L’annonce de l’ouverture d’un procès qui opposera en octobre le laboratoire Novartis au gouvernement indien sur un brevet entrainant le monopole de fabrication d’un anti-cancéreux a été l’affront de trop. Act-Up Paris est passé à l’acte avec une opération coup de poing au siège francilien du laboratoire. Les Inrocks y étaient.
Le procès qui s’ouvrira le 17 octobre prochain en Inde sera suivi de près, et pas seulement par le microcosme pharmaceutique. L’Inde, premier producteur de médicaments génériques des pays en voie de développement (près de 80%), est la cible des laboratoires pharmaceutiques occidentaux. Ces derniers essaient depuis plusieurs années déjà de restreindre le champ d’action indien en matière de génériques.
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Le laboratoire suisse Novartis n’échappe pas à la règle et a intenté plusieurs actions contre le gouvernement concernant un anti-cancéreux (contre la leucémie), le Glivec. New Dehli avait refusé de prolonger de vingt ans le brevet du labo sur cette molécule en vertu d’une disposition (3d) qui exige que soient apportées de réelles améliorations thérapeutiques pour renouveler un brevet.
Déboutée plusieurs fois, la firme s’obstine et a entamé une nouvelle joute judiciaire, en changeant son fusil d’épaule : elle ne conteste plus la légalité de la disposition indienne, mais veut prouver que les modifications de la molécule se traduisent sur le plan thérapeutique.
Le risque d’une brèche sur le marché indien du générique
L’enjeu dépasse le cas isolé du Glivec, car si Novartis l’emporte, la décision pourrait faire jurisprudence et ouvrir une sérieuse brèche dans le marché indien du générique.
« Les premiers pénalisés seraient les malades des pays les plus pauvres, pour qui l’Inde constitue la seule issue pour se soigner à un coût décent », explique Pauline Londeix, responsable de l’international chez Act-Up Paris.
L’association, familière des opérations spectaculaires, a souhaité interpeller publiquement Novartis sur son « attitude irresponsable ». Mercredi 28 septembre, rendez-vous est pris en début d’après-midi à la gare de Rueil-Malmaison. Nous retrouvons une quinzaine de militants activistes et une journaliste de France Culture, seul autre média présent.
Le faux sang coule à flot
Sur le trajet en bus, certains se remémorent les déboires avec la police, les arrestations préventives, « une fois au pied de l’immeuble d’Act-Up alors que seulement quelques personnes savaient qu’on préparait un truc », raconte l’un, « et la fois où on avait voulu asperger de faux sang l’Elysée, il y avait plus de RG que de manifestants », rigole l’autre.
Cette fois-ci, personne ne les attend devant le siège de Novartis : l’entrée est déserte à l’arrivée des activistes. En quelques secondes, la manifestation se déploie : le faux sang coule à flots, les portes sont bloquées avec des chaînes, les affiches et le mégaphone prennent vie au rythme des slogans.
Rodés, les manifestants s’époumonent en français et en anglais et distribuent leurs tracts aux rares passants. Les voitures ralentissent, klaxonnent. De l’autre côté des grilles, le gardien a déserté sa loge pour se réfugier dans le bâtiment. Et puis, plus rien.
Moins de dix minutes après le début de l’action, les policiers sont sur le coup, d’abord un peu chauds, puis très posés et cordiaux. Ils essaient de discuter avec les militants et leur demandent d’enlever les chaînes. Ils se heurtent à un mur : rien ne bougera tant qu’ils n’auront pas rencontré quelqu’un de chez Novartis, « et avec les journalistes » précise Pauline, qui conduit les négociations.
Ses tentatives de rencontrer la direction restent lettre morte. La standardiste nous avouera qu’une réunion de crise a été convoquée, mais que la direction ne souhaite pas répondre de vive-voix. Un huissier a malgré tout été dépêché sur les lieux pour constater les dégradations et le blocage de l’accès au bâtiment.
Au bout d’une bonne heure et demie, les manifestants décident de lever le camp : « Novartis a l’air d’estimer que discuter avec une association de malades ce n’est pas nécessaire », se désole Pauline.
Quelques minutes après avoir quitté les militants, un communiqué de Novartis tombe sur notre boîte mail, affirmant notamment : « Notre action légale n’aura aucun effet sur l’accès aux médicaments dans les pays pauvres. Certaines organisations se trompent en déduisant que ce cas affectera la production globale de génériques en Inde à destination des pays en développement. »
C’est précisément sur cette question que se penchera le tribunal indien à partir du 17 octobre prochain.
Gino Delmas
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