“Il s’était retrouvé à arpenter les alentours du parc en s’arrêtant pour demander à chaque SDF s’il connaissait un mec du nom de Vernon Subutex.” On est au début du deuxième tome du livre de Virginie Despentes. Vernon Subutex, disquaire à Pigalle, a complètement sombré depuis qu’il a fermé boutique. Il erre près des Buttes-Chaumont, […]
A la rencontre des SDF pathétiques et attachants des Buttes-Chaumont qui tentent, comme Vernon Subutex, le héros de Virginie Despentes, de poursuivre leur existence cabossée, entre squats et solidarité d’exclus.
“Il s’était retrouvé à arpenter les alentours du parc en s’arrêtant pour demander à chaque SDF s’il connaissait un mec du nom de Vernon Subutex.” On est au début du deuxième tome du livre de Virginie Despentes. Vernon Subutex, disquaire à Pigalle, a complètement sombré depuis qu’il a fermé boutique. Il erre près des Buttes-Chaumont, dort dans une maison abandonnée.
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Dans le tome 1, avant de se retrouver vraiment à la rue, il a fait le tour de ses vieux potes des années rock, s’est fait héberger une nuit ici, une semaine là. Certains n’ont pas voulu voir, d’autres ont fui cet encombrant fantôme de leur jeunesse.
Pour diverses raisons, entre culpabilité et cupidité (Vernon détient les derniers enregistrements d’une star défunte que beaucoup convoitent), ses anciens amis traquent désormais son ombre dans les allées du parc parisien. Mais ils ne le trouvent pas. On entre dans le jardin par l’entrée principale, face à la mairie du XIXe. On le traverse plusieurs fois. Et nous non plus, on ne le trouve pas.
“Des SDF ? Ah non, il n’y en a pas ici”, assure un membre de la brigade des parcs et jardin. Les Buttes-Chaumont ont leur rythme. Le matin, ce sont les joggeurs, l’après-midi, les ados qui sèchent les cours et en fin de journée, les cadres fatigués qui méditent sur les pelouses. Le mercredi et le week-end, c’est l’invasion de poussettes. Mais pas de Vernon, pas de SDF. (1) “Enfin, si, il y en a un”, poursuit la brigadière. “Ça doit faire au moins dix ans qu’il est là. Il s’appelle Didier, il dit bonjour, mais il reste très discret. Il est souvent du côté du théâtre du Guignol.” Didier serait-il Vernon ? Le parc est en travaux, les alentours du Guignol sont fermés. Pas de Didier. Mais juste devant l’entrée nord, on rencontre Christian, assis sur un banc public.
Le SDF qui lisait Despentes
Le contact est facile. Christian est sociable, voire en demande de sociabilité. Il est rivé à son téléphone portable (2) qui ne sonne pourtant pas, checke souvent ses mails. Il a 43 ans, le cheveux mi-long sous sa casquette, un sourire gâté, un gros blouson en cuir et un pack de 8/6. Il est à la rue depuis avril. Ce n’est pas la première fois, mais ça faisait longtemps. Il se raconte avec plaisir et nostalgie.
“Dans les années 90, je traînais avec le DAL, on ouvrait des squats.” La grande époque, il fréquentait “Babar” (Jean-Baptiste Eyraud), le patron du DAL, et l’abbé Pierre. On le suit pour une balade autour du lac. Il a ensuite été serveur. “Un métier de chien”. Il a servi des grands, des politiques, dans un restaurant renommé pour ses huîtres près de la Concorde. Il aime bien la politique, il a écrit des mails à tous les ministres, et même à François Hollande, pour les avertir de sa situation.
Il s’arrête pour coller des stickers anti-FN qu’il a lui-même dessinés et fait imprimer. Des petits carrés blancs sur lesquels il a écrit “Le FN pue”. Il a passé dix ans avec une nana, a fait un enfant. Attaqué par sa femme pour violences conjugales, assure qu’il a été blanchi mais a déprimé pendant les deux ans de la procédure. La déprime qui mène à la rue, les factures qu’on laisse filer, comme dans le livre de Despentes que… surprise, il a lu et a trouvé très juste.
