Vendredi dernier, Micah Johnson a abattu cinq policiers, motivés par les récentes bavures policières. Alors que les forces de l’ordre de la capitale texane étaient citées en exemple…
La tragique ironie de la tuerie de Dallas, c’est que les forces de l’ordre de la capitale texane étaient cités en exemple de maintien de l’ordre.
C’était en avril, il y a trois mois. Le chef de la police de Dallas, David Brown, sortait d’une réunion à la Maison Blanche avec Barack Obama et plusieurs commissaires de grandes villes. Les grands flics du pays s’engagent à rendre des statistiques précises transparentes sur l’ « usage de la force » parmi leurs troupes.
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Les données de la police de Dallas sont accessibles à tous sur ce site. Chaque balle tirée par un officier ces douze dernières années est comptabilisée et accessible en quelques clics. Ce site fait partie d’une volonté d’Obama de rendre les forces de polices du pays, très indépendantes les unes des autres et pas du tout centralisées comme en France, plus transparentes. Pour rappel, il est très impossible d’avoir des données nationales officielles, fiables et complètes, sur le nombre d’Américains, armés ou non, tués par la police. Les ONG et les grands médias comme le Guardian ou le Washington Post comptabilisent depuis plusieurs années au doigt mouillé, à l’aide des autres médias, des déclarations de police et des réseaux sociaux.
La police de Dallas a « utilisé la force » 2200 fois en 2015. Parmi ces cas, onze fusillades. Pour le reste, il s’agissait d’usages de taser, de tonfa, de mises au sol, d’armes dégainées par les officiers sans en faire usage et de gaz lacrymogène.
Ces données brutes ne sont pas très parlantes. Mais le tueur a pris pour cible une force de police devenue en quelques années plutôt exemplaire, qui a profondément modifié ses méthodes ces dernières années. Même les représentants de Black Lives Matter (BLM) reconnaissent que le Dallas Police Department allait dans le bon sens : transparence, proximité et riposte graduée. Un représentant texan de la National Association of Blacks in Criminal Justice, une association d’avocats noirs, l’expliquait vendredi au Caller Times de Corpus Christi:
« Nous parlons de Dallas comme d’un exemple à suivre, surtout en matière de tensions raciales », dit Carlyle Holder. La fusillade est donc d’autant plus dur à encaisser ».
Avant d’être citée en exemple, Dallas a dû passer par un long purgatoire. La ville était violente. Les relations police-population étaient méfiantes et tendues. Jusqu’à une terrible bavure de juillet 2012, l’été où Dallas a vécu son «Ferguson», en avant-première, avant le reste du pays.
Après plusieurs confrontations et une course poursuite, un officier blanc tirait dans le dos d’un suspect noir en fuite, James Harper, 31 ans, et le tuait. Grosses manifestations dans tout Dallas. Une confrontation avec les forces de l’ordre semblait imminente, mais n’a finalement pas eu lieu. L’officier, Brian Rowden, sera défendu part la hiérarchie et finalement laissé libre de poursuites après décision d’un jury populaire.
Après ce long hot summer texan, le chef de la police, David Brown, informe les habitants via un long texte sur facebook que la police, pour regagner la confiance des habitants, s’engage à changer radicalement de méthode.
En 2012, la police de Dallas avait tué dix personnes. Cette année, une seule. Depuis 2012, les tirs impliquant la police ont baissé chaque année. « Notre police a été entraînée dans la désescalade de la violence bien avant toutes les autres villes du pays« , a expliqué le maire de la ville Mike Rowlings en conférence de presse, « nous sommes pionniers en matière de police de proximité cette année. Et cette année, nous avons le ratio balle tirée par officier le plus faible de toutes les grandes villes d’Amérique ».
Qu’une statistique comme un faible ratio de balles tirées par officier soit citée en exemple par le maire de Dallas est assez rare pour être souligné. Et au sujet de la « désescalade« , un terme de plus en plus à la mode dans le jargon policier américain, les faits semblent lui donner raison.
En 2009, 147 plaintes de citoyens pour violences policières ont été comptabilisées. En 2016, on en est pour l’instant à 4. Le nombre de plaintes a diminué dans d’autres grandes villes du pays comme Baltimore, New York Seattle, ou Birmingham en Alabama. Mais l’évolution de Dallas est de loin la plus vertigineuse, avec une diminution de 64% des plaintes pour violence.
Tout le monde n’est pas béat d’admiration devant la police de Dallas. Les syndicats de police ricanent, parlent d’écran de fumée. Et tous n’acceptent pas ces changements: environ 150 ont quitté les rangs depuis les réformes. Personne ne se bouscule pour les remplacer. Le département manque de bras et doit recruter jusqu’à Memphis.
En novembre dernier, le Dallas Morning News assistait à une séance de formation de officiers à la désescalade. C’est assez nouveau aux Etats-Unis. Avant Ferguson, les policiers américains étaient surtout formés pour répondre à des tueries de masse : agir vite, trouver le tireur, stopper la menace par n’importe quel moyen. Après Ferguson, les forces de police du pays commencent à s’intéresser aux programmes de désescalade.
L’usage du Taser est préféré à l’arme à feu ou au (chokehold), la prise qui a entraîné la mort par étouffement d’Eric Gardner à New York en 2014, pour une petite histoire de vente de cigarettes à la sauvette (ses dernières paroles, « I can’t breathe« , sont devenues un slogan de manif).
Rien de magique dans les consignes : « ralentir plutôt que de brusquer les choses, ne pas se jeter immédiatement sur le suspect, écrire un rapport, ne pas crier tous en même temps sur un suspect« . » Des enregistreurs audio et vidéo accompagnent les officiers partout où ils interviennent. Sans oublier les smartphones dans les mains des administrés. Selon un argument tenace, l’effet viral des vidéos dissuaderait les policiers d’intervenir, par crainte de bousiller leur carrière. Un argument rejeté par la hiérarchie texane.
D’après l’adjoint au Shériff Jenn Cotner, qui supervise la formation des flics de Dallas, « quand on les appelle, ils arrivent et font face au problème. Personne ne peut dire que les vidéos les en dissuadent« .
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