Samedi 10 décembre, l’ex-ministre de l’Economie était, pour la première fois depuis l’annonce de sa candidature à l’élection présidentielle, en meeting à Paris. Plus de 10 000 personnes, déjà largement convaincues pour la plupart, ont assisté à une allocution survoltée faisant d’une certaine vision du travail un combat de premier plan.
Il arrive en empruntant un couloir de fortune formé par des bénévoles de son mouvement se tenant par les mains. La musique est survoltée, des drapeaux français et de l’Union européenne sont brandis, les gens montent sur leur chaise pour mieux voir passer la star du jour. Emmanuel Macron, ex-ministre de l’économie de François Hollande et candidat depuis trois semaines à l’élection présidentielle, est en terrain conquis. Au parc des Expositions de la porte de Versailles, plus de 10 000 personnes sont venues écouter le premier grand meeting du fondateur d’En marche.
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Ici, tout le monde – ou presque – le voit déjà chef de l’Etat. “Macron président !”, scande régulièrement la foule, composée à la fois de jeunes et de personnes plus âgées, tous très propres sur eux. De personnalités politiques et publiques de tous bords, aussi, comme Jean-Paul Huchon, ex-président PS de la région Ile-de-France, l’avocat Jean-Pierre Mignard, proche de la majorité en place, ou encore Renaud Dutreil, ministre de droite sous Jacques Chirac. Il est 16 h 50, Emmanuel Macron débute son discours qui durera plus d’une heure et demie.
“Merci patron” et boules puantes
Le style est décontracté voire, parfois, sentimental – “Jacques, tu t’en souviens ?” – tout en restant très maîtrisé. C’est avec une grande assurance et en tapant fort sur son pupitre pour appuyer ses propos que l’ancien banquier d’affaires dévoile une partie de son programme.
Emmanuel Macron est exalté, hurle qu’il “n’a pas peur”, ménage ses effets. Il se permet même quelques piques, critiquant sans le nommer François Fillon sur sa position sur la Sécurité sociale ou évoquant ironiquement “ces primaires [de la gauche] dont on parle tant” – pour rappel, l’ancien ministre refuse de participer à ce scrutin qui aura lieu en janvier, ce qui lui est reproché par les socialistes. Rien ne semble le perturber, pas même quand quelques personnes passent non loin de la tribune en chantant “Merci patron” et en jetant des boules puantes. L’odeur restera, pas eux : ils sont expulsés manu militari par plusieurs membres de la sécurité.
Le candidat déroule son programme, très axé sur le travail : réduction des charges des entreprises en transformant notamment le CICE, maintien des 35 heures, augmentation de la prime d’activité ou encore allocations chômage pour les auto-entrepreneurs et les indépendants. Emmanuel Macron souhaite également la création de 10 000 nouveaux postes de policiers et gendarmes, la mise en place d’un nouveau service public de la formation et d’un marché unique européen du numérique.
L’Europe, “qui est aussi notre identité”, est d’ailleurs largement vantée durant son discours, même si peu de mesures concrètes sont avancées. Même chose en ce qui concerne l’éducation et l’écologie, sujets évoqués mais sans réelles propositions de réformes. Qu’importe : le public adhère et l’acclame à la fin de son allocution. Emmanuel Macron se met à hurler, hurler, hurler, les bras ouverts de façon christique, presque possédé, on s’attend à ce que sa chemise craque.
“Maintenant, votre responsabilité, c’est d’aller partout”, crie-t-il, en s’adressant à ses soutiens, qui seraient 120 000 à avoir adhéré au mouvement. Une petite Marseillaise et hop !, c’est fini, les bénévoles rangent les sièges. Des membres du public ramassent les drapeaux qui traînent vers le sol, sans doute dans une velléité de décoration d’intérieur.
« Il a des idées très novatrices »
L’intervention de leur candidat a globalement conquis l’assistance, à l’instar de Sarah, 25 ans, qui, avec son ami Jacques, a fait la “chauffeuse de salle” durant le meeting : “Je suis d’accord avec tout ce qu’il dit.” Même discours chez Isabelle, 54 ans, et adhérente d’En marche depuis quelques mois. “Il a des idées très novatrices et une vision très lucide sur l’évolution du monde”, raconte cette ex-socialiste déçue du mandat de François Hollande, pour qui, a contrario de la majorité en place, Macron a le mérite de “vouloir rassembler toutes les forces progressistes des différents partis.”
Elle balaie les critiques de ses détracteurs, qui déplorent l’adhésion du candidat à une plus grande flexibilité du marché du travail et au fait de “prendre des risques”, Macron vantant régulièrement les régimes tels que celui de l’auto-entreprenariat : “L’ubérisation de l’économie se fait de toute façon, et au détriment des salariés. Il vaut donc mieux l’accompagner.” Dans sa main, elle arbore Révolution, le dernier livre de celui pour qui elle votera à la présidentielle.
Pas sûr que Rémi, 23 ans, fasse de même. En 2012, il avait voté à droite. Il est venu aujourd’hui pour en apprendre plus sur le projet d’Emmanuel Macron. Le résultat est plutôt mitigé : “Je n’ai pas spécialement été convaincu, il est encore beaucoup dans la communication.”
Le discours de Macron fait en tout cas parler. Dans le métro du retour, un groupe de jeunes adultes discutent à propos du meeting pendant plusieurs stations. Un vieux monsieur les interpelle : “J’entends que vous parlez de Macron, vous étiez au parc des expositions ? Vous en avez pensé quoi ?” “Nous on adhère totalement, et vous ?” “Oh, moi, vous savez, je suis communiste : je vote toujours Nathalie Arthaud.” Ce n’est, en effet, pas tout à fait la même chose.
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