Mélangeant vendettas politiques, pots de vins, vente d’armes et attentat, l’affaire de Karachi réunit tous les ingrédients d’un scandale d’Etat. Neuf ans après l’attentat, la piste d’une vengeance sur fond de financement occulte se précise. Plusieurs proches de Nicolas Sarkozy sont aujourd’hui mis en examen. Petite séance de décryptage pour ceux qui ont raté les épisodes précédents.
Qu’est-ce qui relie l’attentat de Karachi à Edouard Balladur?
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Le 8 mai 2002, un terrible attentat-suicide perpétré dans la ville de Karachi au Pakistan provoque la mort de quatorze personnes, onze d’entre eux étaient employés à la Direction des constructions navales (DCN). Pour retrouver les commanditaires, l’enquête a d’abord privilégié la piste d’un attentat terroriste commis par Al-Qaeda.
Mais lorsque le juge Marc Trévidic récupère le dossier, il réoriente ses investigations vers la piste de rétrocomissions perçues sur des contrats d’armement. De l’argent qui aurait pu permettre à Edouard Balladur alors sans parti, de financer sa campagne présidentielle en 1995.
Pourquoi parle t-on de financement occulte?
En septembre 1994, la France signe la vente de trois sous-marins au Pakistan, il s’agit du contrat Agosta. Deux mois plus tard, en novembre 1994, le contrat Sawari II également conclu par le gouvernement Balladur prévoit la vente de trois frégates à l’Arabie Saoudite.
Pour remporter les appels d’offre, la Direction des commissions navales et le ministre de la Défense François Léotard commissionnent plusieurs intermédiaires dont l’homme d’affaires libanais Ziad Takieddine. La Justice le soupçonne aujourd’hui d’avoir perçu des rétrocomissions, à savoir un pourcentage du contrat destiné à être reversé après la transaction.
Quelle est l’implication supposée de Nicolas Sarkozy dans cette affaire?
Il a validé la création d’une société offshore
Les rétrocomissions perçues après la vente de ses contrats d’armement auraient transité via une société-écran luxembourgeoise appelée Heine. Or selon une enquête de la police luxembourgeoise, Nicolas Sarkozy alors ministre du Budget aurait autorisé la création et la gestion comptable de cette société offshore.
Porte-parole de la campagne de Balladur
Nicolas Sarkozy a également occupé la fonction de porte-parole lors de la campagne présidentielle d’Edouard Balladur en 1995. Les juges Trévidic et Van Ruymbeke soupçonnent aujourd’hui que cette campagne aurait été financée grâce à l’argent de ces rétrocommissions. En avril 2010, Libération avait en effet révélé que dix millions de francs avaient atterri sur le compte de campagne d’Edouard Balladur le 26 avril 1995, dont plus de la moitié en coupures de 500 francs. La Justice soupçonne que l’arrêt du versement de ces commissions aux intermédiaires libanais pourrait être à l’origine de l’attentat.
Des amis impliqués
Suspecté d’avoir joué les porteurs de valise d’Edouard Balladur, l’homme d’affaires libanais Ziad Takieddine a été mis en examen le 14 septembre dernier pour « complicité et recel d’abus de bien sociaux ». Au cœur de plusieurs affaires, Takieddine est « l’ami encombrant de la droite« . Symbole de cette proximité avec le pouvoir, de nombreuses photos de vacances publiées par le site Mediapart le montrent en short et claquettes en compagnie de Jean-François Copé ou Brice Hortefeux.
Une audition inattendue est venue également impliquer d’autres proches de l’actuel chef de l’Etat. Selon le Nouvel Obs, la princesse Hélène de Yougoslavie, ex-femme de Thierry Gaubert, un ami de trente ans de Nicolas Sarkozy, aurait révélé que son mari s’est rendu plusieurs fois en Suisse entre 1994 et 1995. Des déplacements effectués en compagnie de Ziad Takieddine mais également du directeur de cabinet d’Edouard Balladur, Nicolas Bazire qui aurait permis de ramener de « volumineuses valises de billets ».
Face à ces révélations, le juge Renaud Van Ruymbeke n’a pas perdu de temps. A quelques heures d’intervalle, ces deux personnages du premier cercle de Nicolas Sarkozy ont été mis en examen mercredi et jeudi.
Quel risque pour Nicolas Sarkozy ?
Protégé par son immunité présidentielle, le risque est surtout politique pour Nicolas Sarkozy. Après l’affaire Bettencourt et celle des fadettes, les scandales médiatiques prennent de l’ampleur et risquent de gêner sa réélection. Conscient de l’importance que prend aujourd’hui ce « Karachigate« , Nicolas Sarkozy s’est senti dans l’obligation de réagir jeudi. Par le biais d’un communiqué laconique, l’Elysée a dénoncé une « calomnie et une manipulation politicienne ». Une ligne de défense qui ne suffira pas à atténuer les soupçons…
David Doucet
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