Des discours et images de la colonisation française en Indochine rassemblés dans un documentaire par Rithy Panh, qui en fait un tombeau mélancolique.
Un documentaire pas comme les autres de Rithy Panh, le chroniqueur du génocide khmer, l’intervieweur du tortionnaire Duch. Une pure œuvre de montage, une marqueterie d’archives de la première moitié du XXe siècle, dont le but avoué est d’offrir “une méditation en images sur l’Indochine française”.
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Autrement dit, un panorama de vues, plutôt amateurs dans l’ensemble, qui rappellent – on a tendance à l’oublier – à quel point la France a laissé son empreinte en Asie du Sud-Est, au point d’y avoir bâti des villes entières sur un modèle haussmannien. Voir comment encore aujourd’hui l’ancienne capitale de l’empire, Saigon, devenue Hô Chi Minh-Ville, porte les stigmates de cette colonisation.
La colonisation n’a jamais vraiment cessé
S’il juxtapose les images de la présence des Français dans cette région avec celle des autochtones, corvéables à merci, le cinéaste se défend d’anticolonialisme. Pourtant cela semble être tout de même le cas, puisqu’il élargit le propos en insérant dans ces vues de la vie en Indochine des images de l’Afrique, autre continent exploité par la France.
En filigrane, le film dit que la colonisation n’a jamais vraiment cessé. La preuve si l’on considère la façon dont la firme française Bolloré s’est arrogée le monopole du transport commercial dans plusieurs pays d’Afrique, ou bien comment le Cambodge, pays de Rithy Panh, subit aujourd’hui la mainmise industrielle de la Chine, qui a remplacé le colonialisme occidental d’antan.
Un montage qui n’a rien de neutre
Bref, un film de montage qui n’a rien de neutre, même s’il semble parfois célébrer le côté bon enfant et décontracté des colons, l’insouciance et la beauté des natifs, ou le charme des paysages, très souvent aquatiques. A cela s’ajoute la beauté fanée des vieilles images usées, parfois teintées, parfois en couleurs, magnifiant la légende exotique.
Mais outre des séquences objectivement choquantes pour un Occidental du XXIe siècle – des dames patronnesses en blanc jetant des aliments à des pauvres indigènes comme à des poules –, le film fait mouche en citant textuellement le discours colonial.
Rithy Panh se défend d’avoir écrit un commentaire, mais il ne s’est pas privé d’émailler le film d’une série de textes au banc-titre (à la façon des films muets), des perles du colonialisme sans doute pêchées dans un quelconque nanar documentaire. Exemples : “Là où il n’y avait que pauvreté et ignorance, notre patrie offre la liberté et le savoir”, ou bien “Un jour, les peuples sans histoire remercieront la France pour sa tutelle bienveillante”. Certes, la France a été bien remerciée, mais manu militari, à Diên Biên Phu.
La France est notre patrie documentaire de Rithy Panh. Jeudi 11, 23 h 20, France 3
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Rithy Panh présente son documentaire au Festival et forum international sur les droits humains
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