En meeting sur les terres ouvrières de Florange, le candidat de la France insoumise s’est posé en recours à l’abstention et au vote FN. Dans un discours de deux heures, il s’en est pris à François Fillon, Emmanuel Macron et Marine Le Pen. Et a volontairement relégué aux oubliettes le PS.
Il aurait pu choisir de se rendre dans la petite ville communiste de Serémange-Erzange, située tout près. Mais le symbole eût été autrement moins fort. Ce 19 janvier, c’est à Florange (Moselle) que Jean-Luc Mélenchon tenait une réunion publique. Et tant pis si le maire à qui il a demandé une salle pour l’occasion est apparenté Les Républicains. Allégorie de la désindustrialisation, de l’échec du PS à sauver l’acier français et de la montée du vote FN (l’une des onze mairies frontistes ravies en 2014, Hayange, est voisine), la ville logée au creux de la vallée de la Fensch illustrait trop bien le discours concocté par le candidat de la « France insoumise ».
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« C’est une nouvelle civilisation qu’il s’agit de faire naître »
À quelques semaines de son meeting holographique (prévu le 5 février à Paris), le député européen a déjà dû se démultiplier pour contenter les 1000 personnes venues l’écouter dans une salle de 430 places. Après avoir commencé son homélie éco-socialiste à l’extérieur, par moins quinze degrés ressentis, face aux « insoumis » arrivés trop tard, il l’a poursuivie dans le hall, pour finir face aux privilégiés assis dans la salle en forme d’amphithéâtre.
Des hauts-fourneaux et du laminoir du site d’Arcelor-Mittal, « monstre de métal » si bien décrit par Bernard Lavilliers, il fut finalement peu question. « Je ne suis pas venu faire dans la nostalgie », a prévenu le tribun dont le programme L’Avenir en commun, vendu à plus de 200 000 exemplaires, regarde vers le futur. Et pour cause : « C’est une nouvelle civilisation qu’il s’agit de faire naître. L’actuelle va à sa faillite », explique-t-il gravement.
Fillon, Macron et Le Pen dans le collimateur
Le fondateur du Parti de gauche a en effet fait de l’écologie le centre de gravité de sa campagne. « Pas pour prendre les voix écologistes comme le disent les commentateurs ! Il n’y en a pas tant que ça, si j’étais utilitariste je ferais autre chose ! », a-t-il blagué pour répondre à ceux qui mettent en doute sa sincérité sur le sujet, après avoir disserté sur l’avènement de l’anthropocène, la trace indélébile que l’être humain laisse sur la planète et l’épuisement des ressources naturelles.
JL Mélenchon citant Hugo Chávez : "Si le climat était une banque il serait déjà sauvé" #jlmflorange pic.twitter.com/kNZCQAed7Y
— Mathieu Dejean (@Mathieu2jean) January 19, 2017
En filigrane du développement de son programme – relocalisation des entreprises, sortie du nucléaire, formation professionnelle, économie de la mer et agriculture écologique -, Jean-Luc Mélenchon a taillé quelques costards à ses adversaires. François Fillon, d’abord, renvoyé à ses études : « Il devrait faire pour l’enseignement professionnel la même chose que pour la Sécu : remballer son plan et essayer de trouver quelque chose qui tient la route! ». Emmanuel Macron, aussi, accusé d’avoir vendu Alstom quand il était ministre : « C’est une spécialité, c’est un bon commerçant, quoi ». Et Marine Le Pen, l’ennemie jurée, qui a déclaré vouloir retirer l’éducation gratuite aux enfants d’étrangers : « Je pensais que les xénophobes s’arrêtaient aux gosses, pas elle ».
En négatif, le PS – contre qui il ne retenait naguère pas ses coups – a disparu du champ de vision de l’ex-ministre de l’enseignement professionnel de Lionel Jospin. Comme si, quel que soit le gagnant de la primaire de la Belle Alliance populaire, il était condamné à témoigner. « Les inventeurs du vote utile sont devenus les candidats du vote inutile », synthétisait-il dans l’interview qu’il nous accordait la semaine dernière.
À la conquête de l’électorat populaire
Mais Jean-Luc Mélenchon est-il vraiment capable de s’imposer en recours à l’abstention et au vote FN ? Lionel Burriello, délégué CGT d’ArcelorMittal et membre de la France Insoumise, veut y croire : « On a eu cinq ans de Sarkozy, cinq ans de Hollande. Jean-Luc Mélenchon n’a jamais été aux affaires. Il ne m’a jamais trahi. Je juge aux actes ».
Un badge « La France insoumise » sur son pull-over, à côté du triangle rouge des antifascistes européens, Jean-Luc Mazzilli, ex-sidérurgiste à Usinor-Thionville, est aussi optimiste : « Je pense qu’il peut renouer avec l’électorat ouvrier. J’habite un quartier populaire de Hayange, Konacker, qui vote à 35% FN. Ce sont eux qu’il faut aller voir. Ils en ont marre du PS et de la droite, et votent FN par dépit. On peut les convaincre de voter Mélenchon ».
Le premier youtubeur politique de France, qui sait qu’il y a toujours eu des ouvriers de droite et qui a pris le parti dans son livre L’Ère du peuple de dépasser le clivage traditionnel travailleur/bourgeois, s’y est attelé. Il a notamment porté l’estocade contre les « préjugés de classe » sur le travail manuel, et promu un « protectionnisme social et de responsabilité écologique ».
"Être milliardaire est immoral. Il n'y a pas de milliardaire sans souffrance, sans dégâts sur la nature, sans guerre" #jlmflorange
— Mathieu Dejean (@Mathieu2jean) January 19, 2017
Après avoir entonné en musique La Marseillaise, le meeting s’est conclu par une Internationale improvisée et poing levé. Il faudra malgré tout aux insoumis un moral d’acier pour transformer le symbole en réalité matérielle.
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