Nouvelle Droite. Une école de pensée qui voit le jour en 1968. Au début des années 1970, elle est relayée par l’intellectuel Alain de Benoist – auteur de Comment être païen?, un appel au retour à des valeurs païennes, publié en 1981. La Nouvelle Droite incarne à sa manière le renouveau du paganisme dans la France des années 70-80 fermement “anti-chrétienne” et « enracinée », d’après Stéphane François.
Mais à cette époque, le néo-paganisme français n’est pas seulement l’apanage des droites radicales, puisqu’il traverse également le mouvement de la contre-culture post-mai 68: “Si le régionalisme français est ouvertement d’extrême droite des années 30 aux fifties, les hippies redécouvre vingt ans plus tard le régionalisme et les religions de campagne”, explique Stéphane François.C’est donc une frange majoritairement « à gauche » qui se développe parallèlement et qui agrège altermondialistes, défenseurs de l’environnement, parfois libertaires. Les couronnes de fleurs, le culte de Mère Nature et les processions communautaires fusionnent en un paganisme « de terroir » que l’on retrouve par exemple dans l’univers noir et blanc de l’illustrateur belge Didier Comès, décédé le 7 mars dernier. Après la BD, la musique: on retrouve de nombreuses inspirations néo-païennes dans le pagan folk et le folk métal, comme ce titre du groupe parisien NightCreepers, intitulé Pursuit of the Wolf:
Les croyances païennes ont également inspiré la musique industrielle, « ouvertement païenne et anti-chrétienne« , décrit Stéphane François, ainsi que le black métal.
Les associations investissent le web
A partir des années 2000, le boom d’Internet favorise la diffusion de ces idéologies et usages très divers. Sur le Web, de nombreuses associations présentent leurs vade-mecum et regroupent leurs adeptes. Certaines organisent des rencontres entre païens francophones, comme la Libre Assemblée Païenne Francophone.
La LAPF a notamment mis en place le projet Gungnir (nom de la lance d’Odin, célèbre dieu de la mythologie nordique) qui vise à « lutter contre les idées reçues vis-à-vis du paganisme » et entend par là faire la distinction entre paganisme et identitaires, satanisme et sectarisme. D’autres sites font l’apologie de la culture Wicca, ou encore druidique comme l’Assemblée Druidique du Chêne et du Sanglier, créée en Samonios (Nouvel An celte) 2007, en référence au premier mois de l’année celtique (il correspond approximativement au mois de Novembre dans notre calendrier). Ces nouveaux païens échangent aussi sur les réseaux sociaux: la page facebook de Païens et Fiers compte 1 291 mentions « J’aime ». Certaines publications attirent tout de même l’attention: comme ces symboles solaires romains qui représentent manifestement des croix gammées:
Des symboles païens « volés par les nazis » peut-on lire dans les commentaires. En 2011, une lectrice des Inrocks « païenne et fière de l’être » a réagi à ces amalgames dans la rubrique C’est Vous qui le dites:
« Beaucoup de symboles païens ont été volés et utilisés à très mauvais escient lors de la seconde guerre mondiale, nous en payons encore tous un lourd tribut », regrette-t-elle avant d’ajouter: « j’aime mes Dieux, mes Déesses, j’aime ma planète et la protège, j’aime les animaux, les plantes, la méditation et me retrouver avec ceux que j’aime, mon temps libre je le passe à me balader en forêt ou profiter de la présence de mes proches, pas à faire des ratonnades avec les autres païen/nes de ma communauté ».
Les vieux démons errent
Si l’on surfe encore, on tombe sur des sites plus austères comme celui de Terre et Peuple. Le nom peut naïvement faire penser à une association écologiste mais il n’en est rien. Sa punchline appelle celles et ceux qui se sentent « 100% Européens, 100% Enraciné » à rejoindre « la résistance identitaire ». Les vieux démons du néo-paganisme errent : le président de Terre et Peuple n’est autre que l’universitaire Pierre Vial, ancien partisan de Bruno Mégret (MNR), dissident du Groupement de recherche et d’études pour la civilisation européenne – le nom officiel de la Nouvelle Droite – , fervent défenseur de la « race blanche ». L’association est aujourd’hui représentée dans plusieurs pays européens Espagne, au Portugal, en Italie, en Belgique ou en Allemagne.
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