Nicolas Sarkozy remonte opportunément dans les sondages et François Fillon mitraille les socialistes. A droite, la rentrée sera musclée.
Ils ont soif de revanche. Des mois qu’ils gèrent les basses eaux sondagières dans lesquelles se débat Nicolas Sarkozy. A tel point qu’à un moment, au printemps, ils ont envisagé – sacrilège – une candidature de recours contre le chef de l’Etat, usé à leurs yeux par quatre ans d’hyperprésidence, de storytelling bling-bling et de polémiques en tout genre. Les responsables de la majorité ont donc accueilli avec soulagement le dernier baromètre CSA, où Nicolas Sarkozy fait jeu égal au premier tour de la présidentielle avec François Hollande (26 %) et devance Martine Aubry de deux points (27 % contre 25 %).
Cette enquête est tombée à point nommé avant la trêve estivale. Des sondeurs d’instituts concurrents y voient d’ailleurs la main du conseiller « droitier » de Nicolas Sarkozy, Patrick Buisson. Tout comme dans les sondages sur la primaire PS qui « minoreraient » les chances de Martine Aubry. Reste que l’Elysée a concocté un bon vieux cliffhanger pour mieux nous appâter avant la rentrée du gouvernement, le 24 août.
D’ici là, Nicolas Sarkozy poursuit sa toute dernière opération de « représidentialisation ». Deux facteurs sont venus l’appuyer dans son entreprise : chef de guerre, il est apparu le 14 juillet à la télévision pour annoncer, le visage grave, un renforcement de la sécurité des soldats français en Afghanistan, après la mort de six d’entre eux en deux jours. Sur l’autre théâtre d’opérations, la Libye, le Président français a été élevé au rang de « meilleur ennemi » par Mouammar Kadhafi. Par ailleurs, la crise de l’euro lui donne l’occasion d’enfiler à nouveau son costume de pompier de l’Union, même s’il est durement attaqué sur sa politique européenne par François Hollande, favori de la primaire PS. Une touche people pour finir : Carla Bruni-Sarkozy doit accoucher à l’automne prochain.
Franck Louvrier, conseiller en communication du chef de l’Etat, explique qu’il n’est pas question pour Nicolas Sarkozy d’entrer trop tôt « dans la bataille politicienne ».
« Il a dit que 2011 serait une année utile pour les Français. Le travail de réforme continue. »
Son modèle est le François Mitterrand de 1988, qui ne s’était déclaré candidat à un second mandat qu’au mois de mars.
Du coup, « la répartition des rôles s’est bien faite » avec François Fillon, ajoute Franck Louvrier. Et c’est vrai que depuis quelques jours, le Premier ministre est à l’offensive contre la gauche. Il s’est illustré en mettant en cause la connaissance par Eva Joly des « traditions de la France » après la proposition de la candidate verte visant à remplacer le défilé militaire du 14 Juillet par un défilé citoyen. Avant cela, François Fillon s’en était pris à la « démagogie » et au manque de « crédibilité » du Parti socialiste, qui refuse de voter le texte sur l’inscription d’une « règle d’or » budgétaire dans la Constitution. Interrogé sur la proposition de François Hollande de geler les hausses de prix des carburants pendant l’été, François Fillon a répondu qu’au « concours Lépine de la démagogie, il a gagné le Grand Prix ».
Devant les parlementaires de l’UMP conviés la semaine dernière à Matignon, le chef du gouvernement a façonné ses angles d’attaque. Sans les nommer, il a ciblé Martine Aubry et François Hollande, comptables à ses yeux du bilan de Lionel Jospin, l’une en tant que numéro deux du gouvernement et l’autre en tant que patron du PS.
François Fillon s’est ainsi souvenu « des derniers mois erratiques du gouvernement et de la majorité de gauche » en 2002, avant d’affirmer que la droite avait réussi « à casser la spirale de la délinquance qui avait marqué les années Jospin ». Pour Franck Louvrier, même si la victoire n’est jamais certaine, elle paraît désormais à la portée de Nicolas Sarkozy.
« Les courants profonds de la société française, et même des sociétés européennes, sont à droite et pas à gauche. Les valeurs de droite sont largement majoritaires. La crise rend responsable. Elle a annihilé tous les rêves inaccessibles. »
Pour les partisans de Nicolas Sarkozy, depuis l’éviction de Dominique Strauss-Kahn, qui était « le seul à gauche à pouvoir incarner la réforme », les présidentiables socialistes apparaissent « affaiblis sur le terrain de la crédibilité et de la présidentialité ». « Ils n’ont pas la hauteur de vue qu’une telle charge exige », affirme François Fillon.
« Chacun est maître d’une chapelle, mais personne n’est à la tête de la cathédrale », souligne Franck Louvrier.
L’optimisme retrouvé a des limites. « Que ce soit pour Giscard, Mitterrand ou Chirac, la deuxième campagne n’a pas eu la magie de la première (…), et puis 2007 a été une victoire très solitaire, avec Nicolas Sarkozy gagnant sur la rupture. 2012 peut être une victoire, à condition qu’elle soit collective », prévient Jean-Pierre Raffarin. Un autre responsable de l’UMP appelle à se méfier « de l’effet bordélique de la primaire PS ».
« Une fois que le candidat de la gauche sera désigné, les compteurs seront remis à zéro, et la vraie bataille commencera. »
Hélène Fontanaud