L’an dernier, il a fait une “fête avec les copains”, leur a donné tous ses meubles et a quitté l’appartement qu’il ne pouvait plus payer. Pourquoi erre-t-il aux Buttes ? “Ça a toujours été mon quartier, ça fait vingt ans.” La plupart des SDF ne s’éloignent pas de leur dernière adresse connue. Depuis, il touche le RSA et est hébergé dans un foyer protestant.
“Sans les religions, les gens à la rue, je sais pas comment ils feraient, explique-t-il en vieux briscard. Mis à part les Restos du cœur, tout le reste, c’est confessionnel : t’as les cathos avec Emmaüs, le Secours catholique et l’Armée du Salut. T’as le CASP, le Centre d’action sociale protestant, qui gère pas mal de foyers, comme celui où j’habite en ce moment.”
Et de citer les instances où il se nourrit – quand l’état d’urgence n’empêche pas les rassemblements – comme la Soupe populaire ou la distribution de Chorba, boulevard de la Villette (3). Il connaît tous les trucs, les rouages administratifs et jusqu’aux politiques publiques qui, selon lui, ont drastiquement augmenté les foyers pour tenter de vider les rues (4).
Il décrypte en détail les distinctions, de l’hébergement “d’urgence” à celui de “stabilisation” puis de “réinsertion”. (5) Il est aussi spécialiste des Buttes-Chaumont, dont il peut nommer jusqu’aux oiseaux. “Tu vois cette grue, perchée au dessus du lac sur la branche morte. Elle est là tous les matins.” En revanche, il ne fréquente pas tellement les autres clochards qui traînent ici. “J’ai pas vraiment de potes. De toute façon, quand t’as un pote depuis longtemps, ça veut dire qu’il est depuis longtemps à la rue, et ça c’est pas bon signe.”
Le jeune qui volait des oranges
Les Subutex, ou les Charles et Laurent du livre de Despentes demeurent invisibles. Personne ne s’est installé dans le long tunnel sombre qui relie le jardin à la Petite ceinture. “Au moment du Printemps arabe, il y avait plein de tentes à cet endroit-là. Des migrants, se souvient Christian. Ils sont restés quelques semaines mais ils ont été vite relogés. Dans la rue, t’as pas intérêt à être raciste : dès qu’il y a une catastrophe quelque part dans le monde, tu le vois tout de suite à la tronche des mecs qui déboulent. ”
On grimpe au sommet de la colline, l’accès au faux temple grec qui surplombe le parc est barré. Encore des travaux. On saute par-dessus le grillage métallique. Parvenus au bâtiment à colonnades, on tombe sur Tristan, un garçon lunaire qui joue de la guitare devant les toits de Paris. Il nous tape une feuille à rouler, propose de tirer sur son joint, offre des oranges. Il les a volées. Tout ce qu’il mange, il le vole, “mais uniquement dans les supermarchés, pas les petites épiceries.”
Son pantalon est rapiécé d’un tissu indien, il arbore une unique dread et un blouson en jean recouvert d’un autre en cuir plus serré. Tout a été trouvé dans la rue. Il est arrivé à Paris il y a un mois. Il a 19 ans. Dès qu’il a eu son bac, il a dit au revoir à ses parents – cadres moyens à Strasbourg, avec qui il s’entend bien – et a pris la route.
Direction le festival Boom, au Portugal. Il est revenu en fraudant le train avec un copain musicien. Puis ça a été la Hongrie et le festival Ozora. Retour en camion avec des jeunes rencontrés sur place. Et enfin Paris. En arrivant, il a consulté le site squat.net, qui lui a fournit un premier point de chute dans le XIIe. Mais il n’a pas pu rester, c’était plein. S’en est suivi un second squat vers Clignancourt, “plein d’alcoolos, ça s’est fini en baston”.
