Le 21 décembre dernier, à Tours, le Bateau Ivre a accueilli son dernier concert. Noir Désir, la Mano Negra, les Négresses Vertes et Louise Attaque avaient joué dans cette salle. Un collectif rame contre vents et marées pour que le navire ne coule pas, mais son sort dépend aussi des collectivités territoriales.
7 jours, 4 heures, 20 minutes et 30 secondes. C’est le décompte indiquant la dead line pour récolter les 600 000 euros nécessaires au rachat du Bateau Ivre de Tours. Affiché en temps réel sur le site Ohé du Bateau, collectif composé d’une trentaine de personnes du milieu culturel tourangeau, le compteur n’affiche pas un horizon très dégagé : seulement 10% des fonds ont été réunis pour le moment.
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« Ce n’est pas un souci, d’ici le 18 janvier, on va ferrer les financements tels des pêcheurs de haut fonds« , affirme, confiant, Franck Mouget, acteur de la compagnie Le muscle et tête de proue du collectif Ohé du Bateau. A passer ses jours et ses nuits sur ce projet, cet agitateur culturel local aurait-il attrapé le mal des profondeurs ? A priori non. Un espoir semble permis, mais l’affaire est compliquée.
En 2007, c’est l’arrêt des subventions de la Direction régionale des affaires culturelles du Centre (DRAC Centre) et de la Région Centre qui révèle et amorçe le déclin du Bateau Ivre.
« A l’époque, notamment en raison du financement d’une scène de musique actuelle (Smac) à Joué-lès-Tours, la salle de Tours ne correspondait plus aux priorités de la collectivité, sa programmation posait également problème », explique Carole Canette, vice-présidente de la région Centre attachée à la culture.
Frédéric Lombard, conseiller musique actuelle de la DRAC, précise : « le Bateau Ivre n’avait plus une ligne artistique claire et identifiée ».
Un Bateau Ivre « seconde génération »
Le nouveau projet du collectif Ohé du Bateau entend justement redonner un cap au Bateau à la dérive. Au lieu de 70 jours d’ouverture par an, le « Bateau Ivre, seconde génération » larguerait les amarres 300 fois l’an. Le lieu conserverait l’accueil des concerts mais serait –en plus– multidisciplinaire, ouvert six jours sur sept, pourvu d’un bar… et comprendrait un volet participatif et local.
Pour ce faire, la structure juridique choisie est une Société coopérative d’intérêt collectif (SCIC). Cette dernière permet aux différentes collectivités de rentrer dans la société à hauteur maximale de 20%. En clair : profiter ultérieurement de la salle en aidant le collectif à la racheter maintenant. C’est là que que le bât blesse. Aucune des collectivités territoriales (Conseil général d’Indre-et-Loire, Conseil régional du Centre et Municipalité de Tours) contactées par les Inrocks, pas plus que la DRAC, ne veulent s’engager « de façon prématurée« , l’expression revient en boucle.
Des subventions maintenues en cas de rachat
Seule lueur d’espoir, la mairie de Tours et le Conseil général ont affirmé qu’en cas de rachat de la salle par le collectif, ils maintiendraient leurs subventions annuelles de fonctionnement, respectivement 45 000 et 18 000 euros.
« Des choses devraient se passer cette semaine« , assure Marie Lansade, membre active d’Ohé du Bateau et rédactrice en chef du bimestriel d’actualité culturelle Paralellè(s). Mercredi, le collectif rencontre des entrepreneurs locaux. Et surtout jeudi, Jean Germain, le maire de Tours, doit annoncer au collectif si la municipalité accepte d’entrer dans la SCIC. Un membre de son cabinet nous a indiqué, de façon ambiguë, son sentiment :
« Le maire est disposé à accompagner le mouvement citoyen initié par le collectif, mais pas à n’importe quel prix… »
Ajoutons à cela que Gisèle Vallée, 62 ans et propriétaire du Bateau Ivre depuis 28 ans, a fait entendre qu’elle préfèrerait voir sa salle rachetée par des artistes plutôt que par un promoteur.
En guise de conclusion, pour sauver le Bateau, laissons une dernière fois la parole au capitaine Franck Mouget : « Mesdames et Messieurs : tous à vos chéquiers. »
Geoffrey Le Guilcher
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