La famille de ce jeune homme de 24 ans, décédé le 19 juillet à Beaumont-sur-Oise (Val d’Oise) suite à son interpellation par les gendarmes, a organisé samedi un grand repas en sa mémoire. L’occasion de rappeler que leur lutte pour « la justice et la vérité » n’est pas terminée.
Elle a tenu à amener un “petit quelque chose”. Vanessa, jeune femme résidant à Persan, a préparé un gâteau pour le pique-nique organisé samedi dans le quartier de Boyenval, à Beaumont-sur-Oise. Ce repas, il se tient en l’honneur d’un jeune homme originaire du coin. Il s’appelait Adama Traoré et n’est pas présent à la fête : il est décédé dans des circonstances troubles le 19 juillet, suite à son interpellation par trois gendarmes. Pour que “justice soit faite” , la famille parle de “bavure policière” et critique le procureur en charge du dossier, qui n’a jamais évoqué le “syndrome asphyxique” présent dans les deux rapports d’autopsie. Ses proches voulaient également célébrer sa mémoire “en s’enjaillant, malgré les coeurs serrés”. L’occasion, aussi, de remercier toutes les personnes qui ont apporté leur soutien, depuis le départ, à la famille.
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A Beaumont sur Oise, beaucoup de monde pour le repas (à venir) en mémoire d'#AdamaTraore pic.twitter.com/kZMhngkdkm
— Amélie Quentel (@ameliequentel) September 10, 2016
Il y a d’énormes saladiers – “On prépare tout depuis la veille”, explique Assa, l’une des soeurs d’Adama – de l’agneau qui grille sur une broche, des boissons conservées au frais dans une piscine gonflable. Il y a des ados, des personnes âgées assises autour des tables, des gamins qui se déhanchent sur les chansons de MHD ou Maître Gims diffusées à fond sur une sono – gros succès pour Sapés comme jamais. Bon, pas d’escarpins « Loulou et boutin » arborés par le public, mais, en revanche, de nombreux tee-shirts estampillés « Justice pour Adama ». C’est un beau moment.
“Ce repas, organisé dans la joie et la bonne humeur, a lieu pour remercier tous ceux qui ont apporté leur soutien. Sans eux, on ne serait pas là, assure Lassana, l’un des frères d’Adama. Mais, ce qu’on veut dire, c’est que des évènements, il y en aura plein d’autres.” Il annonce que “l’enquête avance très bien, et que de nouveaux éléments seront bientôt communiqués”.
Joint par les Inrocks, Yassine Bouzrou, avocat de la famille, rappelle que “la demande de dépaysement de l’enquête a été actée, et que la Cour de Cassation devrait se prononcer à ce propos le mois prochain. Si elle nous donne raison, la mise en examen des gendarmes qui ont interpellé Adama pourra enfin être envisagée”.
La famille est également en colère de la réaction de Nathalie Groux, maire UDI de Beaumont, qui “n’a même pas passé un coup de fil pour présenter ses condoléances” et qui se serait « opposée catégoriquement à l’organisation de ce pique-nique”. Impossible d’avoir sa version : à son secrétariat, on assure que “Madame la maire ne donne pas d’interview”.
#JeSuisAdama
Reste que la famille “ne lâchera rien”. Assa le clame avec force : “Si la justice ne se fait pas, on ira se mobiliser, tous les jours s’il le faut.” Elle pourra compter sur le soutien de personnes ayant vécu un drame similaire. Dans l’assemblée présente ce jour-là, il y a par exemple Ramata Dieng. Son frère Lamine est décédé en 2007, dans des circonstances similaires à celles d’Adama. Après plusieurs semaines de “conversations téléphoniques” avec les Traoré, elle les rencontre pour la première fois.
“On est venus pour apporter l’assistance que l’Etat ne donne pas à la famille. J’essaie de leur donner des conseils, de les prévenir sur les pièges à éviter.”
D’autres, qui n’ont aucun lien avec la famille, n’ont pas hésité à faire beaucoup de route afin de présenter leurs hommages. Ibrahima Diallo est l’un d’eux : résident de Lagny-sur-Marne, il a conduit une heure pour participer à l’événement. Le décès d’Adama l’a “ébranlé” : “Ce sont des circonstances assez flippantes. Et puis le fait que ni Hollande ni Cazeneuve n’aient pris la parole à propos de sa mort, je prends cela pour un droit à tuer.” Mais Ibrahima est déterminé à se battre. Et le dit de façon très belle. “Le manque d’air qu’Adama eu au moment de sa mort, c’est autant d’envie de respirer qu’il nous a insufflé.”
On croise aussi Amal Bentounsi du collectif « Urgence notre police assassine », ou encore une jeune fille qui souhaite inviter les Traoré à un meeting, prochainement organisé à l’université de Paris I, autour de “la répression policière”.
Des amis d’Adama sont également là. Mongi Hakimi, éducateur en prévention au sein de l’association La Bulle – qui a aidé à l’organisation de l’évènement – et proche de la famille Traoré, se remémore ses moments passés auprès du jeune homme : “Il était toujours gentil, toujours souriant, toujours poli. J’ai été profondément touché, je l’avais vu grandir.” Adama n’est pas là mais, pourtant, il est partout. Surtout quand Saisai, rappeur qui a écrit une chanson en son honneur, monte sur la scène de fortune pour entonner son titre, #JeSuisAdama : “T’inquiète pas mon frère/Si y a pas de justice/Ba y aura pas de paix.” A ses côtés, un autre garçon lève bien haut une photo du jeune homme. Cet après-midi, à Boyenval, il a été aimé comme jamais.
Pour la famille Traoré, je suis Adama. pic.twitter.com/5fIDZ5lYpt
— Amélie Quentel (@ameliequentel) September 10, 2016
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