Le journal Fakir et le collectif Convergence des luttes, à l’origine de Nuit debout, s’interrogeaient sur « l’étape d’après » à la Bourse du travail ce 20 avril. Objectif : convaincre le mouvement de faire jonction avec les syndicats.
Ils sont revenus là où tout a commencé, à la Bourse du travail de Paris, à deux pas de la place de la République. Ce 20 avril à 19h, la salle Ambroise Croizat était de nouveau pleine à craquer. « La dernière fois qu’on était aussi nombreux, c’était le 23 février, quand on a lancé l’idée de ne pas rentrer chez nous après la manifestation. Aujourd’hui, ça fait 22 jours que la place de la République est occupée ! », lance Arthur, du collectif Convergence des luttes, sous une salve d’applaudissements. Des centaines de personnes n’ont en effet pas pu entrer, et ont dû observer le débat depuis la place de la République, où il était retransmis.
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Bourse du travail pleine à craquer pour le débat #NuitDebout : l'étape d'après? pic.twitter.com/0O4kLFz04t
— Mathieu Dejean (@Mathieu2jean) April 20, 2016
L’équipe du journal Fakir, emmenée par le réalisateur de Merci patron !, François Ruffin, et deux commissions de Nuit debout, « Convergence des luttes » et « Grève générale », ont invité ceux qui le souhaitaient à faire un bilan d’étape du mouvement, pour penser sa stratégie, et éviter qu’il ne s’enlise. L’assemblée a jusqu’à 22h pour répondre à une question toute léninienne : que faire ?
« Je souhaite qu’on fasse un très gros 1er mai »
« On respire un peu mieux, il se passe enfin quelque chose, entame François Ruffin, vêtu de son traditionnel T-shirt I love Bernard [Arnault, ndlr]. Mais on a été tellement surpris par le succès du 31 mars qu’on n’a pas pensé l’étape d’après. Or il faut toujours avoir un plan de bataille ». L’ancien reporter de l’émission Là-bas si j’y suis sur France Inter est venu avec « un coup » à proposer à ses convives :
« Je souhaite qu’on fasse un très gros 1er mai, je souhaite que la manif se termine à République, et je souhaite qu’on fasse un meeting commun avec les syndicats opposés à la loi El Khomri ».
Et le rédacteur en chef de Fakir d’utiliser la métaphore pour convaincre de la nécessité d’une jonction avec les syndicats :
« Pour qu’un moteur explose, il faut que deux ingrédients se rencontrent. Le pouvoir voudrait que Nuit debout et les syndicats se tournent le dos. Tendons leur plutôt franchement la main, et alors nous réussirons à leur faire peur ».
Accueil mitigé de la proposition de jonction avec les syndicats
A la suite du tenancier de Fakir, des intellectuels (Serge Halimi, Frédéric Lordon) et des syndicalistes se sont succédés à la tribune pour enfoncer le clou. Tous semblent vouloir aller dans la même direction, mais le mouvement – qui les dépasse largement – suivra-t-il ? L’objectif de la soirée aurait été que François Ruffin et ses acolytes puissent soumettre à l’assemblée populaire de Nuit debout cette proposition d’action. Le temps presse en effet d’ici le 1er mai.
C’était peine perdue. Alors qu’un tour de parole est organisé pour que les participants s’expriment sur cette proposition et esquissent les modalité de la réaliser, les intervenants s’expriment comme s’ils assistaient à l’AG de Nuit debout : sur des sujets divers et variés, et sans respecter le temps de parole imparti. Certains manifestent leurs réticences à inviter les syndicats.
La division règne
Après des échanges très tendus entre les organisateurs et certains participants, une feuille circule dans les travées invitant les personnes qui le souhaitent à soutenir la proposition d’un 1er mai de convergence :
« Nous en appelons à la CGT, à Solidaires, à Force Ouvrière, pour que le parcours soit prolongé de Nation à République et que nous partagions ensemble un moment d’unité, de combativité et de fraternité. Il s’agit là d’un geste symbolique, voire historique. Seule cette jonction est en mesure, aujourd’hui, de faire peur à l’oligarchie, et de faire reculer le pouvoir ».
Un appel "pour un 1er mai commun" circule : "seule cette jonction est en mesure de faire reculer l'oligarchie" pic.twitter.com/ZWszh7RTMf
— Mathieu Dejean (@Mathieu2jean) April 20, 2016
En écho à l’interview accordée par Emmanuel Todd à Fakir le jour-même, dans laquelle le démographe souhaite que les jeunes prennent l’engagement de « ne plus jamais voter PS », François Ruffin a joué la carte de l’humour pour apaiser les esprits après plusieurs échanges houleux. Le poing levé, l’ensemble de l’assemblée a prêté serment, à son invitation, de « ne plus jamais voter PS ».
Ruffin fait prêter serment à ceux qui veulent. La salle clame le poing levé "Nous ne voterons plus PS!" #NuitDebout pic.twitter.com/rNLTFQsRh4
— Mathieu Dejean (@Mathieu2jean) April 20, 2016
Maigre résultat pour une réunion qui devait marquer un tournant dans le mouvement Nuit debout. Alors que la salle se vide, les organisateurs affichent des mines déconfites. « L’étape d’après » dans sa forme proposée ce soir aura-t-elle lieu ? Rien n’est moins sûr pour l’instant. Contacté le lendemain de la réunion, François Ruffin ne cède pas à l’abattement, même s’il convient qu’il s’agit d’un demi-échec : « Pour ce coup-ci c’est raté, mais ce n’est pas grave, on a posé un problème, et peut-être que cette graine germera par la suite. »
Au cours de son intervention le 20 avril, le directeur du Monde diplomatique Serge Halimi a fait une remarque qui pourrait être sinistrement prophétique pour Nuit debout :
« Alors que la classe dirigeante est solidaire, consciente de ses intérêts et mobilisée, elle a en face d’elle d’innombrables associations, syndicats et partis qui sont parfois tentés de défendre leur pré carré sans alliés, sans priorité, et sans plan de bataille ».
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