Nom : Babes For Trump. Surnom : Make America Great Again One Babe At a Time. Date de naissance : février 2016. Lieu : Twitter, Instagram, Snapchat. Taille : plusieurs dizaines de milliers d’abonnés. Ce mouvement, à mi-chemin entre le porno et le machisme outrancier, déborde d’imagination et de sillicone pour séduire de nouveaux électeurs. Plongée dans l’Amérique contradictoire.
Initié par quatre étudiants du Kentucky, le compte Twitter « Babes for Trump » aurait pour unique but d’être « une plateforme pour étudiants, principalement des femmes, pour qu’ils puissent exprimer leur opinion politique ». Au-delà de la démarche douteuse, voire racoleuse, ce mouvement demeure révélateur de cette partie de l’Amérique pro-Trump. Les similitudes entre la vision du milliardaire et les Babes for Trump sont légion.
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https://twitter.com/BabesForTrump/status/744800136149110784
Donald Trump et les femmes, une longue histoire de désamour
Pour être clair, les femmes sont synonymes d’objets pour Donald Trump. Le sexisme et les sorties controversées sont multiples depuis le début de sa campagne. Pour ne citer que quelques exemples, l’ancien propriétaire du concours miss Univers a proposé de punir les femmes qui choisissent d’avorter, a déclaré à propos d’une journaliste de Fox News qu’« elle avait du sang qui sortait des yeux. Elle a du sang qui sort de partout d’ailleurs », que ce qu’on dit de vous n’a pas d’importance tant que « vous êtes jeune et avez un bon cul » ou encore que sa fille a un corps sublime et qu’il la draguerait bien si elle ne faisait pas partie de sa famille. Ce n’est que la partie visible de l’iceberg. La classe politique n’échappe évidemment pas à la règle, notamment Hilary Clinton qui ne « peut pas satisfaire son mari ».
En mars dernier, il a tweeté une photo comparant sa femme Melania, qu’il met en scène, et celle de Ted Cruz, avec la mention « une image vaut plus que des milliers de mots ». On retrouve exactement les mêmes codes sur le compte Babes For Trump, tournant en dérision une pro-Clinton au profit d’une pro-Trump. Comment expliquer cette fascination pour l’ultra machiste Donald Trump ? Samantha et Sarah Hagmayer, deux étudiantes, membres des mouvements New Jersey Students 4 Trump et Babes For Trump, nous donnent leur point de vue : « Il a eu un succès considérable en tant qu’homme d’affaires. On ne peut qu’apprécier sa façon de penser, sa façon d’étudier les différents éléments avant de prendre une décision. Donald Trump est quelqu’un ouvert d’esprit qui n’a pas la langue dans sa poche et représente une majorité silencieuse. Il y a tellement de personnes qui se sont tus par peur d’être stigmatisés par la gauche intolérante. Les gens en ont marre des mensonges, de la corruption. L’Amérique a besoin de changement, de changement dans le bon sens du terme et c’est Trump qui l’incarne ! ».
Lorsqu’on en vient aux adversaires de Trump, les deux jeunes femmes, issues d’une famille catholique d’une petite ville du South Jersey, ont elles-aussi un avis bien tranché. « Nous détestons Obama, expliquent-elles, qui est un imbécile raciste vendeur de rêve. En tant qu’homme, il a l’air plutôt sympa, mais comme président, il a plus divisé notre pays qu’autre chose. Clinton quant à elle est une criminelle. Entre la polémique des emails et, surtout, sa responsabilité dans les attentats de Benghazi, elle ne devrait même pas être autorisée à se présenter. Bernie est un socialiste et il est impensable d’imaginer sa politique aux Etats-Unis, ce serait une catastrophe. Et Cruz ? C’est un menteur ».
Loving my new dress #BabesforTrump #Trump2016 #Model #selfie pic.twitter.com/uiJ1BWmZBU
— Nadia crusade, ✝️ (@Nadiasalvino) May 24, 2016
Qu’en est-il de son rapport si particulier aux femmes ? De sa misogynie ? Les jumelles rejettent la faute sur les médias, qu’elles considèrent anti Trump : « Ils affirment qu’il est misogyne et qu’il traite mal les femmes, alors que c’est tout le contraire. Il engage plus de femmes que d’hommes, notamment aux positions importantes dans ses entreprises. Les femmes qu’on voit sur Babes For Trump ont soumis leurs photos. Personne ne leur a imposé de se dénuder. Nous concernant, c’est un ami qui a proposé nos photos. On ne s’imaginait pas que ça allait devenir viral, mais ça nous a encouragées à nous investir encore plus et à ne pas laisser les médias nous passer sous silence. Énormément de femmes envoient des messages au community manager pour le remercier ».
https://twitter.com/BabesForTrump/status/735129621017055232
S’il est vrai que chacune des photos ont été postées avec l’accord des jeunes femmes concernées, le côté sexy, limite porno, ne risque t-il pas d’interférer avec le message politique ? « C’est possible, admettent-elles, mais il faut prendre des risques pour attirer l’attention. Que l’on parle de nous en bien ou en mal, ce qui compte, c’est qu’on parle de nous, il n’existe pas de publicité négative. Nos photos n’ont rien de scandaleuses ou autres et elles ne représentent ni notre personnalité ni nos idées politiques. Une photo reste une photo ».
Quand on leur demande si elles sont féministes, elles répondent d’un « non » catégorique. Faire parler, coûte que coûte, et la haine envers les médias, Trump is in the air.