Il a pris deux vilains coups de boule par un mec énervé et dort désormais en se cachant dans les étages d’un immeuble. Christian et Tristan sympathisent, parlent des squats d’hier et d’aujourd’hui. La nuit tombe. Tristan voudrait passer à la bibliothèque François Mitterrand pour consulter Facebook, l’Internet y est en accès libre à partir de 17h. (6) Christian doit retourner dans son foyer. Chacun reprend sa route, redevient invisible.
Le rocker qui avait faim
Les portes du parc ouvrent à 6 h 30. Dès 8 heures, une soixantaine de personnes donnent un étrange spectacle près de l’entrée “Botzaris”. Il y a des jeunes, des vieux, pas mal d’Asiatiques, quelques bobos. Ils pratiquent en silence le chi kung, une gymnatisque chinoise. Face à eux, un type aux allures de rocker en lendemain de fête les observe, bien calé sur un banc. En sifflant une bouteille de rouge premier prix. Il est vêtu d’un bonnet noir, d’un long manteau noir qui couvre des vêtements près du corps en haillons, noirs, et il a les ongles peints de la même couleur. Il lui manque deux dents. Il se présente : “Captain Sir Allan Gavock”.
Pour le coup, ce n’est pas vraiment Vernon, les fans de Despentes y verraient plutôt un Bleach qui aurait raté la marche de la célébrité. Les seuls mots de français qu’il énonce sont “I’m fucking déchiré”, en se marrant. Il traîne aux Buttes depuis trois mois. Tous les matins, il attend le moment où arrivent les “old ladies” qui s’entrainent au tai shi avec des sabres et des éventails.
C’est vrai qu’elles envoient. Il harangue les passants, en reconnaît certains, les interpelle par leur prénom. Il lance des “I Love tits ! “ (j’aime les nichons !) aux joggeuses, avec des œillades goguenardes. Il ne dira pas tout de suite qu’il dort dans des cartons non loin. Il évoquera plutôt l’album qu’il a signé l’an dernier avec Fat Boy slim, ses voyages à Bali, ses vingt ans comme capitaine d’un yacht de luxe, ou encore sa petite amie qui l’attend dans un squatt à La Muette. Dur de démêler le vrai du faux.
Christian appelle vers midi, il est à nouveau devant le parc. On le rejoint. Il a quatre gros sacs avec lui. L’Ecossais lui déclare d’emblée qu’il est “le plus grand guitariste du monde.” “Ah ben oui, l’égocentrisme, c’est un bon système de défense”, marmonne Christian en farfouillant dans ses sacs. Il en sort des biscuits, le rocker se jette dessus. Allan n’a pas mangé depuis deux jours.
La femme aux “petits coups de canif”
Mais au fait, pourquoi ces sacs ? “Je me suis embrouillé avec le type qui partage ma chambre, explique Christian, très remonté. Il veut absolument dormir avec la fenêtre ouverte, sinon il fait des crises. J’en ai eu marre, je me suis barré.” Il a pris toutes ses affaires, a traversé Paris avec 50 kilos sur le dos. Pourquoi préférer dormir dans le froid plutôt que dans une chambre, même avec des courants d’air ? “Au moins comme ça, je suis libre.” (7)
Il passe des coups de fil, n’a pas envie de rester seul aujourd’hui. Il parvient à joindre Nathalie, une “belle gosse” qui traîne au square de la butte du Chapeau-Rouge, à deux stations de métro. Un square que les SDF de Despentes fréquentent aussi. “Mais j’ai une critique sur son bouquin, c’est qu’elle décrit toujours les nanas SDF comme moches et connes, alors que dans la rue, c’est pas du tout ça ! ”, s’insurge Christian, qui ne semble pas insensible au charme de Nathalie. (8)
Il faut dire qu’elle a du chien et une jolie quarantaine. Un visage de Bretonne serti d’un carré blond. Elle a deux filles, une ado et une jeune adulte, et un garçon qui vit avec son père. Elle a aussi quelques années de prison derrière elle, pour “trois petits coups de canif” qu’elle a filés à son ex qui la battait.
