On attendait plutôt des réponses, mais ce sont les plaintes qui fusent. L’affaire Adama Traoré continue de s’envenimer. Une gendarme vient de déposer plainte contre X pour “dénonciation calomnieuse”. Elle vise la famille du jeune homme, décédé lors de son arrestation par la police le 19 juillet dernier. Elle a également déposé plainte pour “diffamation” […]
On attendait plutôt des réponses, mais ce sont les plaintes qui fusent. L’affaire Adama Traoré continue de s’envenimer. Une gendarme vient de déposer plainte contre X pour “dénonciation calomnieuse”. Elle vise la famille du jeune homme, décédé lors de son arrestation par la police le 19 juillet dernier. Elle a également déposé plainte pour “diffamation” contre le site d’information Médiapart.
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“Dénonciation calomnieuse” ou l’affrontement des versions
Cette officier de police judiciaire avait été appelée en renfort à la brigade de gendarmerie de Persan (Val-d’Oise). On lui signalait alors qu’Adama Traoré avait fait un malaise au cours de son arrestation. C’est elle qui a rédigé un procès-verbal de constatation détaillant l’arrestation, elle y note qu’Adama Traoré s’est “interposé à l’interpellation de son frère” en commettant des “violences” contre un gendarme.
Suite à cette déclaration, la famille d’Adama Traoré, qui nie la réaction violente du défunt, a porté plainte pour “faux en écritures publiques aggravés, dénonciation calomnieuse, modification de scène de crime”. La plainte contre X déposée par la gendarme est donc une affirmation de son témoignage, et une mise en cause la parole de la famille.
Médiapart accusé
Le site d’information Mediapart est désormais légalement pris à parti dans cette affaire, suite à la plainte en diffamation de la gendarme. Elle vise un article de la journaliste Faïza Zerouala paru le 5 août.
Celle-ci y désignait des “bizarreries [qui] s’accumulent dans l’affaire” Adama Traoré. Notamment une enquête ouverte par le parquet de Pontoise au lendemain de la mort du jeune homme, visant à prouver sa rébellion contre les forces de l’ordre.
La journaliste s’en étonne, car “en droit, on ne peut pas engager de poursuites contre une personne décédée (…) Difficile, dès lors, ne pas voir dans ce choix une éventuelle volonté d’insister sur le fait que, Adama Traoré s’étant rebellé lors de son interpellation, l’usage ‘strictement nécessaire de la force’ par les gendarmes se justifierait pleinement.”
Par ailleurs, Faïza Zerouala note qu’une “femme officier de police judiciaire” dépêchée sur les lieux “prend l’initiative d’isoler les militaires du Psig ayant participé à l’intervention. Elle procède, sans être manifestement habilitée à le faire, à une saisie d’une pièce importante pour l’enquête, à savoir le polo porté par l’un des gendarmes, maculé de ‘traces rougeâtres s’apparentant à du sang’.”
Pour l’avocat de la gendarme en question, cette décision d’isoler le groupe d’intervention visait à “éviter toute concertation entre les uns et les autres”, comme le rapporte Libération. La plainte déposée par l’avocat de la gendarme stipule que l’article de Médiapart “s’inscrit dans un contexte éminemment polémique aux termes duquel, selon Mediapart, Monsieur Adama Traoré serait décédé suite à des violences policières que les agents de la force publique auraient eu à coeur de vouloir camoufler à tout prix”.
L'affaire Adama Traoré, ce scandale judiciaire, avec du procureur dedans. https://t.co/fq2V75kCQ5
— Faïza Zerouala (@faizazrl) September 22, 2016
Une vérité camouflée ?
L’attitude du procureur du Val-d’Oise a été largement critiquée dans cette affaire. Suite aux deux autopsies réalisées sur le corps d’Adama Traoré (corps auquel la famille n’a pu accéder que deux jours après la mort, malgré des demandes répétées), le procureur Yves Jeannier a omis de révéler ce qui figure pourtant dans les deux rapports: la cause de la mort du jeune homme est très probablement une asphyxie. Pire, le procureur de la République a assuré que la mort était due à une infection grave, pré-existante à l’arrestation.
Une arrestation durant laquelle les gendarmes assurent avoir procédé à un plaquage ventral, une technique d’immobilisation dont ils estiment avoir respecté les règles (trois personnes immobilisant les membres d’un individu, face contre terre). Cette technique est pourtant controversée, notamment par un rapport de l’ACAT délivré en mars 2016 qui assure qu’elle a mené dans plusieurs cas à des morts par asphyxie.
Les militants du mouvement “Justice pour Adama” qui puise son inspiration dans le mouvement Black Lives Matter aux États-Unis assure que le procureur aurait délibérément caché ces information pour éviter des émeutes. L’avocat de la famille a demandé un dépaysement de l’affaire pour qu’elle soit traité par un procureur détaché de la circonscription des forces de l’ordre présentes sur les lieux.
Ça va tranquille la censure, @W9 ? On prend rappeur, titre & clip…mais pas le tee-shirt ?#JusticePourAdama pic.twitter.com/a7Nya9RuUo
— Sihame Assbague (@s_assbague) September 19, 2016
Un camouflage qui s’estompe peu à peu (sauf sur W9 qui continue de censurer le t-shirt de Black M), notamment avec le témoignage recueilli par Quotidien, du pompier arrivé sur les lieux et découvrant le corps Adama Traoré, menotté, sans pouls, laissé au sol face contre terre par des gendarmes persuadés “qu’il simulait un malaise”.
#AdamaTraore : nouveau témoignage d'un pompier intervenu sur le lieu du décès.
➡️ https://t.co/byiGmhCguH#Quotidien pic.twitter.com/kDeDi39wCX— Quotidien (@Qofficiel) September 14, 2016
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