Ce n’est pas à cause de son nom frôlant le ridicule que le plan Vigipirate est aujourd’hui remis en cause. Son efficacité même est mise en doute, dans un billet de blog du Monde. Le journaliste relève notamment que Vigipirate est un dispositif uniquement français: aucune capitale européenne n’est foulée par autant de patrouilles militaires que Paris. Et qui ne semble […]
Ce n’est pas à cause de son nom frôlant le ridicule que le plan Vigipirate est aujourd’hui remis en cause. Son efficacité même est mise en doute, dans un billet de blog du Monde.
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Le journaliste relève notamment que Vigipirate est un dispositif uniquement français: aucune capitale européenne n’est foulée par autant de patrouilles militaires que Paris. Et qui ne semble plus très protecteur: le 21 août dernier, il s’est avéré impuissant à neutraliser le suspect de l’affaire du Thalys, tout comme l’attaque de la rédaction de Charlie Hebdo en janvier dernier. Le dispositif coûte en plus très cher: un million d’euros par jour selon l’estimation du ministre de la défense Jean-Yves Le Drian.
« Ce n’est qu’une grossière opération de communication qui n’a pas l’ombre d’une efficacité » s’insurge Jean-Pierre Dubois, président d’honneur de la Ligue des Droits de l’Homme.
Créé en 1978 par une instruction interministérielle, le « Plan Gouvernemental Pirate » est lancé en 1991 lors du déclenchement de la guerre du Golfe. C’est ensuite à partir du 7 septembre 1995 (attaques contre une école juive à Villeurbanne) que le plan est implanté de manière permanente, et ce jusqu’à aujourd’hui, il fête donc ses vingt ans.
La récente multiplication des projets terroristes montre bien que l’effet dissuasif du dispositif, souvent invoqué, est nul. Dès lors, sa fonction est autre, elle est sociale et politique. Le premier but n’est pas la protection, c’est la sérénité: il s’agit avant tout de rassurer la population. Julien Fragnon (auteur en 2009 de la thèse « Le Discours Antiterroriste« ) observe ainsi que l’expression « Plan Vigipirate » intervient dans 27% des discours politiques dans la semaine suivant un attentat. On la retrouve dans 82% des titres ou premiers paragraphes d’articles de presse. Mais vingt ans et des dizaines d’attentats après, l’effet s’essouffle.
Une autre fonction, plus subversive, est dénoncée par les détracteurs du Plan, celle du brouillage de la distinction entre temps de guerre et temps de paix. Cette mesure est le reflet de la doctrine militaire française de la fin des années 80, de la pensée post- guerre froide. Celle qui substitue aux empires adverses, un « ennemi de l’intérieur », la population devient à la fois le corps à protéger et celui à surveiller.
« La logique de cette pensée institue une forme de mise en état de guerre permanent, autorisant l’intervention du militaire dans la société« , explique le sociologue Mathieu Rigouste à la revue Culture & Conflits.
Le milieu civil, les rues, les places, les gares sont le nouveau champ de bataille et la menace intérieure est incarnée par les français de la seconde génération, les musulmans et les convertis. Franck Johannès l’explique par une filiation directe de ce dispositif à la « culture du maintien de l’ordre colonial« . La source la plus ancienne du plan se trouve, en effet, dans l’ordonnance du 7 janvier 1959 qui organise la défense nationale en pleine guerre d’Algérie. Les potentiels terroristes sont, aujourd’hui encore, traqués au coeur de la société, à l’instar des Fellagha indépendantistes à Alger. Sans terreur ni torture cette fois.
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