Elle boit, parce “qu’il n’y a rien d’autre à faire”, mais moins que les mecs. Son petit copain est un clodo contre qui elle vient de porter plainte parce qu’il a essayé de lui en coller une. “Il est jaloux, si on l’écoute je me suis fait sauter par tout le quartier.” Elle lâche ça avec le sourire narquois de celle qui ne craint rien, qui sait se défendre.
A 14h30, Christian lui prête son téléphone pour appeler “Le Sleep in”. C’est le foyer pour toxicos où elle dort, même si elle-même ne touche pas à la dope. “Mais faut appeler avant. C’est à leur bon vouloir. L’autre fois je me suis embrouillée avec une Russe, ils m’ont interdit de revenir pendant trois jours.” Les règles strictes de la direction, les humiliations, les autres paumés qu’on n’a pas envie de fréquenter. Le Sleep in ouvre à 18h30. Au menu, douche, chambre minuscule avec punaises de lit, petit déjeuner et “il faut partir à 8h30 en semaine, 7h30 le week-end”. Mais c’est ça ou dormir dehors, et quand on est une femme… Avec Christian, ils raillent les assistantes sociales, qu’ils consultent régulièrement mais qui ne leur proposent rien de pérenne.
Une nuit dans le jardin
Cette nuit-là, Christian ne reste finalement pas dans la rue. Il escalade les grilles des Buttes-Chaumont. Sur un coup de tête, il décide d’aller dormir dans le temple. Il joue à cache-cache avec les gardes, se terre dans les buissons, galère avec ses sacs. Ce qu’il ne sait pas, c’est que le jeune Tristan fait la même chose à l’autre bout du jardin. La sécurité de l’immeuble où il squattait lui est tombé dessus, il ne peut plus y retourner. Lui croise d’ailleurs aussi la route des gardes.
Dormir aux Buttes est interdit, mais ils ferment les yeux, lui donnent le numéro d’une association à contacter. Il va se caler avec son sac de couchage et sa couverture de survie sous le fronton du Pavillon du lac, le restaurant où Dominique Strauss-Kahn célébrait son soixantième anniversaire à l’époque de ses rêves présidentiels.
Réveillé à l’aube par le serveur qui fait l’ouverture, il planque ses affaires dans les fourrés et retourne au temple grec jouer de la guitare. Entre-temps, Christian est déjà parti, il est retourné sur son banc devant l’entrée nord.
“Le parc, c’est pas pratique, explique-t-il. D’abord il fait plus froid qu’en ville et puis une fois que t’es dedans t’es enfermé”. (9) Vers 7 heures du matin, il a vu le fameux Didier sortir de la station de métro et faire un peu la manche. Le mystère Didier se dévoile : il dormirait sur un quai de la ligne 7bis. Les gens de la RATP lui permettraient de rester toute la nuit. On finit par le dénicher, sur un banc du parc. Barbu, couvert de pulls overs, un sac plastique à côté de lui, le regard dans le vague. Il ne veut parler à personne, demande poliment, presque craintivement, qu’on le laisse à sa solitude.
Rendez-vous près du Bonheur
Au bout de quelques jours, Tristan et Sir Allan Gavock ont fini par faire connaissance. L’Ecossais chante plutôt bien avec sa voix éraillée, Tristan l’accompagne à la guitare. Le matin ils interprètent “I love tits” sur un air de Jimmy Hendrix devant le spot de chi kung. L’après-midi, ils vont se caler au pied d’un arbre en contrebas. Dès 16 h, c’est là qu’a lieu le rendez-vous des invisibles. Ce peuplier est l’arbre de Sélim, la soixantaine chic avec son Stetson vissé sur la tête, qui vit à l’Armée du Salut de la rue Botzaris. Il s’assied en son creux tous les jours. Ce “Beurguignon”, comme il se définit lui-même, fier de ses origines dijonnaises, a deux filles qu’il ne voit plus, un verbe fleuri marqué par son passé de paysagiste intello et une humeur en dents de scie. Autour de lui on s’agrège pour s’enivrer et fumer. Des sans-papiers, des clodos, des errants. Jusqu’à l’heure où, fatalement, il fondra un plomb et provoquera une engueulade générale.
