Le vêtement, qui devait être commercialisé mi-mars par Décathlon, ne sera finalement pas vendu en France.
« Une nouvelle fois, la France s’est plongée dans le ridicule en parlant des vêtements que les femmes musulmanes peuvent choisir de porter ou non ». Ce constat cinglant est à lire dans un article publié dans le Washington Post le 26 février. Son auteur, James McAuley, correspondant du prestigieux quotidien dans l’Hexagone, ironise sur le sujet de laïcité en France : « Les vêtements que les femmes musulmanes choisissent de porter sont un sujet à polémiques en France, une société officiellement laïque qui interdit tout signe et symbole religieux dans la vie publique – à l’exception, bien sûr, des crèches et des sapins de Noël qui décorent les mairies en hiver », écrit-il.
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Mais comment en est-on arrivé à une telle situation en très peu de temps ? On vous résume la polémique autour du « hidjab de running » de Decathlon en cinq points.
1/ D’où part la polémique ?
Si l’affaire a connu son paroxysme le mardi 26 février, sa genèse remonte à quelques jours plus tôt. Le 21 février, un utilisateur de Twitter repère sur le site de Decathlon un article qualifié de « hijab running ». Il s’agit, selon la description, d’un produit « respirant » et « conçu pour la coureuse qui souhaite se couvrir la tête et le cou pendant la course ». L’utilisateur (dont le pseudo est Al-Kanz) contacte Decathlon, qui lui répond que ce produit n’est pour l’instant disponible qu’au Maroc.
Le 24 février, le « hijab running » refait surface sur Twitter, après un message posté par l’une des porte-paroles du parti Les Républicains, Lydia Guirous. Elle écrit notamment que « Decathlon se soumet également à l’islamisme qui ne tolère les femmes que la tête couverte (…) » :
Bonjour,
Rassurez-vous, nous ne renions aucune de nos valeurs. Nous avons toujours tout fait pour rendre la pratique du sport plus accessible, partout dans le monde. Ce hijab était un besoin de certaines pratiquantes de course à pied, et nous répondons donc à ce besoin sportif.— Decathlon (@Decathlon) February 25, 2019
2/ La polémique prend de l’ampleur sur les réseaux sociaux
D’autres personnalités politiques prennent le relais de la porte-parole de LR, toutes couleurs politiques confondues. Citons pêle-mêle : les ministres Gérald Darmanin et Marlène Schiappa (LREM), Valérie Boyer (LR), Aurore Bergé (LREM), Corinne Lepage (CAP21, qui a finalement retiré son tweet) ou encore Nicolas Dupont-Aignan :
Le sport libère, le voile asservit ! #Décathlon doit retirer son "#hijab de running !"
J’appelle au boycott. J’ai 2 filles et je n’ai pas envie qu’elles vivent dans un pays qui régresse comme en Arabie Saoudite.»
Signez la pétition #NonAuHijab
👉 https://t.co/f8b4l8ek8q pic.twitter.com/9zL5xT2bUa— N. Dupont-Aignan (@dupontaignan) February 26, 2019
3/ L’enseigne Décathlon réagit officiellement une première fois :
Face à la montée de la polémique, l’enseigne Décathlon se résout à communiquer, en premier lieu par l’intermédiaire de son community manager, Yann, dont le nom revient avec insistance dans les tendances Twitter. Contacté par Le Figaro le 25 février, le responsable de la communication externe de la marque explique que ce « hijab running » a été créé en réponse aux besoins des coureuses marocaines. « A chaque fois que nous serons sollicités par des sportifs locaux, à Jakarta, à Montréal ou à Tunis, nous aurons la même réponse, en proposant une offre internationale et des produits locaux complémentaires. »
4/ La polémique se poursuit et l’enseigne est menacée :
Sur RTL, le 26 février la ministre de la Santé, Agnès Buzyn déclare : « C’est une vision de la femme que je ne partage pas. En tant que femme, c’est comme ça que je le vis. Tout ce qui peut amener à une différenciation me gêne. J’aurais préféré qu’une marque française ne promeuve pas le voile. » Pour François Bayrou (MoDem), « la société française, c’est une société qui dans sa tradition refuse qu’on couvre le visage et le corps humain à l’excès », déclare-t-il sur BFM TV.
En fin de journée, la ministre des Sports tente de calmer les esprits avec deux tweets :
Pour toutes ces raisons, je veux aller chercher les femmes, les mères, les jeunes filles partout où elles sont et comme elles sont, les encourager à la pratique du sport car c’est, j’en suis convaincue, un levier puissant d’émancipation.
— Roxana Maracineanu (@RoxaMaracineanu) February 26, 2019
Entre-temps dans l’après-midi du mardi 26 février, le compte Twitter de Décathlon explique avoir reçu « une vague d’insultes et de menaces sans précédent ». Captures d’écrans à l’appui :
Notre service client a reçu plus de 500 appels et mails depuis ce matin. Nos équipes dans nos magasins ont été insultées et menacées, parfois physiquement.
Pour vous donner une idée, voici le type de messages qu’on reçoit : pic.twitter.com/4ZjkRlgm2U— Decathlon (@Decathlon) February 26, 2019
5/ Decathlon renonce à la vente du « hijab running » :
Finalement sous pression mardi soir, Decathlon prend la décision de retirer son produit en France. « Nous prenons effectivement décision en toute responsabilité, en ce mardi soir, de ne pas commercialiser à l’heure qu’il est ce produit en France », concède le directeur de la communication sur RTL, confirmant un communiqué consultable sur le compte Twitter de l’enseigne.
Suite à de nombreux débats internes, et pour garantir la sécurité de nos collaborateurs en France : pic.twitter.com/0IePfSUkm9
— Decathlon (@Decathlon) February 26, 2019
Ce « hijab de running », qui devait être commercialisé mi-mars au prix de 8 euros, ne sera donc jamais en rayon.
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