Le mur de l’illusion
Autre fer de lance de la campagne du magnat de l’immobilier, le débat autour de l’immigration est lui-aussi présent, d’une certaine façon, chez les Babes For Trump. Et pour cause, à peine deux ou trois « Babes » de couleur figurent parmi les photos postées sur le compte. Un mur virtuel faisant écho à celui proposé par Trump, payé par le Mexique, pour stopper l’immigration illégale. Sans oublier la proposition d’interdire aux Musulmans l’entrée sur le sol américain. « La construction d’un mur est une super idée, estiment Samantha et Sarah, surtout qu’il sera payé par le Mexique ! À l’heure actuelle, ils (les Mexicains) profitent de notre système permissif. On est d’accord pour dire que les États-Unis sont terres d’opportunités et que l’on souhaite accueillir les étrangers, mais seulement dans la légalité. Ce n’est pas juste pour ceux qui se plient aux règles ».
Charlie Hebdo, 13 novembre, attentats de Bruxelles, fusillade de San Bernardino, tuerie d’Orlando, ces différentes tragédies ont renforcé le sentiment d’islamophobie, comme nous le confirment les jumelles. « Ce n’est pas une nouvelle preuve, mais une preuve évidente que les musulmans ne doivent plus être autorisés à entrer sur notre territoire. Je n’ai rien contre eux, l’islam radical est notre ennemi, mais notre système ne permet pas de tous les contrôler, et ça, Daech l’a bien compris. Il y a trop d’attaques terroristes dans le monde pour les laisser entrer comme dans du beurre (« like Swiss Cheese », expression employée par Trump, ndlr) dans notre pays, qui se doit d’être vigilant et malin. Je ne suis pas contre le fait d’aider les réfugiés, mais on a déjà des vétérans de guerre dans la rue. On ne peut pas toujours être des héros pour le reste du monde, on doit d’abord penser à nous. Personne ne devrait être critiqué pour avoir pensé à la sécurité de la nation. On ne veut plus d’attentats. La sécurité intérieure est une priorité ».
La peur de l’étranger, accouplée aux attentats qui ont récemment frappé l’Europe et le pays de l’oncle Sam, est indissociable d’un autre débat, éternel, le deuxième amendement, relatif au port d’armes.
Boobs and guns
Conservateur, le candidat républicain est, cela va sans dire, favorable au deuxième amendement de la Constitution des Etats-Unis. De quoi s’assurer le soutien de la surpuissante et influente National Rifle Association et d’une partie de l’électorat qui fantasme à la vue d’une blonde aux formes avantageuses et amatrice d’armes à feu. Ass, boobs, guns. Combo. You win.
Le port d’armes, un droit inaliénable pour Samantha et Sarah, qui posent fièrement à côté de fusils pour Babes For Trump : « Il est impensable qu’un gouvernement nous supprime ce droit, surtout en ce moment où on ne peut faire confiance à personne. Il ne faut pas laisser le gouvernement manipuler l’opinion en leur faisant croire que des zones sans armes ou des contrôles renforcés sont suffisants. Ça n’aura aucun effet. Les criminels se moquent des lois et voir un panneau ‘this is a gun-free zone’ n’empêchera rien. Durant les 10 dernières années, le nombre de fusillades dans les écoles a littéralement explosé. Il y en a même eu dans les cinémas et les églises ! On se doit d’être sûr de pouvoir se protéger au cas où un homme armé débarque. Selon des statistiques, 60% des voyous se ravisent s’ils savent que leur future victime possède une arme ».
Quid des nombreux accidents domestiques, notamment concernant les enfants ? Les jumelles répondent avec un argument déconcertant. « On aimerait avoir des preuves concrètes, expliquent-elles. Il faut mettre les armes hors de portée des enfants. Si des bébés tuent des personnes innocentes, c’est clairement un manque d’éducation de la part des parents. Ça doit seulement servir à se protéger ».
https://twitter.com/AliciaStarko/status/733031719926792192
Se protéger contre les malfrats, mais également contre les terroristes donc. Un leitmotiv que Trump reprend après chaque attentat. « On peut dire ce qu’on veut, s’ils (les Français) avaient eu des armes, s’ils avaient le droit de porter des armes, la situation aurait été très différente. ». Même son de cloche du côté des deux jeunes femmes : « En France, ça aurait pu être différent, étant donné que c’était avant-tout des fusillades. Le temps que les forces de l’ordre arrivent, il est déjà trop tard, alors que si une personne sur les lieux avait une arme, ça aurait permis d’interrompre l’assaillant. En Belgique en revanche, ça n’aurait malheureusement servi à rien car il s’agissait de bombes, et les bombes ont plus de chance de tuer en masse que des armes à feu ». Forcément.
Un argument qui ne fonctionne plus concernant San Bernardino ou Orlando ? Que nenni, le responsable est tout autre. « La plupart des citoyens qui possèdent des armes sont bien éduqués. Les fusillades sont causées par des fous ou des islamistes radicaux. En ce qui concerne Orlando, c’est de la faute du FBI et de l’administration d’Obama. Le tueur d’Orlando était surveillé depuis longtemps et on l’a laissé filer. Les moyens mis en place par Obama pour lutter contre le terrorisme sont insuffisants, tout comme la surveillance des menaces potentielles est beaucoup trop laxiste. Surtout, Obama n’ose pas nommer clairement l’ennemi et ça ne fait que s’empirer. Il y a des cas liés à Daech dans les 50 états ! « .
On retrouve chacun des grands axes de la campagne de Trump dans ce compte qui se veut, paradoxalement, apolitique. Donald Trump, un gourou ? On s’en rapproche. Lorsqu’on conclut l’interview de Samantha et Sarah en leur demandant ce qu’elle changerait chez le candidat à la Maison Blanche, elle répondent : « Rien ! ».
Kevin Jeffries
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