Zouzou, la patronne du Rosa Bonheur, amie de longue date de Virginie Despentes, ignore tout de ces réunions qui ont pourtant lieu à quelques mètres de l’entrée de son bar. Elle connaît seulement Allan qui vient parfois faire le show au Rosa les dimanches matins. Il est drôle, elle le trouverait même sexy, parfois un peu collant mais “il s’en va dès l’heure du brunch”. Christian croit savoir pourquoi : “Dès qu’il y a des gamins, les mecs à la rue son gênés de picoler devant eux.”
Une routine éphémère s’installe. Christian sur son banc, Didier dans sa station, Tristan qui dort désormais dans le temple à colonnades. Il a cru que le lieu lui portait chance, il y a trouvé une grosse boulette de shit un matin… avant que les flics n’arrivent alors qu’il s’apprêtait à fumer son premier joint. Mais il y a quand même les levers de soleil avec la vue panoramique. Et les journées avec Allan. A leur façon, ils ont tous quelque chose de Subutex. Si ce n’est qu’ils sont de chair, pas de papier. Leurs blessures saignent un peu plus vrai. Eux, personne ne viendra les chercher.
Dans la lumière rasante du soleil d’hiver, un jeune homme propret guide une troupe de curieux pour une promenade “à la découverte des plantes comestibles et médicinales” du parc. Passe un autre groupe, cannes en fer à la main, en plein exercice de “marche nordique”. A la croisée de leurs route, le peuplier, Sélim, quelques ombres et deux grands manteaux noirs. C’est Tristan et Allan. L’un rayonnant, l’autre effondré. Tristan a suivi l’Ecossais au squatt de La Muette – il a rencontré sa petite amie, qui existe donc bel et bien. Il en a profité pour prendre une douche – un vrai luxe après une semaine à dormir dehors. Il a aussi trouvé dans la rue ce grand manteau fourré qui lui donne la même silhouette que son copain de fortune. Il sourit, heureux de sa journée.
Allan, lui, pleure comme un enfant. Sa copine lui a hurlé dessus et l’a jeté comme une merde. Il crie, il geint “Je suis si charmant, pourquoi…” Ses larmes n’arrêtent pas de couler, il pleure, pleure encore. Sélim, agacé par son chagrin, ne va pas tarder à exploser.
Aux dernières nouvelles, Nathalie a tenté d’ouvrir un squat avec son copain, mais ça n’a pas marché, elle va toujours au Sleep in (10). Christian dort parfois à la Boulangerie (11), un lieu d’accueil où “en ce moment, on n’a que des Syriens”. Tristan s’est fait des copains militants écolos dans des squats à l’occasion de la Cop21. Captain Sir Allan Gavock a disparu.
On a fini par retrouver la trace de Vernon Subutex. C’est Zouzou, du Rosa Bonheur, qui a lâché l’info. “J’ai compris qui c’était en lisant le bouquin de Virginie. Il existe. C’était un copain de l’époque du Pulp. Je ne savais pas qu’il était tombé à la rue…” On ne connaît toujours pas son vrai nom, mais il paraît qu’il s’en est sorti.
Anna Borrel et Marie-Lys Lubrano
1. Selon le dernier rapport de la Fondation Abbé Pierre (février 2015), près de 10 millions de personnes sont en situation de fragilité par rapport au logement, dont 3,5 millions de mal-logés ou réellement SDF (sans domicile, en chambre d’hôtel, en camping, dans des abris de fortune…). Le nombre de SDF a augmenté de 50 % en dix ans.
