Avec l’offensive de l’information numérique et la disparition annoncée de l’agence Gamma, des heures difficiles s’annoncent pour les photo-reporters. Explications alors que débute le festival « Visa pour l’image » de Perpignan.
« Le photojournalisme est en train de mourir. Il meurt. Il est mort…” a déclaré Jean-François Leroy, le directeur du festival Visa pour l’image depuis vingt et un ans. Il faut dire qu’au-delà de la rengaine alarmiste qui rythme chaque année le retour de ce rendez-vous international qui réunit tout ce que le reportage compte de meilleur, le bilan 2009 est lourd.
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D’abord, il y a eu le traitement inédit des émeutes suivant l’élection présidentielle iranienne : alors que les journalistes étrangers sont expulsés, arrêtés ou assignés à résidence, les événements sont relayés via les téléphones portables et les sites de partage en ligne, Flickr, Twitter et YouTube en tête. La nature même de ces images est inédite et problématique : diffusées en temps réel, il est impossible de certifier leur origine, date et lieu exact de production. Pour Jean-François Leroy, “il s’agit d’une dérive terrible qui ouvre la porte à toutes les manipulations”. “Je pense qu’il n’y a rien de plus con que le journalisme citoyen”, ajoute celui qui défend bec et ongles une profession menacée par “la réduction significative des commandes de magazines, la diminution des tarifs et la prolifération des images libres de droit”.
L’autre événement, c’est la mort programmée de l’agence Gamma. Alors qu’une autre institution en matière de photojournalisme (Paris Match) fête cette année ses 60 ans, l’agence créée en 1966 par Raymond Depardon et Gilles Caron voit rouge… Contrainte de déposer son bilan le 30 juillet dernier pour cessation de paiement, elle a été placée en redressement judiciaire par le tribunal de commerce de Paris et risque la liquidation. Un appel lancé début août et intitulé “Sauvons l’agence Gamma” réunit patrons de presse (Mougeotte, Joffrin, Olivennes, Plenel) et politiques (Aubry, Besancenot, Bayrou, Buffet, Coppé…). “La seule et unique raison de la crise du photojournalisme, c’est que la presse dans son ensemble est malade, commente Leroy ; avec le prix que Paris Match a déboursé pour avoir les seins de Sharon Stone, on aurait pu financer douze reporters pendant six mois aux quatre coins de la planète.”
Pour le tout jeune photographe franco-argentin Boris Svartzman qui présente à Visa une grande “fresque sur l’urbanisation en Chine”, cette crise peut être aussi “riche de perspectives et de rebondissements. Il s’agit d’une mutation longue, sur cinq à dix ans, qui permet de se remettre en question. En ce qui me concerne, je mise davantage sur la diversification, la proximité avec mon sujet et la durée, avec des repérages qui peuvent prendre des années. C’est presque plus proche du cinéma, finalement.”
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