2. “J’avais une tablette avant, mais je me la suis fait tirer”. Christian possède un téléphone Archos, avec un forfait Red chez SFR, 2h + 2go à 5, 99 euros par mois. Comment recharger la batterie lorsqu’on n’a pas de logement et donc pas d’accès à une prise électrique ? Deux solutions : les prises USB insérées dans les arrêts de bus et celles sises sur la tranche des panneaux publicitaires les plus modernes.
3. La Chorba pour tous, 7-15, bd de la Villette, de 16h30 à 19h30, tous les jours sauf le jeudi.
4. Suite à la crise de 2008, les structures d’accueil d’urgence ont été augmentées de 55 % en quatre ans. Fin 2012, les 2524 établissements pour adultes et familles en difficulté offraient 101 000 places d’accueil en France (source revue “Etudes et résultats” de Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et de la statistique). L’Ile-de-France bénéficie à elle seule d’un quart du parc, pour 18 % de la population. Le taux d’occupation atteint 96 %.
5. Bienvenue dans la novlangue administrative. On distingue les CHU, “Centre d’hébergement d’urgence”, pour une courte durée, des CHRS “Centres d’hébergement et de réinsertions sociale”qui accueillent en appartements, chambres ou chambres partagées pour une durée déterminée – éventuellement renouvelable (40 % du parc). L’hébergement de “stabilisation”, au bout de ce processus, ouvert 24h sur 24, doit permettre un retour à l‘autonomie. Ces trois types de structures s’accompagnent d’un encadrement social, contrairement aux autres formes de logement que proposent le 115, telles les nuitées d’hôtel ou les “résidences hôtelières à vocation sociale”. Enfin, 30 % du parc s’adresse à des personnes spécifiques : demandeurs d’asile et mères accompagnées d’enfants.
6. Pour rester connecté, les bibliothèques offrent l’internet en accès libre, le seul hic quand on est SDF, c’est qu’en raison des directives de sécurité, il est difficile d’y entrer avec son ou ses sacs, qu’il faut donc planquer dans un lieu sûr au préalable. Parmi les sites utiles : Squat.net permet donc d’avoir quelques actus sur les squatts possible. On citera aussi MobilDouche, qui permet de savoir ou se trouve le camion à douches monté par une équipe de bénévoles.
7. Comme le souligne le rapport Médecins du Monde de mars 2014, outre la difficulté d’accès à des solutions d’hébergement (difficulté à joindre le 115, solutions peu pérennes pour une à trois nuitées, etc.), on peut noter aussi la réticence de certains SDF à faire appel à ce type d’aides, “certaines personnes à la rue connaissent déjà les conditions d’accueil en hébergement d’urgence et les considèrent non adaptées à leur situation ou y ont vécu de mauvaises expériences”.
8. Selon l’Insee, près de deux SDF sur cinq sont des femmes (38 %). D’une façon générale, elles bénéficient d’un meilleur accès aux hébergements que les hommes, et surtout de conditions plus stables.
9. Il fait environ 4 degrés de moins dans un jardin public que dans la rue. Comme le dit Christian, c’est loin d’être le lieu idéal pour dormir. En revanche, la journée, il présente plusieurs avantages : le wifi en accès libre et l’accès à deux toilettes publiques, avec du papier (au moins en début de journée). Plusieurs toilettes Decaux sont également à proximité (mais elles ferment de 22 h à 6 h du matin).
10. Le Sleep in, 61, rue Pajol 75018 Paris. 01 42 09 55 99. Personnes concernées par la toxicomanie, personnes sans domicile. Réservation téléphonique 14h30 18h30 / hébergement en urgence. Participation 1,5 euro la nuit. Horaires 18h30-8h30 en semaine.
11. La Boulangerie, 84 boulevard Ney, 75018. Avec plus de 300 places, c’est l’un des plus grands centres d’hébergement parisiens.
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